Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé l'interdiction de territoire.
Par un jugement n° 2206944 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Gonidec, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé l'interdiction de territoire ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous les mêmes conditions d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour son conseil de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat. A défaut d'admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la même somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'arrêté attaqué :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- il méconnait les dispositions de l'article R. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire :
- il est illégal en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 27 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Quenette a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 6 novembre 2001, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 août 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par la décision susvisée du 27 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dès lors, ses conclusions présentées devant la Cour tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont en tout état de cause devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, stipule que : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".
4. M. B... établit être père d'une enfant française née de le 2 juin 2021 alors qu'il était encore incarcéré et qu'il a reconnue le 23 août 2022 le lendemain de sa libération. L'enquête sociale menée le 10 mars 2021 menée par l'AGAVIP, association agréée par le ministère de la justice, précise que le requérant vivait avec une ressortissante française, ce que cette dernière atteste, et que l'enfant à naître était attendue par le couple avant l'incarcération du requérant. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a exercé différentes démarches pour la reconnaissance de sa paternité pendant son incarcération. Il établit par une attestation non contredite par le préfet, qui n'a pas produit de mémoire en appel, qu'il a reçu des visites de sa concubine et de son enfant pendant cette incarcération. Si le préfet des Bouches-du-Rhône relève que le requérant a été condamné pour trafic de stupéfiant à deux reprises le 22 septembre 2020 et le 10 juin 2021 à 8 et 18 mois de prisons par le tribunal correctionnel de Nîmes en sorte qu'il constituerait une menace à l'ordre public, la décision d'obligation à quitter le territoire de M. B..., dans les circonstances particulière de l'espèce tenant à l'absence d'un parcours de délinquant inscrit dans la durée et à la séparation de l'enfant qu'engendrerait la décision attaquée alors même qu'il démontre depuis la naissance de sa fille les marques de son attachement, doit être regardée comme portant une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. Le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire et, par voie de conséquence, l'interdiction prononcée à son encontre de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.
5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., mais seulement le réexamen de sa situation en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu de prescrire au préfet des Bouches-du-Rhône de se prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la situation de l'intéressé et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle en sorte que les conclusions tendant au versement d'une somme au profit de son conseil ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat au profit de M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2206944 du 15 septembre 2022 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 août 2022 édicté à l'encontre de M. B... sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gonidec.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
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N° 22MA02617
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