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22/06/2023 | FRANCE | N°21MA04375

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 22 juin 2023, 21MA04375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Wif and Co a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Saint-Cyr-sur-Mer lui a refusé un permis de construire en vue d'une démolition totale de l'existant, et de l'édification d'un immeuble collectif avec huit stationnements, créant une surface de plancher de 275,49 m², sur un terrain sis 20, allée des Pins, cadastré section CE n° 198, d'une superficie de 602 m² sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2003309 du 1

5 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 22 octob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Wif and Co a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Saint-Cyr-sur-Mer lui a refusé un permis de construire en vue d'une démolition totale de l'existant, et de l'édification d'un immeuble collectif avec huit stationnements, créant une surface de plancher de 275,49 m², sur un terrain sis 20, allée des Pins, cadastré section CE n° 198, d'une superficie de 602 m² sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2003309 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 22 octobre 2020 et a enjoint au maire de Saint-Cyr-sur-Mer d'accorder le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, la commune de Saint-Cyr-sur-Mer, représentée par Me Marchesini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la société Wif and Co devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de la société Wif and Co la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête a perdu son objet, la requérante ayant déclaré son intention d'aliéner la parcelle CE n° 198, et l'acquéreur ayant obtenu pour celle-ci un permis de construire dont l'exécution est entamée ;

- la demande de permis est entaché de fraude dès lors que le pétitionnaire n'avait pas qualité à demander le permis ;

- elle justifie de la compétence du signataire ;

- les motifs tirés la méconnaissance des dispositions des articles 4.2.2. et 11.1 du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme sont fondés ;

- l'injonction de délivrance d'un permis de construire est insuffisamment motivée et dénature les pièces du dossier ; le changement de circonstances de fait empêche nécessairement la délivrance du permis de construire en litige par la commune.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2022, la société Wif and Co, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Cyr-sur-Mer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Faure Bonaccorsi, représentant la commune de Saint-Cyr-sur-Mer et les observations de le Me Parisi, représentant la société Wif and Co.

Une note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2023, a été présentée par Me Merchesini pour la commune de Saint-Cyr-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. La société Wif and Co a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Saint-Cyr-sur-Mer lui a refusé un permis de construire en vue d'une démolition totale de l'existant, et de l'édification d'un immeuble collectif avec huit stationnements, créant une surface de plancher de 275,49 m², sur un terrain sis 20, allée des Pins, cadastré section CE n° 198, d'une superficie de 602 m² sur le territoire communal. La commune de Saint-Cyr-sur-Mer relève appelle du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté de refus du 22 octobre 2020 et l'a enjoint à la délivrance du permis.

Sur la régularité du jugement :

2. La circonstance que le terrain d'assiette du permis ait fait l'objet d'une intention d'aliénation au profit d'un tiers qui a obtenu un permis de construire postérieurement à l'arrêté en litige et que ce permis ait reçu un début d'exécution, voire ait été exécutée, n'est pas de nature à rapporter la décision attaquée. Par suite, la commune n'est pas fondée à faire valoir que la requête aurait perdu son objet. Le tribunal n'a donc pas entaché d'irrégularité son jugement en s'abstenant de prononcer un non-lieu à statuer à cet égard.

En ce qui concerne le bien fondé du jugement s'agissant du refus de permis de construire :

3. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont estimé que l'adjoint au maire n'avait pas compétence pour le prendre et que les motifs de refus de permis de l'arrêté tiré de l'incohérence du dossier sur le volume de rétention projetée et la méconnaissance des dispositions des articles 11.1 du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme étaient infondés.

4. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. Dans ce cas, si le juge d'appel estime qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. (...) ".

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté N° 2020-07-749 du 16 juillet 2020, M. A... B..., cinquième adjoint au maire de Saint-Cyr-sur-Mer, a reçu délégation de fonction et de signature pour tous courriers, actes, arrêtés et décisions, notamment en matière d'urbanisme. La commune justifie que cet arrêté a été régulièrement transmis et réceptionné en préfecture le 16 juillet 2020 et produit le certificat d'affichage du 2 septembre 2021, par lequel le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer atteste avoir mis à disposition du public dans le recueil des actes administratifs pour la période de deux mois de cet arrêté à compter du 1er juillet 2020. Il en résulte que la commune est fondée à soutenir que la décision attaquée n'est pas entachée de l'incompétence de son auteur contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulon.

7. En deuxième lieu, le 4.2.2 de l'article UC4 du plan local d'urbanisme prévoit que les eaux pluviales provenant des couvertures et débords de toute construction doivent être traitées sur le terrain. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice hydraulique, que le bassin de rétention devra présenter une capacité d'au moins 40 m3, illustré par un plan sur la planche 6/6 indexée PC 4.2.1, tandis que le plan de masse indexé PC 2.1 prévoit une capacité effective de 42 m3, respectant ainsi le dimensionnement minimal du bassin de rétention. La commune de Saint-Cyr-sur-Mer ne remet pas en cause le dimensionnement ainsi calculé dans la notice hydraulique. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que le pétitionnaire ne respecte pas le volume minimum utile du bassin de rétention d'eau nécessaire à la réalisation de son projet, ni que les plans PC 4.2.1 et PC 2.1 seraient incohérents. Le pétitionnaire est donc fondé à soutenir que le motif tiré de l'incohérence entre ces deux pièces du dossier de demande est erroné ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Toulon. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4.2.2. de l'article UC4 du plan local d'urbanisme communal doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 11-1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune : " Les constructions doivent présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux compatible avec la bonne économie de la construction et la tenue générale de l'agglomération. Les constructions autorisées dans cette zone doivent faire l'objet d'une architecture soignée. Elles contribuent à une harmonie d'ensemble des formes bâties et s'inscrivent dans le caractère général de l'ensemble de la zone sans nuire et porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants. Le permis de construire peut être refusé si les travaux projetés sont de nature à rompre l'harmonie de l'ensemble ".

9. En se bornant à alléguer que le projet apparaît disproportionné par rapport aux constructions voisines et alentour ainsi qu'à l'environnement bâti composé pour l'essentiel de maisons individuelles de type pavillonnaire, et que le style architectural de même que la couleur du bâtiment, gris/bleu, jure manifestement avec les maisons avoisinantes et le quartier emblématique de la commune, la commune, qui soutient que le projet méconnait les dispositions de l'article UC 11-1 du règlement du PLU communal, n'apporte pas d'éléments nouveaux en appel permettant de critiquer utilement le jugement de première instance sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen ainsi soulevé par adoption de motif retenu à bon droit par les premiers juges aux points 8 à 12 du jugement.

10. En dernier lieu, la seule circonstance qu'un permis alternatif ait été accordé à un tiers postérieurement au refus du permis en litige n'est pas de nature à établir que le pétitionnaire n'avait pas qualité à déposer une demande de permis de construire ou aurait entaché sa demande d'une fraude.

Sur le bien-fondé du jugement s'agissant des conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Et selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". Lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

12. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet a fait l'objet d'une intention d'aliéner au profit d'un tiers qui a obtenu un permis de construire postérieurement à l'arrêté en litige pour un projet de villa de 210 mètres carrés avec piscine potentiellement incompatible avec le permis de construire sollicité et que ce permis a reçu un début d'exécution. La commune de Saint-Cyr-sur-Mer est fondée à se prévaloir que cette situation de fait nouvelle fait obstacle à l'injonction de délivrance d'un permis de construire.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement en ce qui concerne le prononcé de l'injonction, que la commune de Saint-Cyr-sur-Mer est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a enjointe à délivrer le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux parties à leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2003309 du 15 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il enjoint à la commune de Saint-Cyr-sur-Mer de délivrer le permis de construire sollicité.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Cyr-sur-Mer et à la société Wif and Co.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

N° 21MA04375 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04375
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-22;21ma04375 ?
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