Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1601387 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. B... A... comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître s'agissant de la contestation des décisions de la régie des eaux du canal Belletrud et comme ne faisant pas grief s'agissant du courrier du 1er mars 2016 du département des Alpes-Maritimes.
Par un arrêt n° 18MA04049 du 8 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2016 du département des Alpes-Maritimes, et a renvoyé cette affaire devant le tribunal administratif de Nice dans cette mesure, où elle a été enregistrée sous le n° 1905033 le 4 octobre 2019.
Par un jugement n° 1905033 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2021 et 6 avril 2023, sous le n° 21MA04681, M. A..., représenté par Me Bonnet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 1er mars 2016 du département des Alpes-Maritimes ;
3°) à titre subsidiaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a admis l'intervention de la régie des eaux du canal Belletrud et condamné M. A... à lui verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'exception d'illégalité du règlement général de la voirie ;
- le jugement est irrégulier dans la mesure où il a considéré à tort la régie des eaux du canal Belletrud comme une partie ;
- en conséquence, c'est à tort qu'il a été condamné à verser à la régie une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- ce règlement est irrégulier dans la mesure où il méconnaît la liberté du commerce et de l'industrie et du droit de la concurrence ;
- un renvoi en question préjudicielle à la CJUE s'impose sur ce point.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2022, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Capia, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2023, la régie des eaux du canal Belletrud, représentée par Me Suares, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La régie soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ciréfice,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me de Craecker représentant le département des Alpes-Maritimes et de Me Geay représentant la régie des eaux du canal Belletrud.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est propriétaire d'une maison située 2 740 route de Draguignan au Tignet, qui n'est pas raccordée au réseau public d'eau potable. Il a transmis, le 30 octobre 2014, à la régie des eaux du canal Belletrud, établissement public industriel et commercial en charge de la gestion de ce réseau, un formulaire de déclaration de projet de travaux de terrassement en vue de se raccorder à ce réseau. Par un jugement du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation des décisions de la régie des 6 novembre 2014 et 5 janvier 2015 et de la décision implicite de refus née du silence gardé par la régie sur sa mise en demeure adressée le 19 mars 2015 ainsi que de la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016 rejetant la demande de M. A... tendant à ce que le département l'autorise à choisir une entreprise chargée d'effectuer le terrassement préalable à la pose de la canalisation devant desservir sa propriété. Par un arrêt n° 18MA04049 du 8 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et a renvoyé cette affaire devant le tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2016 du département des Alpes-Maritimes. M. A... relève appel du jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016.
Sur la mise en cause de la régie des eaux du canal Belletrud en appel :
2. Doit être regardée comme une partie à l'instance la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre cette décision. Si M. A... soutient que l'intervention de la régie " n'aurait pas dû être admise ", cette dernière, mise en cause pour observations par la juridiction, ne peut être regardée comme une intervenante à l'instance mais comme une partie. En outre, cette mise en cause de la régie a été effectuée à bon droit dès lors que la décision à intervenir est susceptible de préjudicier à ses droits.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En se bornant à relever que l'illégalité du règlement du service de distribution d'eau ne peut être utilement invoqué à l'appui du recours dirigé contre la décision du 1er mars 2016 sans répondre au moyen tiré de l'exception d'illégalité du règlement départemental de voirie, le tribunal administratif de Nice a insuffisamment motivé son jugement.
4. Par suite, il y a lieu, pour la Cour, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé, d'annuler le jugement attaqué et de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur la légalité de la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016 :
5. En premier lieu, la loi dite " Grenelle II " du 12 juillet 2010 a inséré dans le code de l'environnement, aux articles L. 554-1 et suivants, de nouvelles dispositions relatives à la sécurité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution. Il résulte du II de l'article R. 554-2 du même code que ce régime préventif s'applique notamment aux ouvrages de " canalisations de prélèvement et de distribution d'eau destinée à la consommation humaine ". Il résulte de ce régime de prévention que les travaux réalisés à proximité des ouvrages constituant les réseaux ou à proximité des ouvrages telles les canalisations d'eau destinées à la consommation humaine doivent être effectués dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à leur intégrité, sécurité ou continuité de fonctionnement. Lorsque des travaux sont réalisés à proximité de tels ouvrages, des dispositions techniques et organisationnelles sont mises en œuvre, dès le début du projet et jusqu'à son achèvement, sous leur responsabilité et à leurs frais, par le responsable du projet de travaux, par les exploitants des ouvrages et par les entreprises exécutant les travaux. L'article R. 554-4 du code de l'environnement institue en outre un guichet unique chargé de recueillir les éléments nécessaires à l'élaboration d'une base de données centralisée sur les zones d'implantation des ouvrages de réseau. Il résulte de ces dispositions que seuls les gestionnaires du réseau ont qualité pour demander une autorisation d'occupation du domaine public aux fins de réalisation de travaux et d'enfouissement d'une canalisation.
6. En l'espèce, la décision attaquée, par laquelle le département des Alpes-Maritimes doit être regardé comme ayant opposé une décision de refus à la demande de M. A... de délivrance d'autorisation d'occuper le domaine public aux fins de réalisation de travaux de terrassement et d'enfouissement d'une canalisation, a été prise sur le fondement du règlement général de la voirie du département des Alpes-Maritimes du 21 juillet 2014 qui réglemente la gestion du domaine public routier départemental. Il ne résulte pas de ce règlement, lequel se borne à faire application des dispositions précitées du code de l'environnement et à prévoir, en conséquence, que toute personne physique ou morale de droit public ou de droit privé envisageant la réalisation de travaux de certains ouvrages souterrains de transport ou de distribution doit, au titre de la conception, puis au stade de la réalisation, effectuer certaines demandes auprès des exploitants des ouvrages concernés et que le demandeur doit prendre contact avec le service gestionnaire qui déterminera les documents à produire nécessaires à l'instruction du dossier, lequel sera ensuite transmis aux services départementaux, que ce dernier méconnaîtrait le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et les dispositions de l'article 106-2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En outre, comme il a été dit dans l'arrêt précité de la Cour du 8 avril 2019, devenu définitif sur ce point, le refus de la régie de proposer à M. A... un contrat de prestations l'autorisant à choisir une entreprise pour réaliser les travaux de terrassement se rattache à un litige qui concerne les rapports de droit privé qu'un service public industriel et commercial entretient avec ses usagers et relève de la compétence des juridictions judiciaires. Par suite, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer et de saisir la CJUE d'une question préjudicielle, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté du commerce et de l'industrie, du droit de la concurrence ou des stipulations du traité de l'Union européenne doit être écarté.
7. En second lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.
8. En l'espèce, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision du 1er mars 2016, M. A... excipe de l'illégalité du règlement du service de distribution d'eau. Or, la réponse du département des Alpes-Maritimes se fonde uniquement sur le règlement général de la voirie du 21 juillet 2014 qui réglemente la gestion du domaine public routier départemental, notamment sur les questions de domanialité, et non sur l'article 4.3 du règlement du service de distribution d'eau. Dans ces conditions, la décision du 1er mars 2016 n'a pas été prise en application du règlement du service de distribution d'eau et ne constitue pas une mesure d'application de ce règlement. Par suite, le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du règlement du service de distribution d'eau ne peut être utilement invoqué à l'appui du recours dirigé contre la décision du 1er mars 2016.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 octobre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au département des Alpes-Maritimes et à la régie des eaux du canal Belletrud.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2023.
2
N° 21MA04681