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08/04/2019 | FRANCE | N°18MA04049

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 08 avril 2019, 18MA04049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions de la régie des eaux du canal Belletrud du 6 novembre 2014 et du 5 janvier 2015 ainsi que la décision implicite de refus du même établissement née de la mise en demeure adressée le 19 mars 2015 et d'annuler la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016.

Par un jugement n° 1601387 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 25 août 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions de la régie des eaux du canal Belletrud du 6 novembre 2014 et du 5 janvier 2015 ainsi que la décision implicite de refus du même établissement née de la mise en demeure adressée le 19 mars 2015 et d'annuler la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016.

Par un jugement n° 1601387 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Nice ;

2°) à titre principal, d'annuler les décisions des 6 novembre 2014 et 5 janvier 2015 de la régie des eaux du canal Belletrud et la décision implicite née du silence gardé par le même établissement sur sa mise en demeure du 19 mars 2015, et la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016 ;

3°) à titre subsidiaire, de déclarer illégal le refus que lui a opposé la régie des eaux du canal Belletrud et d'enjoindre à cette dernière de lui proposer un contrat de prestation l'autorisant à choisir sa propre entreprise pour les travaux de terrassement, sous réserve de vérifier l'adéquation des qualifications de l'entreprise aux exigences de la conservation et de la protection du domaine public ;

4°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes et de la régie la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des principes du droit de la concurrence protégés par le droit communautaire ;

- les travaux dont il demande la réalisation sont des travaux publics, de sorte que la juridiction administrative est compétente ;

- la décision du département lui fait grief.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2018, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me B...de la SELARL Lestrade-B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les travaux projetés ont le caractère de travaux privés ;

- le refus opposé au requérant par la régie relève de la compétence du juge judiciaire ;

- il ne pouvait traiter utilement la demande faite par le requérant ;

- la réponse qu'il a formulée à la demande de M. C...ne revêt aucun caractère décisoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2019, la régie des eaux du canal Belletrud, représentée par Me F...de la SELARL Plénot-F... -Blanco-Orlandini, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les travaux en cause sont des travaux privés ;

- le courrier du département des Alpes-Maritimes ne revêt aucun caractère décisoire ;

- il n'entre pas dans les pouvoirs du juge administratif d'adresser l'injonction formulée par le requérant à titre subsidiaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentant la régie des eaux du canal Belletrud.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...est propriétaire d'une maison située au 2740 route de Draguignan au Tignet, qui n'est pas raccordée au réseau public d'eau potable. Il a transmis, le 30 octobre 2014, à la régie des eaux du canal Belletrud, établissement public industriel et commercial en charge de la gestion de ce réseau, un formulaire de déclaration de projet de travaux - déclaration d'intention de commencement des travaux de terrassement en vue de se raccorder à ce réseau. La régie des eaux du canal Belletrud a refusé que les travaux de terrassement soient réalisés par l'entreprise choisie par le requérant. Ce dernier relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation des décisions de la régie des 6 novembre 2014 et 5 janvier 2015 et de la décision implicite de refus née de la mise en demeure adressée le 19 mars 2015 ainsi que de la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 6 novembre 2014 et 5 janvier 2015 et de la décision implicite de refus née de la mise en demeure adressée le 19 mars 2015 :

2. En premier lieu, le tribunal administratif ayant estimé que l'ordre juridictionnel administratif était incompétent pour connaître des conclusions de M. C...tendant à l'annulation des décisions prises par la régie des eaux du canal Belletrud, il n'avait pas, contrairement à ce que soutient le requérant, à répondre au moyen tiré de la méconnaissance des principes du droit de la concurrenc protégés par le droit communautaire

3. En second lieu, le tribunal administratif a jugé que la demande d'annulation des décisions de la régie des 6 novembre 2014 et 5 janvier 2015 et de la décision implicite de refus qu'elle a opposée à la mise en demeure que lui a adressée le requérant le 19 mars 2015, par lesquelles l'établissement public industriel et commercial a refusé que les travaux de terrassement en vue du raccordement de la propriété de M. C...au réseau d'eau potable soient réalisés par l'entreprise du choix de ce dernier, concernait un litige mettant en cause les relations entre un service public industriel et commercial et son usager et que, dès lors, le juge administratif était incompétent pour en connaître.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a souhaité raccorder à ses frais sa propriété au réseau public d'eau potable, dont le passage est assuré sous la voie départementale qui longe sa propriété, en faisant réaliser les travaux de terrassement par l'entreprise de son choix tout en laissant la maîtrise d'ouvrage à la régie des eaux du canal Belletrud. Ces travaux, exécutés sur la voie publique pour le compte d'une personne privée, ne présentent pas le caractère de travaux publics. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le refus opposé à cette demande de réaliser des travaux privés se rattache à un litige qui concerne les rapports de droit privé qu'un service public industriel et commercial entretient avec ses usagers et relève de la compétence des juridictions judiciaires. Il en est de même des conclusions que M. C... a présentées à titre subsidiaire tendant à ce que soit déclaré illégal le refus de la régie et à ce qu'il soit enjoint à l'établissement public de lui proposer un contrat de prestations l'autorisant à choisir une entreprise pour réaliser les travaux de terrassement.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice s'est estimé incompétent pour connaître de la demande d'annulation des décisions prises par la régie des eaux du canal Belletrud.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016 :

6. M. C...a demandé au département des Alpes-Maritimes de l'autoriser à choisir une entreprise chargée d'effectuer le terrassement préalable à la pose de la canalisation devant desservir sa propriété, sous le contrôle de l'exploitant, mais au prix déterminé librement par cette entreprise. Par courrier du 1er mars 2016, le département a rejeté cette demande au motif qu'elle était présentée par une personne qui n'avait pas qualité pour se voir délivrer une autorisation d'occupation du domaine public, ces dernières n'étant accordées qu'aux concessionnaires de service public ou aux propriétaires des réseaux publics conformément au règlement départemental de voirie.

7. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, cette réponse de refus opposée à une demande de délivrance d'autorisation d'occuper le domaine public aux fins de réalisation de travaux de terrassement et d'enfouissement d'une canalisation revêt un caractère décisoire et est donc susceptible de recours.

8. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du département des Alpes-Maritimes du 1er mars 2016. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire, dans cette mesure, devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la régie des eaux du canal Belletrud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à M.C..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme demandée par la régie des eaux du canal Belletrud ni de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme demandée par le requérant sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2016 du département des Alpes-Maritimes.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure indiquée à l'article 1er, devant le tribunal administratif de Nice.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., à la régie des eaux du canal Belletrud et au département des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2019, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Pecchioli, premier conseiller,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

2

N° 18MA04049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04049
Date de la décision : 08/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Problèmes particuliers posés par certaines catégories de services publics - Service public industriel et commercial.

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Travail public - Travaux ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-08;18ma04049 ?
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