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08/06/2023 | FRANCE | N°21MA03018

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 08 juin 2023, 21MA03018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Immobilière Holding a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000680 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le

27 juillet 2021 et le 25 mars 2022, la SCI Immobilière Holding, représentée par Me Garibaldi, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Immobilière Holding a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000680 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2021 et le 25 mars 2022, la SCI Immobilière Holding, représentée par Me Garibaldi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2021 ;

2°) de prononcer la décharge ou à défaut la réduction de l'imposition et des pénalités en litige.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire ;

- elle a été privée de son droit à un procès équitable au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ses filiales, eu égard à la portée des demandes de renseignements et à la durée des contrôles, ont en réalité fait l'objet de vérifications de comptabilité sans que les garanties attachées à cette procédure leur soient accordées ;

- les recettes de ses filiales ont été surévaluées ;

- l'administration aurait dû réduire les résultats des filiales des charges qui devaient être déduites au titre de l'année 2012 ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le taux d'amortissement de 5 % appliqué par ses filiales pour les immeubles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Immobilière Holding ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Garibaldi, représentant la SCI Immobilière Holding.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Immobilière Holding, qui est soumise à l'impôt sur les sociétés, détenait 99 % du capital de 19 sociétés civiles immobilières détenant elles-mêmes des immeubles donnés en location. A l'issue de contrôles sur pièces des déclarations de la SCI Immobilière Holding et de ses filiales portant sur l'année 2012, l'administration fiscale a rehaussé les résultats des filiales et imposé la SCI Immobilière Holding à raison de sa quote-part de ces résultats. La SCI Immobilière Holding relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a ainsi été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du livre des procédures fiscales : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. La seule circonstance que le rapporteur public a pris connaissance, préalablement au prononcé de ses conclusions devant le tribunal administratif de Marseille, d'un mémoire en réplique du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône du 25 mai 2021 qui n'a pas été communiqué à la SCI Immobilière Holding ne suffit pas à caractériser, contrairement à ce qui est soutenu, une méconnaissance du principe du contradictoire.

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. En l'espèce, le litige soumis au tribunal ne portait que sur les impositions supplémentaires établies à l'issue du contrôle sur pièces des déclarations de la SCI Immobilière Holding. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, être utilement soulevé pour critiquer la régularité de la procédure de première instance.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". D'autre part, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 10 du même livre, l'administration peut demander au contribuable : " (...) tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés ". Lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable, en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité. En revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure, notamment, l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé aux 19 filiales de la SCI Immobilière Holding, le 11 septembre ou le 21 octobre 2015, des demandes de renseignements qui les invitaient à produire les copies des contrats de location concernant les années 2012 et 2013, le détail du calcul et les justificatifs des frais et charges relatifs à ces deux années ainsi que des amortissements de l'année 2012. Les rectifications proposées le 10 décembre 2015 aux filiales et à la SCI Immobilière Holding, personnellement soumise à l'impôt pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans les filiales en application du 1° de l'article 8 du code général des impôts, procédaient, d'une part, de la détermination des résultats des filiales selon les règles régissant l'impôt sur les sociétés, d'autre part, de l'absence de justification du caractère déductible de certaines charges et, enfin, de la remise en cause du taux d'amortissement retenu pour les immeubles. Ainsi, alors même que les demandes de renseignements ont porté sur de nombreux documents, l'ensemble des opérations conduites par l'administration, qui ne relevait pas d'un examen critique des documents comptables, se rattachait à la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle qu'elle tient des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, et non d'une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Par conséquent, la SCI Immobilière Holding n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en mettant en œuvre à l'égard des 19 sociétés civiles immobilières une procédure de vérification de comptabilité sans les faire bénéficier des garanties attachées à ce type de contrôle.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

7. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Aux termes du I de l'article 238 bis K du même code : " Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8,8 quinquies (...) ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...), la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la SCI Immobilière Holding, qui est soumise à l'impôt sur les sociétés, détenait 99 % du capital des 19 sociétés civiles immobilières ayant fait l'objet des contrôles. L'administration a en conséquence déterminé les revenus de ces sociétés d'après les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés, sur le fondement du I de l'article 238 bis K précité du code général des impôts, et ainsi fait application des règles prévues au 2 de l'article 38 du même code, en rattachant à l'exercice les créances acquises sur les tiers, devenues certaines dans leur principe et leur montant. Les résultats des filiales ont ainsi été rehaussés par l'administration en tenant compte de l'ensemble des produits acquis, c'est à dire notamment de la totalité des créances de loyers, compte tenu des loyers prévus dans les contrats de location, ainsi que des dates d'entrée et de sortie des différents locataires. Dans ces conditions, la SCI Immobilière Holding ne conteste pas utilement les rectifications en soutenant que l'administration aurait dû tenir compte des loyers impayés. Par ailleurs, elle ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les dates de sortie des locataires retenues par l'administration. Par conséquent, elle n'est pas fondée à soutenir que les recettes de ses filiales ont été surévaluées.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration, estimant excessives les dotations aux amortissements initialement pratiquées par les filiales de la SCI Immobilière Holding à raison des immeubles à usage d'habitation dont elles sont propriétaires, a réduit le montant de celles-ci, par application d'un taux d'amortissement de 2 %. La société requérante, en se bornant à faire valoir que le taux de 5 % initialement appliqué a été calculé par la moyenne arithmétique des taux applicables à chacun des composants et était justifié par la vétusté des immeubles et la durée normale d'utilisation de tel immeubles donnés en location, sans produire aucun élément de justification à cet égard, ne justifie pas de la pertinence d'un taux de 5 %, alors que l'administration a retenu un taux généralement admis d'après les usages pour les immeubles d'habitation.

10. En troisième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause la déduction des résultats des filiales de la SCI Immobilière Holding, au titre de l'année 2013, de charges au motif qu'elles avaient été engagées au cours de l'année 2012. Ainsi, alors que l'administration ne conteste pas que les autres conditions de déductibilité de ces charges étaient remplies, la société requérante est fondée à soutenir que l'administration aurait dû réduire les résultats des filiales des charges qui devaient être déduites au titre de l'année 2012, et à obtenir la réduction de la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 du montant de ces charges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Immobilière Holding est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 correspondant à la réduction de la base imposable des charges engagées par ses filiales en 2012, dont la déduction des résultats au titre de l'année 2013 a été remise en cause.

D É C I D E :

Article 1er : La base d'imposition de la SCI Immobilière Holding à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 est réduite des charges engagées par ses filiales en 2012, dont la déduction des résultats au titre de l'année 2013 a été remise en cause.

Article 2 : La SCI Immobilière Holding est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 correspondant à la réduction de base définie à l'article 1er, et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2000680 du 15 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Immobilière Holding est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2023.

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N° 21MA03018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03018
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : M.GARIBALDI / F.GARIBALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-08;21ma03018 ?
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