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30/05/2023 | FRANCE | N°22MA01676

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 30 mai 2023, 22MA01676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 18 juillet 2007 par lequel la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré d'utilité publique, premièrement, les travaux de dérivation des eaux souterraines pour la consommation humaine à partir de la source de la Marine présente sur la commune de Limans, deuxièmement, la création de périmètres de protection immédiate et de protection rapprochée autour de l'ouvrage de captage, et l'institution de serv

itudes associées pour assurer la protection des ouvrages et de la qualité de l'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 18 juillet 2007 par lequel la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré d'utilité publique, premièrement, les travaux de dérivation des eaux souterraines pour la consommation humaine à partir de la source de la Marine présente sur la commune de Limans, deuxièmement, la création de périmètres de protection immédiate et de protection rapprochée autour de l'ouvrage de captage, et l'institution de servitudes associées pour assurer la protection des ouvrages et de la qualité de l'eau, troisièmement, la cessibilité ou l'acquisition des terrains nécessaires à l'instauration du périmètre de protection immédiate du captage, et d'autre part, la décision du 18 juin 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé d'abroger et de retirer cet arrêté.

Par un jugement n° 2005926 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juin et 22 décembre 2022, M. B..., représenté par Me De Permentier de la SCP TGA avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 juillet 2007 et le refus de l'abroger et de le retirer du 18 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande était recevable, ayant intérêt à agir contre l'arrêté en sa qualité de propriétaire de parcelles comprises dans le périmètre de protection qu'il institue, ainsi qu'en sa qualité de contribuable local, et le délai de recours n'ayant pu valablement courir, en l'absence d'affichage régulier en mairie de l'arrêté qui n'est pas un acte réglementaire, alors qu'un tel acte, s'il est illégal, doit être abrogé à tout moment et qu'il n'en a pas eu connaissance avant sa demande d'abrogation et de retrait ;

- contrairement à ce qu'a affirmé la commune et à ce qu'a retenu le tribunal, des points de captage d'eaux ont été réalisés sur sa propriété, de sorte que l'arrêté, qui a ainsi reçu un commencement d'exécution, n'était pas caduc au jour de la saisine de la juridiction et que sa demande n'était pas irrecevable ;

- la caducité de l'arrêté n'emporte pas le non-lieu à statuer sur sa demande ;

- l'abrogation de l'arrêté s'impose, le caractère d'utilité publique du projet ayant cessé d'exister et les délais impartis pour sa mise en œuvre étant expirés ;

- subsidiairement, l'annulation de l'arrêté devra être prononcée ;

- le dossier d'enquête publique ne comporte pas en effet l'ensemble des pièces visées à l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et est entaché d'insuffisances, puisque le plan de situation est imprécis, le plan général des travaux, lacunaire, fait défaut une étude d'impact, l'estimation sommaire des dépenses est incomplète, alors que le plan joint à l'état parcellaire était tronqué ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des articles L. 11-1 et L. 11-2 du même code, dans la mesure où, d'une part, le coût des travaux de protection du captage et d'établissement des périmètres a été sous-évalué, s'agissant notamment du coût de l'acquisition de la maîtrise foncière des terrains compris dans le périmètre de protection immédiat, d'autre part, les conclusions du commissaire enquêteur, qui n'ont pas été communiquées aux personnes concernées, sont dépourvues de toute analyse personnelle du projet de la commune ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, faute de réglementer les élevages autres que bovins dans le périmètre de protection rapprochée et faute d'encadrer plus strictement l'usage de produits phytosanitaires pour les cultures ;

- les ouvrages de captage ne revêtent pas un caractère d'utilité publique puisque la commune n'a pas mis en œuvre l'arrêté, notamment en réalisant les ouvrages de protection et en procédant à l'expropriation autorisée, et puisqu'elle a depuis lors refusé les raccordements au réseau d'eau potable de sa propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, la commune de Limans, représentée par Me Papapolychroniou, conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Papapolychroniou, représentant la commune de Limans.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 juillet 2007, pris après enquête publique du 11 au 27 octobre 2006, la préfète des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré d'utilité publique, d'une part, les travaux de dérivation des eaux souterraines pour la consommation humaine à partir de la source de la Marine présente sur la commune de Limans, d'autre part, la création de périmètres de protection immédiate et de protection rapprochée autour de l'ouvrage de captage, et l'institution de servitudes associées pour assurer la protection des ouvrages et de la qualité de l'eau, et enfin, la cessibilité ou l'acquisition des terrains nécessaires à l'instauration du périmètre de protection immédiate du captage. M. B..., propriétaire de la parcelle cadastrée section n° 178 concernée par cet arrêté, a demandé au préfet l'abrogation ou le retrait de cet acte, par lettre du 19 mai 2020. Par une décision du 18 juin 2020, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé d'abroger et de retirer cet arrêté. Par un jugement du 28 avril 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et du refus de l'abroger et de le retirer.

2. Aux termes de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige : " II- L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée. Ce délai ne peut, si la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté, être supérieur à cinq ans. Toutefois, ce délai est porté à dix ans pour les opérations prévues aux projets d'aménagement approuvés, aux plans d'urbanisme approuvés et aux plans d'occupation des sols approuvés./ Lorsque le délai accordé pour réaliser l'expropriation n'est pas supérieur à cinq ans, un acte pris dans la même forme que l'acte déclarant l'utilité publique peut, sans nouvelle enquête, proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale./ Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat ".

3. L'arrêté en litige a prévu expressément, en son article 1er, que la commune de Limans était autorisée à acquérir en pleine propriété soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, dans un délai de cinq ans à compter de sa signature, les terrains nécessaires à l'instauration du périmètre de protection immédiate du captage dont l'acquisition était déclarée d'utilité publique, ou à obtenir une convention de gestion lorsque ces terrains dépendent du domaine public de l'État ou d'autres collectivités publiques. Il est constant que ce délai de validité, qui concerne le laps de temps pendant lequel l'expropriation devait être réalisée au bénéfice de la commune de Limans pour le projet déclaré d'utilité publique et qui n'a pas été modifié par l'effet de nouvelles dispositions législatives, n'a pas donné lieu à une prorogation par un nouvel arrêté préfectoral.

4. En outre, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du dossier soumis à enquête publique préalable à l'édiction de l'arrêté litigieux, comprenant l'avis d'un hydrogéologue du 24 novembre 1994, que la source de la Marine, présente au pied de la colline Saint Pierre, sur la parcelle cadastrée C 178, alimente le réseau public d'eau potable de la commune depuis 1959 et que tant le captage et son ouvrage léger, réalisés sur cette parcelle, que l'adduction de l'eau de la source sont autorisés depuis un arrêté du 25 juillet 1969. Il ne résulte pas des constatations opérées par huissier de justice dans le constat du 6 novembre 2019 établi à la demande de M. B..., ni des photographies qui y sont annexées, que le petit ouvrage de captage existant à cette date serait d'une autre nature que celui préexistant, ni que d'autres éléments de construction y auraient été réalisés sur le fondement de l'arrêté en litige, lequel prévoit seulement l'installation d'une clôture avec portillon, une remise à niveau de la plate-forme devant le captage ainsi que la réalisation d'une tranchée pour l'évacuation des eaux de ruissellement, et n'a pas pour objet de régulariser les ouvrages existants. Il suit de là que, ni l'expropriation autorisée par l'arrêté en litige, ni les travaux qu'il prévoit n'ayant été accomplis, cet arrêté, en ce qu'il portait déclaration d'utilité publique, était devenu caduc au 18 juillet 2012, sans qu'y fassent obstacle ni la présence d'ouvrages sur une autre parcelle, cadastrée C 183, qui n'est pas concernée par l'arrêté, ni la circonstance que l'existence et la publication de celui-ci au bureau des hypothèques le 3 décembre 2007 ont été encore mentionnées dans l'acte de partage et de renonciation à usufruit du 13 avril 2017 conclu au bénéfice de M. B.... Il en va nécessairement de même de l'arrêté en ce qu'il a déclaré cessible la parcelle de l'intéressé, cette déclaration de cessibilité n'ayant en tout état de cause pas été transmise au juge de l'expropriation dans le délai de six mois prévu à l'article R. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors applicable.

5. Dans ces conditions, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille, le 5 août 2020, tendant à l'annulation de cet arrêté, était irrecevable car sans objet. Il en était de même de ses conclusions, enregistrées le même jour, tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence avait rejeté sa demande d'abrogation ou de retrait d'un tel arrêté, dépourvue d'objet.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande comme irrecevable. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de M. B..., qui est la partie perdante dans cette instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Limans et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune de Limans une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Limans et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

N° 22MA016762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01676
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

27-03-01 Eaux. - Travaux. - Captage des eaux de source.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP TOMASI GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-30;22ma01676 ?
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