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30/05/2023 | FRANCE | N°22MA01628

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 30 mai 2023, 22MA01628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune des Pennes-Mirabeau a prononcé sa radiation des cadres à compter du 1er janvier 2021.

Par un jugement n° 2100677 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 21 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin 2022 et 15 mars 2023, la commune des Pennes-Mirabeau

, représentée par Me Claveau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune des Pennes-Mirabeau a prononcé sa radiation des cadres à compter du 1er janvier 2021.

Par un jugement n° 2100677 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 21 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin 2022 et 15 mars 2023, la commune des Pennes-Mirabeau, représentée par Me Claveau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 avril 2022 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire avait qualité pour former appel du jugement contesté ;

- c'est au prix d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit que les juges de première instance ont estimé, au regard de considérations factuelles inopérantes et impropres à justifier l'absence de proportionnalité de la mesure, que la sanction de révocation prononcée par l'autorité administrative était entachée d'une erreur d'appréciation ;

- ainsi, une sanction lourde de révocation n'en demeure pas moins justifiée pour des fautes commises pendant ou en dehors du service, et nonobstant l'absence de faute antérieure de l'agent ;

- au surplus, et même lorsqu'ils ne sont pas d'une gravité flagrante, les faits reprochés à l'agent peuvent néanmoins justifier une sanction sévère s'ils sont incompatibles avec la nature des fonctions exercées ;

- en l'espèce, les faits reprochés à M. B... étaient particulièrement graves, par nature incompatibles avec les fonctions de policier municipal, et de nature à porter une évidente atteinte à l'image de la commune ; de telles circonstances justifiaient d'autant plus la nature de la sanction et l'absence de reclassement de l'agent dans un autre service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Journault, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune des Pennes-Mirabeau ;

2°) d'ordonner à la commune de procéder à sa réintégration sur son emploi ou tout autre emploi compatible et de procéder à la reconstitution de ses droits dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Pennes-Mirabeau le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le maire n'avait pas qualité pour former appel du jugement précité et n'a pas été valablement autorisé à engager la présente instance en l'absence de transmission au préfet de la délibération du conseil municipal l'autorisant à ester en justice ;

- les moyens soulevés par la commune des Pennes-Mirabeau ne sont pas fondés ;

- la sanction est entachée d'erreur de droit et de contradiction de motifs dès lors qu'elle est fondée à tort sur l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983.

Un courrier du 28 février 2023, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 27 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de Me Claveau, représentant la commune des Pennes-Mirabeau ;

- et les observations de M. B....

Une note en délibéré, présentée pour la commune des Pennes-Mirabeau par Me Claveau, a été enregistrée le 16 mai 2023.

Une note en délibéré, présentée pour M. B... par Me Journault, a été enregistrée le 17 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., brigadier-chef principal de police municipale employé par la commune des Pennes-Mirabeau, a été révoqué et radié des cadres par décision du 21 décembre 2020 du maire de cette commune, intervenue après, d'une part, que l'intéressé a été condamné par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence à une peine d'emprisonnement de

six mois, assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve de deux ans, pour des faits de violence sans incapacité commis sur sa conjointe au cours du mois de janvier 2018, et, d'autre part, que les agréments qui lui avaient été délivrés par le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence et le préfet de police des Bouches-du-Rhône ont été retirés par ces mêmes autorités. Par un jugement n° 2100677 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision à la demande de M. B.... Par la présente requête, la commune des Pennes-Mirabeau demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Et aux termes du I de l'article L. 2131-2 de ce code : " Sont transmis au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement, (...) :

/ 1° Les délibérations du conseil municipal (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 15 juillet 2020, le conseil municipal de la commune des Pennes-Mirabeau a donné pouvoir à son maire, pendant la durée de son mandat, pour agir en justice et défendre la commune dans les actions intentées contre elle, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Cette délibération comporte par ailleurs l'indication de ce qu'elle a été transmise et reçue en préfecture le 16 juillet 2020. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la requête d'appel de la commune des Pennes-Mirabeau serait irrecevable.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. / (...) ".

5. Il appartient au juge administratif, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. D'une part, pour prendre la décision de révocation en litige, la commune des Pennes-Mirabeau s'est fondée, notamment, sur la circonstance que M. B... a été condamné pour des faits de violence et que son double agrément a été retiré par le procureur de la République et le préfet des Bouches-du-Rhône. Ces faits sont corroborés par un jugement définitif du 24 septembre 2019 du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, par lequel l'intéressé a été condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve de deux ans comprenant notamment une obligation de soins, pour des faits de violences sans incapacité commis sur sa conjointe au cours du mois de janvier 2018. Alors que la décision en litige repose également sur le fait que M. B... a fait l'objet d'une décision de désarmement, il ressort de ce même jugement, qui rejette la demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, que l'interdiction de porter ou détenir une arme soumise à autorisation qu'il prononce est justifiée par la circonstance que l'intéressé a procédé à de fausses déclarations au sujet de trois fusils de chasse non déclarés retrouvés à son domicile malgré ses dénégations. Dans ces conditions, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que la sanction de révocation reposerait en partie sur des faits matériellement inexacts. Par ailleurs, de tels faits sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

7. D'autre part, outre que les appréciations et attestations produites révèlent, pour certaines d'entre elles, que l'intéressé, bien qu'ayant globalement donné satisfaction dans l'exercice de ses fonctions, peut néanmoins faire preuve d'un fort caractère se manifestant, par exemple, par des difficultés à accepter une nouvelle organisation du service, les faits décrits au point précédent, d'une particulière gravité, révèlent un manquement aux règles d'exemplarité attachées à la fonction d'agent de police municipale, alors même qu'ils sont isolés et ont été commis en dehors du service. Dans ces conditions, le maire de la commune des Pennes-Mirabeau n'a pas pris une mesure disproportionnée en décidant d'infliger à M. B... la sanction de la révocation, en dépit de la circonstance qu'il n'avait fait l'objet, jusqu'alors, d'aucune sanction disciplinaire. Par suite, la commune des Pennes-Mirabeau est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a estimé que cette sanction était entachée d'une erreur d'appréciation et que, pour ce motif, il en a prononcé l'annulation.

8. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai de deux mois à compter du jour où il a été saisi par l'autorité territoriale. Ce délai n'est pas prorogé lorsqu'il est procédé à une enquête. / Le délai est ramené à un mois lorsque le fonctionnaire poursuivi a fait l'objet d'une mesure de suspension. / (...) ".

10. Le délai fixé par ces dispositions n'étant pas prescrit à peine de nullité, la circonstance que le conseil de discipline, saisi le 2 juin 2020, n'a rendu son avis que le 10 décembre 2020 après expiration du délai d'un mois, applicable en l'espèce, n'est pas de nature à vicier la procédure au terme de laquelle a été prise la décision contestée.

11. En second lieu, la décision attaquée est fondée sur les dispositions citées au point 4 de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qu'elle vise expressément. Dans ces conditions, la circonstance qu'elle se réfère également aux dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires demeure sans incidence et ne saurait, par elle-même, la faire regarder comme étant privée de base légale ou entachée d'une contradiction de motifs. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune des Pennes-Mirabeau est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 21 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune des Pennes-Mirabeau a prononcé la révocation de M. B.... Il suit de là que la demande de première instance de M. B... doit être rejetée ainsi que ses conclusions d'appel aux fins d'injonction sous astreinte.

Sur les frais d'instance :

13. La commune des Pennes-Mirabeau n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros à verser à la commune des Pennes-Mirabeau au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100677 du 13 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. B... ainsi que ses conclusions d'appel à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. B... versera la somme de 1 000 euros à la commune des Pennes-Mirabeau en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Pennes-Mirabeau et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 30 mai 2023.

2

N° 22MA01628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01628
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : JOURNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-30;22ma01628 ?
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