Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Sous le n° 1809876, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du ministre de l'intérieur portant rejet de son recours administratif contre son bulletin de notation 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'établir un nouveau bulletin de notation pour cette année 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n° 1900989, M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le général-commandant de la région de gendarmerie Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de retirer toute pièce relative à cette sanction de son dossier administratif, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Après avoir joint ces deux demandes, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille les a, par un jugement nos 1809876, 1900989 du 7 juin 2021, rejetées.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Maumont, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2021 ;
2°) d'annuler ce " bulletin de notation " pour l'année 2018 et cette décision du 28 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre, d'une part, au ministre des armées de retirer, de tous ses dossiers administratifs (1ère et 2ème parties et archives), toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et d'en donner attestation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et, d'autre part, à l'administration d'établir un nouveau bulletin de notation conforme à ses réels mérites et au regard de ses observations, dans un délai de deux mois à compter de cette même notification ;
4°) de mettre à la charge d'Etat la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive et est donc recevable ;
- il entend reprendre l'ensemble des moyens développés en première instance que le tribunal administratif de Marseille a, à tort, écartés ;
- s'agissant de sa notation au titre de l'année 2018 :
. l'autorité militaire et le juge de première instance ont commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant, pour justifier sa notation, sur des faits erronés qui n'avaient pas été vérifiés au jour où la notation contestée a été établie et qui en tout état de cause sont étrangers au champ d'une notation ;
. plusieurs erreurs d'appréciation peuvent également être relevées ;
. le tribunal administratif de Marseille a mal apprécié les faits qui lui étaient soumis et a irrégulièrement rejeté sa demande au titre de sa notation 2018 ;
- s'agissant de la sanction disciplinaire de blâme :
. les faits sur lesquels repose la décision du 28 novembre 2018 ne sont matériellement pas établis et ne constituent, en tout état de cause, pas une " faute " ou un " manquement " de nature, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 4137-1 du code de la défense, à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire à son encontre ;
. le premier juge a entaché son jugement attaqué d'une contradiction de ses motifs dès lors qu'il qualifie les faits motivant la sanction prise à son encontre, d'abord, et dans le cadre de la procédure relative à sa notation 2018, comme des insuffisances professionnelles, avant de considérer, dans le cadre de la procédure relative à la sanction contestée, que ces mêmes faits seraient constitutifs de manquements aux obligations professionnelles de loyauté et de dignité ; ledit juge a ainsi opéré une confusion révélant une erreur d'appréciation et une erreur de droit ;
. contrairement à ce qu'a retenu le juge de première instance, il nie avoir proféré des insultes et des menaces, reconnaissant seulement avoir voulu faire de l'humour à l'endroit d'un collègue gendarme ; pour apprécier régulièrement une telle circonstance et vérifier la matérialité des faits en question, il appartenait au tribunal administratif de Marseille d'accéder aux conversations en cause, ce qu'il n'a pas pu faire ; le tribunal aurait donc dû en tirer toutes les conséquences pour refuser d'admettre la matérialité des faits ; sans transcription par huissier de justice, rien ne permet de s'assurer de la sincérité des prétendues menaces dont il s'agit et de leur authenticité ;
. les propos échangés sur le forum de discussion, quelle que soit d'ailleurs leur nature, relevaient uniquement d'une conversation privée, fermée au public et exclusivement réservée à certains militaires qui avaient accepté d'y entrer, et de sa seule liberté d'expression ; en le sanctionnant comme elle l'a fait, sur le fondement de menaces et d'insultes non établies, l'administration militaire a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à sa liberté d'expression, laquelle est garantie par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- ses observations ne portent que sur la sanction disciplinaire infligée à M. C..., et non sur sa notation pour laquelle le ministère de l'intérieur est seul compétent ;
- le premier juge n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs en ayant considéré, dans le cadre de son contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, que les insuffisances professionnelles de M. C... avaient pu justifier un abaissement de sa notation, puis que ces mêmes manquements pouvaient caractériser une faute susceptible de justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire à son encontre ;
- sur la matérialité des faits, leur qualification juridique et la proportionnalité de la sanction qui lui a été infligée, M. C... reprenant ses écritures de première instance, il s'en remet également aux siennes ;
- le moyen tendant à la méconnaissance des articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est infondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- ses observations ne portent que sur la notation annuelle en litige dès lors que, conformément aux dispositions combinées des articles L. 3225-1 du code de la défense et R. 431-9 du code de justice administrative, le ministre des armées est seul compétent pour présenter des observations en défense ayant trait à la sanction disciplinaire contestée ;
- s'agissant de cette notation, M. C... n'apportant pas d'éléments nouveaux susceptible de remettre en cause le bien-fondé de ses écritures produites en première instance, il s'en rapporte à celles-ci pour démontrer que les moyens de l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 janvier 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 27 janvier 2023, a été reportée au 13 février 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Gendarme ayant atteint, le 1er mars 2017, le grade d'adjudant, M. C... est affecté, depuis le 16 août 2011, au 3ème peloton de l'escadron de gendarmerie mobile (EGM) 25/6 de Digne-les-Bains. Par un jugement du 7 juin 2021, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant principalement à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur le recours administratif préalable obligatoire qu'il a formé contre son bulletin de notation 2018, établi au titre de la période du 3 février 2017 au 16 mars 2018, et de la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le général-commandant de la région de gendarmerie PACA lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2021 :
En ce qui concerne la légalité de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur le recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... contre son bulletin de notation 2018 au titre de la période comprise entre le 3 février 2017 et le 16 mars 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir. (...) ". L'article R. 4135-1 du même code précise que : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé. "
L'article R. 4135-2 dudit code dispose que : " La notation est traduite : / 1° Par des appréciations générales, qui doivent notamment comporter les appréciations littérales données par l'une au moins des autorités chargées de la notation ; / 2° Par des niveaux de valeur ou par des notes chiffrées respectivement déterminés selon une échelle ou selon une cotation définie, dans chaque force armée ou formation rattachée, en fonction des corps qui la composent. (...) ". Enfin, selon l'article R. 4135-3 de ce même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le militaire est noté à un ou plusieurs degrés par les autorités militaires ou civiles dont il relève. (...) / Pour établir la notation du militaire, ces autorités doivent prendre en considération l'ensemble des activités liées au service exécutées par l'intéressé au cours de la période de notation, à l'exception de celles exercées en tant que représentant de militaires auprès de la hiérarchie ou au sein d'un organisme consultatif ou de concertation. (...) ".
3. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que, après avoir renseigné les " points forts " de M. C..., à savoir ses compétences techniques, sa présentation, sa condition physique et ses qualités pédagogiques, et les points qu'il lui appartenait d'améliorer en matière de faculté d'adaptation, de maîtrise de soi et d'équilibre et de jugement, le premier notateur, supérieur hiérarchique direct de l'appelant, a rappelé, dans le bulletin de notation 2018 litigieux, que, gradé supérieur de tenue et de présentation nettes et soignées, ce dernier possédait une bonne condition physique qu'il entretenait assidûment et qu'il transmettait ses compétences techniques à ses subordonnés, en s'appuyant sur ses qualités pédagogiques. Ce même notateur ajoutait que, détaché dans le cadre du dispositif hivernal de protection des populations, son renfort avait été apprécié par son chef de poste à Montgenèvre, comme il avait aussi donné satisfaction lors de sa participation à la mission " MO " de l'unité à Paris, en qualité de chef de groupe. Il rappelait également que M. C... avait obtenu la note de la moyenne de 14,5/20 et la mention " bien ", lors du stage national de formation à l'encadrement opérationnel (SNFEO). Mais, ce premier notateur a également relevé que, lors de son détachement au sein de la brigade territoriale autonome (BTA) de gendarmerie de Sainte-Anne, en Guadeloupe, l'appelant avait éprouvé des difficultés à s'adapter et s'était fait défavorablement remarquer, manifestant un mauvais esprit et se montrant défaillant dans son devoir d'exemplarité vis-à-vis de ses subordonnés, avant de lui reprocher d'avoir tenu des propos injurieux à l'encontre d'officiers supérieurs. Ce premier notateur a alors invité M. C... à se ressaisir et à adopter une attitude en lien avec son rang et ses fonctions avant de proposer la baisse d'un point de sa note. Sans qu'eu égard à la teneur de son appréciation il puisse être regardé comme ayant uniquement pris en compte les propos injurieux et menaçants tenus par l'appelant le 22 janvier 2018, le second notateur a identifié les mêmes points forts et points à améliorer. Il a aussi relevé que si les compétences professionnelles de M. C... n'étaient pas en cause, sa manière de servir n'était pas à la hauteur et qu'il devait impérativement se ressaisir et adopter une posture conforme à son statut et ses prérogatives, pour décider de suivre la proposition du premier notateur et de lui attribuer la note de 10.
4. Alors même qu'il serait également susceptible de caractériser une faute disciplinaire, le comportement d'un agent public dans l'exercice de ses fonctions, comme parfois, notamment selon les fonctions qu'il occupe et le grade qu'il détient, en dehors de l'exercice de celles-ci, peut être pris en compte pour apprécier sa manière de servir, dans le cadre de son évaluation professionnelle annuelle. En l'espèce, les deux notateurs de M. C... pouvaient donc prendre en compte les propos injurieux et menaçants que ce dernier avait tenus, le 22 janvier 2018, soit dans la période de notation 2018 afférente, et dont la matérialité était alors suffisamment établie par les comptes rendus en possession de ses supérieurs hiérarchiques, sans qu'au demeurant, à cet égard, l'appelant puisse utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur le recours administratif préalable obligatoire formé contre son bulletin de notation 2018, qu'il n'avait pas encore été auditionné dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre, ni se prévaloir des articles R. 4137-15 et R. 4137-16 du code de la défense qui ont trait aux principes applicables à cette même procédure disciplinaire. Par ailleurs, si M. C... persiste à soutenir devant la Cour que les difficultés relationnelles qu'il a rencontrées dans le cadre de sa mission à la BTA de Sainte-Anne ne lui étaient pas imputables, il n'établit pas davantage que devant le tribunal administratif de Marseille le bien-fondé de cette allégation.
Au contraire, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, comme l'a relevé à juste titre
le premier juge, de la fiche d'évaluation et d'appréciation du commandant de cette brigade,
que ce dernier y a coché les cases " assez bien " ou " bien " sur les aspects techniques du service de l'appelant mais " insuffisant + " quant à son intégration au sein l'unité, avant de préciser
que ce dernier " s'est peu à peu isolé de ses camarades. Le commandement aurait aimé le
voir meneur d'hommes en donnant l'exemple. A contrario, il a mis la pression sur les
gendarmes détachés à l'unité, créant un malaise et obligeant le commandement à intervenir ".
En outre, il ne ressort pas des deux pages constitutives de la feuille de notes 2018 litigieuse que les évaluateurs de M. C... auraient fait preuve à son encontre d'une animosité particulière ou auraient entaché leurs appréciations de partialité. Enfin, la circonstance que ses notations antérieures et postérieures aient pu être meilleures est inopérante, chaque notation étant une évaluation des qualités de l'agent public au cours d'une période déterminée. Dans ces conditions, et alors au demeurant qu'il s'agissait de la première notation de M. C... au grade d'adjudant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant que sa note chiffrée devait être fixée à 10, soit un point de moins que celle obtenue au titre de la précédente notation, les deux notateurs, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer est réputé, par sa décision implicite, s'être approprié les termes, se soient fondés sur des faits matériellement inexacts ou qu'ils auraient commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation des qualités, aptitudes et manière de servir de l'appelant. L'ensemble de ces moyens doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision du général-commandant de la région de gendarmerie Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) du 28 novembre 2018 :
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704).
S'agissant de la matérialité des faits reprochés à M. C... et de leur qualification de faute disciplinaire :
6. Aux termes de l'article R. 434-1 du code de la sécurité intérieure : " Les dispositions du présent chapitre constituent le code de déontologie (...) de la gendarmerie nationale pour l'exécution de leurs missions de sécurité intérieure. " Selon l'article R. 434-12 du même code : " (...) le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. " Aux termes de l'article R. 434-14 de ce code : " (...) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération. " Et l'article R. 434-27 dudit code précise que : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant. "
7. En outre, l'article L. 4111-1 du code de la défense dispose que : " (...) L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation. (...) ". L'article L. 4121-2 du même code dispose que : " Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. / Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression. (...) ". Enfin, l'article L. 4122-3 dudit code précise que : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) ".
8. Il ressort de la décision contestée du 30 novembre 2018 que, pour sanctionner M. C... d'un blâme, le général-commandant de la région de gendarmerie PACA lui a fait grief d'avoir, le lundi 22 janvier 2018, alors qu'il était en déplacement avec son unité dans le cadre d'un dispositif de contrôle des flux migratoires (DCFM), à Ouistreham, proféré des menaces à l'encontre du vice-conseiller concertation de premier niveau de cette unité, ainsi que des insultes à l'endroit du général-directeur des opérations et de l'emploi de la gendarmerie nationale et du colonel-commandant du groupement de gendarmerie mobile (GGM) 11/6 d'Hyères, dans le cadre d'une application de messagerie instantanée. Au vu des pièces du dossier, et en particulier des comptes rendus qui y sont joints, c'est à juste titre, et sans qu'il ne puisse lui être reproché de ne pas avoir fait usage de ses pouvoirs d'instruction, que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a jugé que la matérialité de ces faits, qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée devant la Cour par M. C..., qui prétexte un trait d'humour et se prévaut de ses libertés d'opinion et d'expression, devait être regardée comme établie.
9. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. C... qui estime que les propos qui lui sont reprochés ont été tenus dans un cadre privé, il ressort des pièces du dossier que le groupe de discussion créé à partir d'une application de messagerie instantanée avait été mis en place entre tous les gendarmes du 3ème peloton de l'escadron de gendarmerie mobile (EGM) 25/6 de Digne-les-Bains, à l'exception de son commandant, de sorte qu'en postant ses messages, l'appelant s'est adressé à seize militaires, conférant à son propos un caractère public et les inscrivant dans un cadre professionnel. Par suite, et alors qu'au surplus, des faits commis par un agent public en dehors du service et sans utiliser les moyens du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public, les faits reprochés à M. C... constituent des manquements à ses obligations statutaires et déontologiques, et en particulier à ses devoirs de dignité, de réserve, d'exemplarité et de loyauté qui s'imposent à tout gendarme. Ainsi, sans que M. C... puisse utilement se prévaloir des articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ces faits sont de nature à justifier une sanction disciplinaire.
Quant à la proportionnalité de la sanction infligée à M. C... :
10. Aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 (...) ". Cet article L. 4137-2 du même code dispose que : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre ; / 2° Les sanctions du deuxième groupe sont : / a) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ; / b) L'abaissement temporaire d'échelon ; / c) La radiation du tableau d'avancement ; / 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / a) Le retrait d'emploi, défini par les dispositions de l'article L. 4138-15 ; / b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. (...) ".
11. Eu égard à la nature des manquements de Mme C..., à son grade d'adjudant et à la circonstance que, lorsqu'il a tenu les insultes et menaces qui lui sont reprochées, durant le déplacement de son unité à Ouistreham, il servait en qualité d'adjoint au commandant du 3ème peloton de l'escadron de gendarmerie mobile 25/6 de Digne-les-Bains, le général-commandant de la région de gendarmerie PACA n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de lui infliger la sanction disciplinaire de blâme. Ce moyen doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne le surplus des moyens de la requête :
12. Pour le surplus des moyens qu'il entend invoquer en appel, M. C... se borne à renvoyer la Cour à ses écritures de première instance, sans autre précision, ni critique du jugement attaqué du 7 juin 2021. Il convient donc d'écarter ces moyens, qu'au demeurant, l'appelant n'identifie pas, par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge, aux points 5, 7 et 10 de ce jugement.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses deux demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. C... soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
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No 21MA03574