Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code du travail ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Thoumazeau, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté en qualité de praticien contractuel par le centre hospitalier de Bastia par un contrat à durée déterminée à compter du 2 novembre 2011, régulièrement renouvelé, le dernier contrat courant du 7 avril au 30 avril 2019. M. A... n'a pas repris son poste le 8 avril 2019. Par un courrier du 24 avril 2019, le directeur du centre hospitalier lui a indiqué qu'il avait été informé par le chef de service de son absence et qu'il considérait que cette absence, injustifiée, était constitutive d'une faute grave caractérisée par l'abandon de poste et l'a mis en demeure d'avoir à reprendre ses fonctions, dans un délai de quarante-huit heures, faute de quoi il estimerait que le contrat aurait été rompu de manière anticipée à sa seule initiative. Par courrier du 21 juin 2019, M. A... a été informé de ce qu'une régularisation sur rémunération serait opérée en raison d'un trop-perçu s'élevant à la somme globale de 4 002,72 euros. Puis, par une décision du 5 juillet 2019, le directeur de l'établissement public de santé a rejeté la demande de l'intéressé du 21 juin 2019 tendant au retrait de la mise en demeure du 24 avril 2019 et a refusé de lui fournir l'attestation employeur lui permettant de faire valoir ses droits à l'assurance chômage. Enfin, le 25 septembre 2019, M. A... a saisi le directeur du centre hospitalier de Bastia d'une demande indemnitaire préalable et, du silence gardé par le directeur, est née une décision implicite de rejet le 27 novembre suivant. Par un jugement du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 5 juillet 2019 par laquelle le directeur de cet établissement a refusé de retirer la mise en demeure du 24 avril 2019 de reprendre son poste adressée à M. B... A..., a condamné ce même établissement à payer à M. A... des indemnités de 27 932,42 euros au titre d'indemnités de fin de contrats et de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et a enjoint à son directeur d'examiner la situation de M. A... au regard du droit aux allocations pour privation involontaire d'emploi. Le centre hospitalier de Bastia relève appel de ce jugement en tant qu'il annule la décision du 5 juillet 2019. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait plus amplement droit à sa demande.
Sur la légalité de la décision du 5 juillet 2019 :
2. Il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier de Bastia n'a, s'agissant des médecins qu'il emploie, mis en place aucune procédure formalisée encadrant les demandes de congés. Ceux-ci ne font, en particulier, pas l'objet d'une demande d'autorisation préalable, le bureau des affaires médicales se bornant à interroger les praticiens en fin de quadrimestre afin de connaître le nombre de jours de congés posés au cours de la période écoulée.
3. Il ressort également des pièces du dossier que, ainsi que l'attestent les divers témoignages versés au dossier qui sont suffisamment précis et concordants, M. A... a, en s'absentant à compter du 8 avril 2019, bénéficié de jours de réduction du temps de travail (RTT), ainsi qu'il en avait informé ses collègues. Le chef de service a d'ailleurs validé informatiquement le 30 avril les RTT de M. A.... Enfin, il n'est pas contesté par le centre hospitalier de Bastia que M. A... a travaillé au service des urgences les 9, 11 et 25 avril 2019.
4. Par suite et ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, la situation ne permettait pas au directeur du centre hospitalier de Bastia de considérer que M. A... s'était absenté du service sans justification et, par conséquent, c'est à bon droit que ce tribunal a annulé la décision du 5 juillet 2019.
Sur les conclusions de M. A... dirigées contre la décision du 21 juin 2019 :
5. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du directeur du centre hospitalier du 21 juin 2019, qui se borne à informer M. A... de son intention de procéder à des mises en paiement relatifs à des jours de congé ainsi qu'à des éléments de régularisation ayant trait à des rémunérations pour les mois de mai et juin 2019, ne constitue pas une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir. C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation présentées par l'intéressé à son encontre.
Sur les conclusions indemnitaires de M. A... :
En ce qui concerne l'indemnité pour fin de contrat :
6. L'indemnité de fin de contrat est prévue par les dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail, aux termes desquelles : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation./ Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié./ Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant ". Dans sa rédaction alors applicable, l'article R. 6152-418 du code de la santé publique dispose que : " Les dispositions du code du travail et celles du code de la sécurité sociale sont applicables aux praticiens contractuels en tant qu'elles sont relatives (...) à l'indemnité prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail (...) ".
7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (..) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle l'agent aurait dû être rémunéré.
8. Enfin, selon l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
9. L'indemnité de fin de contrat devant être versée à la fin de chaque contrat, le délai de prescription des indemnités dues par le centre hospitalier de Bastia à M. A... au titre des contrats successivement conclus en qualité de praticien contractuel à compter du 2 novembre 2011 a couru à compter du 1er janvier suivant la date de fin de chacun de ces contrats.
10. Si M. A... soutient qu'il ignorait la possibilité de bénéficier de cette indemnité dès lors qu'elle ne figurait pas sur ses bulletins de salaire, il ne peut toutefois être regardé comme ignorant l'existence de sa créance, née et mesurable à chaque fin de contrat, et qu'il tient de la loi.
11. La demande indemnitaire de M. A... ayant été présentée le 27 septembre 2019, le centre hospitalier de Bastia était fondé à lui opposer, devant les premiers juges, l'exception de prescription quadriennale pour les indemnités se rapportant aux contrats couvrant la période du 2 novembre 2011 au 31 juillet 2014.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute du fait des renouvellements de ses contrats à durée déterminée :
12. M. A... soutient qu'il a subi un préjudice moral du fait de la situation de précarité dans laquelle le centre hospitalier de Bastia l'a placé en renouvelant de manière abusive ses contrats à durée déterminée. Toutefois, il s'abstient de démontrer la réalité de ce préjudice alors que, au demeurant, il a droit au versement de l'indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. S'il soutient en appel que cette situation de précarité lui a causé un préjudice au regard de l'absence de revalorisation des salaires et de l'absence de versement des primes, il se borne à énumérer les primes auxquelles peuvent prétendre les titulaires d'un contrat à durée indéterminée sans démontrer la chance sérieuse d'en bénéficier. Enfin, il ne démontre pas que l'indemnité de fin de contrat est insuffisante pour compenser les pertes de revenus professionnels dont il se plaint.
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Bastia pour avoir pris la décision du 5 juillet 2019 à son encontre :
13. M. A... allègue sans toutefois le démontrer avoir connu des troubles du sommeil et de l'anxiété du fait de l'illégalité de la décision du 5 juillet 2019. Dans ces conditions, il ne démontre pas que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante du préjudice moral subi par le requérant du fait de l'illégalité de la décision du 5 juillet 2019 en lui allouant la somme de 1 000 euros.
14. Par ailleurs, le centre hospitalier de Bastia ne demandant pas l'annulation de l'injonction prononcée à l'article 6 du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de confirmer celui-ci sur ce point.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute du fait de la gestion de son compte épargne-temps :
15. Par son courrier du 21 juin 2019 le directeur a informé M. A... qu'il disposait de 128 jours sur son compte épargne-temps (CET). Or, le compte de l'intéressé, arrêté au 31 décembre 2018, ne faisait état que de 110,5 jours. En se bornant à procéder par comparaison avec les années antérieures à 2018 pour déterminer le nombre de jours devant théoriquement figurer sur son compte épargne-temps au titre de l'année 2019, le requérant ne démontre pas l'existence d'une faute du centre hospitalier de Bastia dans la gestion de son compte épargne-temps.
16. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le centre hospitalier de Bastia n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 5 juillet 2019 et, d'autre part, que les conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation, sous astreinte, présentées par la voie incidente par M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Bastia demande au titre des frais non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Bastia est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier de Bastia versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Bastia et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.
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N° 21MA03871
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