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26/05/2023 | FRANCE | N°21MA02397

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 26 mai 2023, 21MA02397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 317 460,63 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par le centre hospitalier de La Ciotat le 26 avril 2015.

Par un jugement n° 1904061 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, déclaré s

on jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la somme de 317 460,63 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par le centre hospitalier de La Ciotat le 26 avril 2015.

Par un jugement n° 1904061 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, déclaré son jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes pour le compte de celle des Bouches-du-Rhône et mis à la charge définitive de Mme B... les frais des expertises du docteur A..., taxés et liquidés à la somme totale de 3 315,79 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juin 2021 et le 28 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Consolin, de la Selarl Consolin-Zanarini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 26 avril 2021 ;

2°) à titre principal, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme totale de 317 460,63 euros à lui verser en réparation des préjudices subis ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de La Ciotat à lui payer cette somme ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'un aléa thérapeutique et remplit l'un des critères de gravité prévus à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que l'accident médical qu'elle a subi a entraîné un arrêt de travail de six mois consécutifs ;

- elle a droit à réparation de ses préjudices aux montants suivants :

* au titre des dépenses de santé actuelles : 1 100 euros ;

* au titre des frais divers : 1 760 euros ;

* la perte de gains professionnels actuels : 5 345,84 euros ;

* au titre des arrérages échus de l'assistance tierce personne : 5 934 euros ;

* au titre des arrérages à échoir de l'assistance tierce personne : 142 274,41 euros ;

* au titre de l'incidence professionnelle : 30 000 euros ;

* au titre du déficit fonctionnel temporaire : 6 763,50 euros ;

* au titre des souffrances endurées : 12 000 euros ;

* au titre du préjudice esthétique temporaire : 2 500 euros ;

* au titre du déficit fonctionnel permanent : 55 000 euros ;

* au titre du préjudice esthétique permanent : 3 000 euros ;

* au titre du préjudice d'agrément : 10 000 euros ;

* au titre du préjudice financier : 38 194,88 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er et 13 juillet 2022, le centre hospitalier de La Ciotat, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, les conclusions dirigées à son encontre sont nouvelles en appel et, de ce fait, irrecevables et la requérante n'a pas lié le contentieux indemnitaire à son égard ;

- les moyens soulevés par la requérante et par l'ONIAM ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, demande à la cour de rejeter la requête, ou, à titre subsidiaire, de le mettre hors de cause, ou, à titre plus subsidiaire, de réduire les prétentions indemnitaires de la requérante à de plus justes proportions.

Il fait valoir que :

- les seuils de gravité nécessaires à son intervention au titre de la solidarité nationale ne sont pas atteints ;

- des fautes ont été commises par le centre hospitalier de la Ciotat ;

- certains des chefs de préjudices de Mme B... doivent être rejetés tandis que d'autres doivent être ramenés à de plus justes proportions.

La clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2022, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour.

L'ONIAM, représenté par Me de la Grange, a produit un mémoire, enregistré le 25 avril 2023, qui n'a pas été communiqué.

Mme B..., représentée par Me Consolin, a produit un mémoire, enregistré le 2 mai 2023, qui n'a pas été communiqué.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes pour le compte de celle des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Portehault, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., victime, le 26 avril 2015, d'un traumatisme de l'épaule gauche, a été transportée aux urgences du centre hospitalier de la Ciotat où a été diagnostiquée une luxation scapulo-humérale. Une réduction sous anesthésie générale a été pratiquée. Dans les suites immédiates de cette intervention, Mme B... a présenté une paralysie du membre supérieur gauche avec atteinte du plexus brachial. Mme B... a sollicité en référé la désignation d'un expert. Le Dr A..., chirurgien orthopédique, a été désigné par ordonnance du 28 juillet 2015. Il a rendu son rapport le 4 janvier 2016. L'état de la patiente n'étant toutefois, à cette date, pas consolidé, celle-ci a sollicité un complément d'expertise. Par ordonnance du 25 avril 2018, le Dr A... a été de nouveau désigné. Il a dressé un second rapport le 3 octobre 2018. Estimant avoir été victime d'un aléa thérapeutique, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de mettre à la charge de l'ONIAM les préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement et demande également à la cour, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de La Ciotat à lui payer cette somme.

Sur les conclusions de Mme B... dirigées contre le centre hospitalier de La Ciotat :

2. La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille était exclusivement dirigée contre l'ONIAM. Ses conclusions à l'encontre du centre hospitalier de La Ciotat sont présentées pour la première fois en appel. Elles ne sont, par suite, pas recevables. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de La Ciotat, celui-ci est fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires formées à son encontre par Mme B... doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".

4. Il résulte de ces dispositions combinées que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

En ce qui concerne la condition d'anormalité :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du premier rapport d'expertise du docteur A..., que Mme B... a été victime, dans les suites de la réduction de la luxation de son épaule gauche, d'une lésion du plexus brachial gauche. L'expert a conclu que la prise en charge de l'intéressée au centre hospitalier de La Ciotat avait été conforme aux données de la science et que la survenue de ce dommage résultait d'un accident médical non fautif, rare, lié à un mécanisme d'étirement des racines nerveuses en région infra et rétro-claviculaire lors de la réintroduction de la tête humérale dans la glène par une manœuvre d'adduction et de rotation interne. L'ONIAM, qui ne verse aucune pièce de nature à contredire cette analyse, n'est pas fondé à soutenir qu'une faute commise par le centre hospitalier de La Ciotat serait à l'origine du dommage en cause. En outre, il résulte des indications données par l'expert que le risque d'une telle lésion du plexus brachial gauche post-opératoire était de l'ordre de 2 à 5 %. Il résulte de tout ce qui précède que la survenance du dommage subi par l'intéressée présentait un caractère d'anormalité.

En ce qui concerne la condition de gravité :

7. Il résulte de la seconde expertise du Dr A..., et il n'est pas contesté par la requérante, que l'accident médical litigieux, est à l'origine pour celle-ci, d'un déficit fonctionnel permanent de 20 %, seuil inférieur à celui de 24 % fixé par les dispositions précitées au point 3.

8. Par ailleurs, l'expertise retient un déficit fonctionnel temporaire total de 4 jours puis partiel à hauteur de 50 % du 30 avril au 31 juillet 2015, soit pendant 3 mois, à hauteur de 25 % du 1er août 2015 au 5 août 2016 et de 20 % du 6 août 2016 au 22 septembre 2017, date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée. Il s'en suit que l'accident médical n'a pas non plus entraîné des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

9. En outre, il résulte de la seconde expertise du Dr A..., et il n'est pas contesté par la requérante, que celle-ci n'est pas définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical en cause.

10. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas allégué, en dépit des séquelles qu'elle conserve et de ses répercussions, que l'accident serait à l'origine de troubles particulièrement graves dans ses conditions d'existence au sens des dispositions précitées.

11. En revanche, il résulte également de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise du docteur A... que, bien que les conclusions de celui-ci soient entachées d'une erreur matérielle, Mme B... a dû totalement interrompre son activité professionnelle du 26 avril 2015 au 6 février 2016, soit 9 mois et 11 jours, et a, durant cette période, été placée en congé longue maladie et prise en charge à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie auprès de laquelle elle est affiliée. Il résulte toutefois de la documentation produite par la requérante que celle-ci aurait dû, en tout état de cause, du seul fait de la luxation dont elle était victime, cesser ses activités professionnelles d'assistante de direction durant une certaine période, notamment du fait de l'immobilisation de son membre supérieur. Une telle période ne saurait être regardée comme étant liée aux complications survenues lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 26 avril 2015 et doit donc, de ce fait, être exclue de la période d'interruption de son activité professionnelle. Le rapport d'expertise du docteur A... ne précise néanmoins pas la durée de la période durant laquelle Mme B... aurait dû, en l'absence de l'accident médical qu'elle a subi, cesser ses activités professionnelles. Il ne distingue pas non plus les préjudices que Mme B... a subis selon qu'ils sont imputables à la lésion initiale ou à l'accident médical lui-même. Par suite, la cour est, en l'état, insuffisamment informée pour examiner le moyen soulevé par Mme B... selon lequel l'accident médical survenu le 26 avril 2015 aurait entraîné pour elle un arrêt temporaire des activités professionnelles pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois et, le cas échéant, pour fixer la réparation à laquelle elle aurait droit. Il y a donc lieu d'ordonner une expertise aux fins qui seront précisées dans le dispositif de la présente décision et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête de Mme B... dirigées contre le centre hospitalier de La Ciotat sont rejetées.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... dirigées contre l'ONIAM, procédé par un expert, désigné par la présidente de la cour, à une expertise avec mission de :

1°) préciser la durée durant laquelle Mme B... aurait dû, si elle n'avait pas été victime d'un accident médical, cesser ses activités professionnelles du seul fait de la luxation dont elle était victime ;

2°) indiquer les séquelles en relation directe et exclusive avec l'accident médical subi par Mme B... ;

3°) dégager, en les spécifiant, tous les éléments de préjudice en lien direct et exclusif avec cet accident médical.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de La Ciotat et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.

2

N° 21MA02397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02397
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BURZIO - CONSOLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-26;21ma02397 ?
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