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17/05/2023 | FRANCE | N°20MA02290

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 mai 2023, 20MA02290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lunimat a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016.

Par un jugement n° 1803602 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société Lunimat, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 ao

ût 2016 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, sur le fondement de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lunimat a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016.

Par un jugement n° 1803602 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société Lunimat, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 9 juillet 2020, 13 octobre 2020, 17 décembre 2020 et 22 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803602 du 11 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de la société Lunimat les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016 et les intérêts de retard y afférents.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique des biens immobiliers achetés par la société Lunimat ont été modifiées postérieurement à la cession est sans incidence sur l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour l'application de l'article 268 du code général des impôts ;

- les actes relatifs aux ventes en litige ne faisant pas mention de terrains à bâtir, la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total était due ;

- la société Lunimat n'est pas fondée à se prévaloir de la garantie prévue aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 septembre 2020, 16 novembre 2020, 26 avril 2021, 5 décembre 2022 et 28 avril 2023, la société Lunimat, représentée par Me Maurel, conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir de la garantie prévue aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, au vu des mentions d'une précédente proposition de rectification ;

- les cessions de terrains à bâtir en litige entraient dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, en application de l'article 268 du code général des impôts ;

- un prorata entre la valeur de l'immeuble et les terrains adjacents doit être déterminé pour appliquer la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux seuls terrains ;

- elle est fondée à se prévaloir des principes de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, des atteintes à la concurrence et de l'immixtion de l'Etat dans les choix de gestion des entreprises.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Houles, substituant Me Maurel, pour la société Lunimat.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lunimat, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des propositions de rectification des 7 décembre 2016 et 7 février 2017 lui ont été notifiées. Au terme de la procédure, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016, assortis des intérêts de retard. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société Lunimat, en droits et majorations, de ces impositions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction applicable que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

3. Dans son arrêt du 30 septembre 2021 Icade Promotion SAS (aff. C-299/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots ou la réalisation de travaux d'aménagement permettant l'installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l'instar, notamment, des réseaux de gaz ou d'électricité. Dans son ordonnance du 10 février 2022 Ministre de l'économie, des finances et de la relance c. Les Anges d'Eux SARL, Echo 5 SARL et Cletimmo SAS (aff. C-191/21), la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le régime dérogatoire prévu à l'article 392 de la directive TVA s'applique aux seuls terrains à bâtir qui, définis comme tels par les Etats membres, sont achetés en vue de la revente et qu'ainsi, l'application du régime de la taxation sur la marge suppose, en vertu de cet article 392, une identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu. Elle a ajouté qu'il s'agit dès lors de vérifier, en tenant compte des définitions prévues par la législation nationale et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause, si les biens acquis par le contribuable relèvent de la notion de " terrain à bâtir " au sens de l'article 12§3 de la directive TVA et, ainsi, du champ d'application de son article 392.

4. Il résulte ainsi des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent ainsi pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le moyen tiré par la société Lunimat de ce que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir était applicable du seul fait que les acquisitions des terrains par cette société n'avaient pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Lunimat devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour.

En ce qui concerne l'application de la loi :

6. Il résulte de l'instruction que la société Lunimat a cédé, au cours de la période en litige, 22 terrains à bâtir issus de divisions parcellaires de terrains d'assiette de dix immeubles, qui constituaient lors de leur acquisition des maisons d'habitation avec terrains attenants, ces acquisitions d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans n'ayant pas été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a ainsi revendu les habitations avec leur terrain d'assiette et a procédé par détachement à des divisions parcellaires des terrains pour les revendre en tant que terrains à bâtir. Les cessions des maisons achevées depuis plus de cinq ans ont été placées sous le régime des marchands de biens en exonération de taxe sur la valeur ajoutée et les cessions des 22 terrains à bâtir ont été taxées à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dégagée entre le prix de cession et le coût d'acquisition déterminé par la société Lunimat. L'administration a estimé que, compte tenu des modifications des caractéristiques physiques et de la qualification juridique des terrains vendus en tant que terrains à bâtir depuis leur acquisition, les cessions n'étaient pas taxables à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l'article 268 du code général des impôts mais sur le prix de vente total en application des articles 266 et 267 du même code et a ainsi rappelé le montant de cette taxe, déduction faite de la taxe sur la marge qui avait été versée.

7. En premier lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 23 avril 2014, une maison d'habitation, figurant au cadastre section 874 L n° 42, située 177 chemin de l'Oule dans le 12ème arrondissement de Marseille, provenant de deux lots d'un lotissement autorisé en 1925. Elle produit un acte rectificatif publié le 10 janvier 2017, modifiant la désignation du bien acquis par l'indication qu'il aurait été constitué de cinq parcelles cadastrées 874 L n° 161 à n° 165 résultant d'un document d'arpentage du 16 avril 2014, mais qui ne fait pas état de l'acquisition de terrains à bâtir. Elle produit également une attestation du notaire du 12 novembre 2020 selon laquelle le bien acquis aurait été constitué d'une maison d'habitation située sur les parcelles cadastrées 874 L n° 161 et n° 164 et de terrains à bâtir situés sur les parcelles cadastrées 874 L n° 162, n° 163 et n° 165, en application du même document d'arpentage. Toutefois, ce document est inexact quant à la portée de l'acte d'acquisition, qui mentionne une unité foncière qui comprend une maison et son terrain d'assiette et aucun terrain à bâtir, la circonstance que la division a été autorisée préalablement à la vente étant sans incidence. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société Lunimat aurait acquis les terrains cédés les 22 août et 11 septembre 2014 en tant que terrains à bâtir distincts des terrains comportant les constructions que l'unité foncière comportait.

8. En deuxième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 16 janvier 2014, une maison d'habitation et son terrain attenant, figurant au cadastre section 877 Y n° 225, situés 1 impasse Bérenger dans le 12ème arrondissement de Marseille. Elle produit une attestation du notaire du 13 décembre 2020 qui fait état d'un document d'arpentage du 16 décembre 2013 dont il est résulté la division du bien en deux lots cadastrés 877 Y n° 314 et n° 315, dont un terrain à bâtir issu du bien acquis. Toutefois, ce document est inexact quant à la portée de l'acte d'acquisition, qui mentionne une unité foncière qui comprend une maison et son terrain d'assiette et aucun terrain à bâtir, la circonstance que la division a été autorisée préalablement à la vente étant sans incidence. Compte tenu des mentions de l'acte authentique, le terrain cédé le 13 février 2014 par la société Lunimat n'a ainsi pas été acquis comme un terrain à bâtir, distinct des constructions que l'unité foncière comportait.

9. En troisième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 22 novembre 2013, une maison d'habitation et son terrain d'assiette, figurant au cadastre section 875 T n° 263 et n° 264, elles-mêmes issues d'une parcelle unique cadastrée 875 T n° 58 comprenant cette maison et ce terrain, suivant un document d'arpentage du 14 octobre 2013, situés 13 avenue du Garlaban dans le 12ème arrondissement de Marseille. Elle produit une attestation du notaire du 13 novembre 2020 selon laquelle la vente aurait porté sur une maison d'habitation et un terrain attenant sur la parcelle cadastrée 875 T n° 263 et d'un terrain à bâtir sur la parcelle cadastrée 875 T n° 264. Toutefois, ce document est inexact quant à la portée de l'acte d'acquisition, qui ne mentionne pas de terrains à bâtir, la circonstance que la division a été autorisée préalablement à la vente étant sans incidence. Dans ces conditions, il ne ressort pas de l'instruction que le terrain cédé le 17 avril 2014 aurait été acquis par la société Lunimat en tant que terrain à bâtir distinct des constructions.

10. En quatrième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 3 août 2015, une maison d'habitation et son terrain attenant, figurant au cadastre section CC n° 152, situés 794, avenue de Tauroentum à Saint-Cyr-sur-Mer. Elle produit une attestation du notaire du 13 novembre 2020 qui fait état de l'acquisition d'une maison d'habitation et de son terrain attenant sur une parcelle cadastrée CC n° 212 et d'un terrain à bâtir sur une parcelle cadastrée CC n° 213. Toutefois, ces mentions ne correspondent pas à celles portées dans l'acte d'acquisition, la circonstance qu'une division parcellaire a eu lieu le 28 juillet 2015 selon le tableau produit par le ministre, dont les mentions ne sont pas contestées, étant à elle seule sans incidence. Il ne ressort ainsi pas de cet acte que le terrain cédé le 12 mai 2016 aurait été acquis par la société Lunimat en tant que terrain à bâtir distinct des constructions que l'unité foncière acquise comprenait.

11. En cinquième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 4 novembre 2013, une parcelle de terre sur laquelle est édifiée une maison d'habitation, figurant au cadastre section BT n° 79 à n° 84, située boulevard des Farigoules à Aubagne. Il ressort de l'acte authentique du 27 mai 2014 portant dépôt de pièces d'un lotissement que la société Lunimat a reçu l'autorisation de créer un lotissement sur ces parcelles, elles-mêmes issues d'un ancien lotissement, par un arrêté du maire d'Aubagne du 23 janvier 2013 et a obtenu un permis d'aménager, délivré par la même autorité le 30 avril 2013. Le tableau produit par le ministre fait état d'une division parcellaire du 12 mai 2014. La société Lunimat produit une attestation du notaire du 4 novembre 2020 qui fait état de l'acquisition d'une maison d'habitation et de son terrain attenant sur une parcelle cadastrée BT n° 79 et de terrains à bâtir sur les parcelles cadastrées BT n° 80 à n° 84. Toutefois, ces mentions ne correspondent pas à celles portées dans l'acte d'acquisition, qui ne mentionne pas de terrains à bâtir, la circonstance qu'un permis d'aménager a été obtenu avant la vente étant à elle seule sans incidence. Il ne ressort ainsi pas de l'acte d'acquisition que les sept terrains cédés entre les mois de mai et d'août 2014 et celui cédé le 9 avril 2015 auraient été acquis par la société Lunimat en tant que terrains à bâtir.

12. En sixième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 30 octobre 2012, une maison d'habitation et son terrain d'assiette, figurant au cadastre section 884 L n° 92, situés 23 avenue Séverine dans le 13ème arrondissement de Marseille. Elle produit une attestation du notaire du 4 novembre 2020 qui confirme l'acquisition de cette unité foncière et se borne à indiquer que le terrain est " considéré " comme terrain à bâtir. Le tableau produit par le ministre, non contesté par la requérante, fait état d'une division parcellaire du 13 novembre 2012 postérieure à son acquisition. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que le terrain cédé le 25 septembre 2013 aurait été acquis par la société Lunimat en tant que terrain à bâtir distinct de l'unité foncière.

13. En septième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 28 août 2012, une maison d'habitation et son terrain d'assiette, figurant au cadastre section 877 T n° 36 et n° 50, situés 8, impasse Meknes et 67-69, avenue des Trois Lucs dans le 12ème arrondissement de Marseille. Elle produit une attestation du notaire du 12 novembre 2020 qui confirme une acquisition unique et se borne à indiquer que le terrain est " considéré " comme terrain à bâtir. Le tableau produit par le ministre, non contesté par la requérante, fait état d'une division parcellaire du 29 avril 2013 postérieure à son acquisition. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que les terrains cédés les 11 et 17 juillet 2013 auraient été acquis en tant que terrains à bâtir.

14. En huitième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 17 juin 2014, une maison d'habitation et son terrain d'assiette, figurant au cadastre section AL n° 147, situés 4 chemin de la Queirade à La-Penne-sur-Huveaune. Elle produit une attestation du notaire du 13 novembre 2020 qui confirme l'acquisition de cette unité foncière et se borne à indiquer que le terrain est " considéré " comme terrain à bâtir. Le tableau produit par le ministre non contesté par la requérante, fait état d'une division parcellaire du 27 juin 2014 postérieure à son acquisition. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que les terrains cédés les 13 novembre et 23 décembre 2014 auraient été acquis en tant que terrains à bâtir.

15. En neuvième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 30 janvier 2015, une maison d'habitation et son terrain d'assiette, figurant au cadastre section 877 S n° 28, situés impasse Bonniot dans le 12ème arrondissement de Marseille. Elle produit une attestation du notaire du 13 novembre 2020 qui confirme l'acquisition de cette unité foncière et se borne à indiquer que le terrain est " considéré " comme terrain à bâtir. Le tableau produit par le ministre, non contesté par la requérante, fait état d'une division parcellaire du 7 février 2015 postérieure à son acquisition. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que le terrain cédé le 10 novembre 2015 aurait été acquis en tant que terrain à bâtir.

16. En dixième lieu, la société Lunimat a acquis, par un acte authentique du 28 mai 2015, une maison d'habitation et son terrain d'assiette, figurant au cadastre section 878 C n° 511, situés 289 avenue des Poilus située dans le 12ème arrondissement de Marseille. Elle produit une attestation du notaire du 12 novembre 2020 qui confirme l'acquisition de cette unité foncière et se borne à indiquer que le terrain est " considéré " comme terrain à bâtir. Le tableau produit par le ministre, non contesté par la requérante, fait état d'une division parcellaire du 19 novembre 2015 postérieure à son acquisition. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que les terrains cédés les 22 décembre 2015 et 12 janvier et 25 mars 2016 auraient été acquis en tant que terrains à bâtir.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 16 que les cessions en litige concernent des terrains à bâtir issus de la division de biens initialement composés d'immeubles bâtis et de leurs terrains d'assiette, la société Lunimat ayant procédé à une acquisition unique aux termes de chacun des actes de vente et non pas à l'acquisition de lots qui distinguaient des terrains comportant des constructions et des terrains à bâtir. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable à ces cessions, en l'absence d'identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu, la circonstance que la division de certains biens acquis a été autorisée préalablement à la vente étant sans incidence sur la qualification des terrains qui n'ont pas été acquis séparément en tant que terrains à bâtir.

18. A cet égard, dès lors que les rectifications sont légalement fondées, la société Lunimat, qui ne peut utilement se prévaloir des droits à construire afférents aux biens acquis et aux terrains cédés, n'est pas fondée à soutenir que l'administration les aurait fondées sur une doctrine administrative illégale, en tant qu'elle ajoute des conditions à la loi, ou se serait illégalement immiscé dans la gestion des entreprises. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 4, en l'absence d'identité juridique entre les biens acquis et les biens revendus, la société Lunimat ne peut utilement revendiquer l'application d'un " prorata " entre la valeur des immeubles bâtis et les terrains attenants. Enfin, à supposer que la société Lunimat ait entendu se prévaloir du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'existence d'une distorsion de concurrence, une situation qui correspond au cas où le bien initialement acheté n'était pas bâti est différente de celle en litige dans la présente instance pour laquelle les biens acquis comportaient une maison d'habitation et il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait une distorsion de concurrence à appliquer des régimes différents de taxe sur la valeur ajoutée pour ces opérations qui ne sont pas identiques.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

19. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...) ".

20. D'une part, la société Lunimat soutient que l'administration a pris une position formelle à l'occasion d'un précédent contrôle qui a donné lieu à une proposition de rectification du 20 février 2014 quant à l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à la vente de terrains à bâtir après division parcellaire d'un terrain sur lequel coexistaient immeuble et terrain nu. Ce moyen doit en tout état de cause être écarté, dès lors que l'administration fait valoir qu'elle s'est alors bornée à constater, à l'examen d'actes de vente qui mentionnaient des opérations relevant du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, que la société Lunimat n'avait pas versé cette taxe grevant ces opérations alors qu'elle était exigible, sans avoir pris une position formelle quant à la validité de la taxation sur la marge aux opérations réalisées par la requérante, qui doit au demeurant s'apprécier au regard des caractéristiques propres à chaque cession de terrains.

21. A cet égard, la société Lunimat ne peut utilement se prévaloir du 2ème alinéa de l'article L. 80 A, issu de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, applicables aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019. En outre, en l'absence de prise de position formelle, la société Lunimat n'est en tout état de cause pas fondée à se prévaloir de la liste non-exhaustive des documents portant interprétation d'un texte fiscal au sens du 1er alinéa de l'article L. 80 A mentionnée par l'instruction 13 L-11-10 n° 23 du 9 septembre 2010 et au BOI-SJRES-10-10-20 n° 120 du 12 septembre 2012.

22. D'autre part, la société Lunimat n'est pas fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle du 17 mai 2018 n° 4171 faite à M. A..., dès lors que cette réponse, qui précise que l'administration n'exige plus, pour la mise en œuvre de la taxation sur la marge, que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques tout en imposant que la condition d'identité juridique soit respectée, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société Lunimat, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ce jugement doit dès lors être annulé et ces impositions doivent être remises à la charge de la société Lunimat.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Lunimat demande au titre des frais qu'elle a exposés.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803602 du 11 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société Lunimat pour la période du 1er janvier 2013 au 31 août 2016 et les intérêts de retard y afférents sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la société Lunimat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Lunimat.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

2

N° 20MA02290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02290
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-04 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Éléments du prix de vente taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-17;20ma02290 ?
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