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15/05/2023 | FRANCE | N°22MA00195

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 15 mai 2023, 22MA00195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104541 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêt

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104541 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 19 juillet 2021 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et a rejeté le surplus des conclusions de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. C..., représenté par

Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 décembre 2021, sauf en ce qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) d'annuler les décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 janvier 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a fixé en France sa vie privée et familiale depuis 2015 ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'un motif exceptionnel d'accès au séjour et qu'il ne dispose plus d'attache dans son pays d'origine ;

- la décision de refus de séjour porte atteinte à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français sera annulée car prise sur la base d'un refus de séjour illégal.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mars 2022.

Par ordonnance du 20 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au

3 février 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant comorien né le 2 janvier 1985, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 15 février 2019. Par un jugement du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite de rejet de cette demande de titre et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la situation de M. C.... Par un arrêté du 19 juillet 2021, cette autorité a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 19 juillet 2021 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et a rejeté le surplus des conclusions de M. C.... Ce dernier relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... est père de

deux enfants nés en France le 4 juillet 2016 et le 12 octobre 2019, dont la mère, Mme B..., est une compatriote titulaire d'une carte de résident délivrée par le préfet des Alpes-Maritimes le 19 juin 2021 et valable jusqu'au 18 juin 2031. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que

M. C... et Mme B... ont conclu un pacte civil de solidarité le 10 juillet 2018, et qu'ils sont titulaires d'un contrat de bail, pour un logement situé sur le territoire de la commune de Beausoleil où ils justifient, par la production de nombreuses pièces telles que des quittances de loyers libellées à leurs deux noms, des avis communs d'imposition sur le revenu et de taxe d'habitation, des factures de consommation d'eau ou encore des attestations de versements d'allocation de la caisse d'allocations familiales, résider ensemble depuis le 1er juin 2017. Ainsi, M. C... établit mener avec la mère de ses enfants une vie commune depuis cette date.

4. D'autre part, alors que Mme B... est mère d'un autre enfant né le 31 juillet 2014 à Nice d'une précédente union, il ressort du jugement rendu le 19 décembre 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice que l'exercice conjoint de l'autorité parentale est maintenu et que le père de cet enfant bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement. Il en résulte que Mme B... a vocation à demeurer en France, sauf à entraîner une séparation entre son premier enfant et l'un de ses deux parents.

5. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, qui a pour effet de séparer de leur père ou de leur mère les deux enfants du couple, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 19 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de

trente jours, et qu'il a fixé le pays de renvoi. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure, ainsi que ces trois décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

8. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du

19 juillet 2021, implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la délivrance à M. C... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à l'intéressé un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, au cas d'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Traversini, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Traversini de la somme de 2 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 19 juillet 2021 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. C..., qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et qu'il a fixé le pays de destination.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 décembre 2021 est annulé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.

Article 4 : L'Etat versera à Me Traversini la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Traversini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me Traversini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.

2

N° 22MA00195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00195
Date de la décision : 15/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-15;22ma00195 ?
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