La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2023 | FRANCE | N°21MA03828

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 mai 2023, 21MA03828


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

La société Laboratoires Ineldea a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a suspendu la fabrication, l'exportation, la distribution en gros, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit et la publicité des produits dénommés " Olioseptil inhalation ", " huile de soin Oleo K " et " B

aume secours " de la société Laboratoires Ineldea, d'autre part, de mettre à la...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

La société Laboratoires Ineldea a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a suspendu la fabrication, l'exportation, la distribution en gros, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit et la publicité des produits dénommés " Olioseptil inhalation ", " huile de soin Oleo K " et " Baume secours " de la société Laboratoires Ineldea, d'autre part, de mettre à la charge de l'ANSM la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601612 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2021, la société Laboratoires Ineldea, représentée par la SCP Klein, agissant par Me Ciussi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler les courriers du 20 février 2015 et du 25 novembre 2015 ;

3°) d'annuler la décision du 5 février 2016 par laquelle l'ANSM a suspendu la fabrication, l'exportation, la distribution en gros, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit et la publicité des produits dénommés " Olioseptil inhalation ", " huile de soin Oleo K " et " Baume secours " de la société Laboratoires Ineldea ;

4°) de mettre à la charge de l'ANSM la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure de suspension de commercialisation des produits " Olioseptil inhalation ", " Huile de soin Oleo K " et " Baume secours " est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle qualifie à tort le produit " Olioseptil inhalation ", qui est conforme a` la règlementation des dispositifs me´dicaux de classe 1, de médicament par fonction ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle qualifie les produits " Huile de soin Oleo K " et " Baume secours " de médicaments par fonction alors qu'il s'agit de produits cosmétiques ;

- la décision méconnaît les principes d'égalité devant la loi et de libre circulation des marchandises.

Par un mémoire, enregistré le 5 janvier 2022, l'ANSM, représentée par la société d'avocats Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Laboratoires Ineldea sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par l'appelante n'est fondé.

Par une ordonnance du 19 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

_ et les observations de Me Meier-Bourdeau, représentant l'agence nationale de la sécurité des médicaments.

Considérant ce qui suit :

1. La société Laboratoires Ineldea, qui est spécialisée notamment dans la conception, la fabrication et la vente de compléments alimentaires, de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, a développé et commercialisé les produits " Olioseptil inhalation ", en tant que dispositif médical de classe I, " Huile de soin Oleo K " et " Baume secours ", en tant que produits cosmétiques. Par un courrier du 20 février 2015, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a indiqué à la société Laboratoires Ineldea que ces produits relevaient de la règlementation applicable aux médicaments et ne pouvaient être commercialisés en qualité de dispositifs médicaux et de produits cosmétiques. Elle a ensuite, par un courrier du 25 novembre 2015, informé la société qu'elle envisageait de prendre à son encontre une mesure de suspension portant sur la fabrication, l'exportation, la distribution en gros, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit et la publicité de ces trois produits jusqu'à leur mise en conformité à la réglementation du médicament. Cette décision est intervenue le 5 février 2016 et a été publiée au journal officiel de la République française le 10 février suivant. La société Laboratoires Ineldea relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la mesure de suspension :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. La société Laboratoires Ineldea se borne à reprendre en appel le moyen développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que la décision du 5 février 2016 contestée serait entachée d'un défaut de motivation, invoquant notamment les articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 codifiés depuis le 1er janvier 2016 aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, sans toutefois apporter de nouveaux éléments probants. En outre, si l'appelante conteste la pertinence de cette motivation, cette critique relève du bien-fondé de la motivation et non de sa forme. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit être écarté, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 du jugement.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Aux termes de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique : " Toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement ou selon une méthode dans laquelle intervient un processus industriel ainsi que tout générateur, trousse ou précurseur qui ne fait pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Union européenne en application du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, (...) doit faire l'objet, avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. (...) ". Aux termes de l'article L. 5312-2 du code de la santé publique : " Sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsqu'un produit ou groupe de produits mentionné à l'article L. 5311-1 est mis sur le marché, mis en service ou utilisé sans avoir obtenu l'autorisation, l'enregistrement ou la certification préalable exigé par les dispositions législatives ou réglementaires applicables à ce produit ou groupe de produits, l'agence peut suspendre, jusqu'à la mise en conformité du produit ou groupe de produits au regard de la législation et de la réglementation en vigueur, les essais, la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, la mise en service, l'utilisation, la prescription, la délivrance ou l'administration de ce produit ou groupe de produits. ".

4. Le pouvoir de suspension décrit à l'article L. 5312-2 du code de la santé publique précité concerne les produits mentionnés à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, qui vise notamment les médicaments.

5. Enfin, l'article L. 5111-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la décision litigieuse, dispose que : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. / (...) Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.". Aux termes de l'article L. 5131-1 du même code : " On entend par produit cosmétique toute substance ou mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (l'épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres et les organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ". Aux termes de l'article L. 5211-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la décision litigieuse : " On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. (...) ".

6. Il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne, et notamment de l'arrêt du 15 janvier 2009 Hecht-Pharma GmbH n°C-140/07, que, afin de décider si un produit relève de la définition du médicament par fonction au sens du droit communautaire, les autorités nationales, agissant sous le contrôle du juge, doivent se prononcer au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation. Il s'ensuit que ne saurait être systématiquement qualifié de médicament par fonction tout produit dans la composition duquel entre une substance ayant un effet physiologique, sans que l'administration compétente procède, avec la diligence requise, à une appréciation au cas par cas de chaque produit, en tenant notamment compte des propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques qui lui sont propres, telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique.

7. L'ANSM a remis en cause la fabrication et la mise sur le marché du produit dénommé " Olioseptil inhalation " au motif qu'il devait être regardé comme un médicament par fonction et non comme un dispositif médical de classe I. Celui-ci se présente sous la forme de capsules destinées à être dissoutes dans de l'eau chaude et est décrit par la société requérante comme combinant " l'efficacite´ de l'inhalation humide traditionnelle, a` une association unique de Menthol et d'huiles essentielles d'Eucalyptus, de Pin et de Thym, reconnues pour leurs effets de´congestionnants " et comme aidant " à libérer les voies respiratoires supérieures ". Ce produit est ainsi composé de plusieurs huiles essentielles, tels que l'eucalyptus, le thym et le pin sylvestre, lesquels sont utilisés en association pour leurs propriétés antiseptiques, antibactériennes et décongestionnantes des voies respiratoires, ainsi que de menthol, dérivé terpénique qui a des effets anti-inflammatoires, antiviraux et décongestionnants. Il ressort des pièces du dossier que la présence dans le produit d'huiles essentielles, utilisées en fumigation et en association avec le menthol et représentant environ 10 % de la composition totale du produit, produisent un effet pharmacologique comparable à celui d'un produit médicamenteux, quand bien même certains médicaments contiendraient une quantité supérieure d'huiles essentielles et de menthol. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'ANSM ne s'est pas bornée à constater que le produit contenait des substances figurant à la pharmacopée française mais a procédé, au vu de la décision contestée, à un examen particulier des finalités du produit et notamment de ses propriétés pharmacologiques et immunologiques. Le rapport d'étude de la société VDMj conseil sur les capsules du produit " Olioseptil inhalation ", établi à la demande de la société requérante, qui conclut à un effet mécanique filmogène du produit, plongé dans de l'eau non bouillante, et à partir de prélèvements effectués sur un échantillon réduit de cinq personnes volontaires, ne saurait suffire à contredire sérieusement ces constatations, et à évaluer de manière précise l'efficacité et les caractéristiques du produit en cause. Il en va de même du rapport d'un pharmacien, également gérant de la société VDMj conseil, qui avait pour objet de préparer le recours contentieux devant le tribunal ainsi que de l'étude du cabinet Expertox, dont seul l'extrait des conclusions est produit, lesquels ne sauraient apporter la preuve que le produit " Olioseptil inhalation " est dépourvu de tout effet pharmacologique. La requérante ne peut davantage se référer aux recommandations émises par la commission européenne sous l'intitulé MEDDEV 2.1.3 qui sont en tout état de cause dépourvues de valeur juridique. Par suite, et alors qu'aucune réglementation n'imposait à l'ANSM de fournir à la société requérante un appui scientifique et technique, la société Laboratoires Ineldea n'est pas fondée à soutenir que le directeur de l'ANSM aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en qualifiant ce produit de médicament.

8. Si la société Laboratoires Ineldea soutient que son huile de soin " Oleo K " est un produit cosmétique au sens de l'article L. 5131-1 du code de la santé publique, il est constant que ce produit, qui est commercialisé sous la marque Medicafarm, présentée comme ayant été " spécialement mis au point pour répondre aux besoins des professionnels de la santé ", afin d'offrir " des produits formule´s a` partir des meilleures associations d'actifs ve´ge´taux, se´lectionne´s pour leurs proprie´te´s reconnues", est mis en avant pour ses propriétés décongestionnantes, apaisantes et vasotoniques. Ces qualités thérapeutiques sont justifiées par la présence d'un dérivé terpénique et de plusieurs huiles essentielles représentant 10,34 % de la composition totale du produit, soit 5 % de camphre, 5 % d'eucalyptus et 0,34 % de clou de girofle et de cannelle enrichies en eugénol, reconnues pour leurs effets vulnéraires, décongestionnants, antiseptiques et antiinflammatoires. En outre, le camphre en association avec l'huile essentielle d'eucalyptus est présent dans de nombreux médicaments afin d'atténuer les douleurs musculaires, tendino-ligamentaires chez l'adulte et de décongestionner lors d'affections respiratoires banales tels qu'un rhume, une toux ou une bronchite simple. Ainsi, le rapport du cabinet d'expertises toxicologiques Expertox, s'il souligne qu'il n'a pas été retrouvé " de référence bibliographique mettant en évidence les propriétés pharmacologiques citées par l'ANSM pour ces différentes substances ", ne permet pas d'écarter avec certitude tout risque de potentiel pharmacologique. L'ANSM doit ainsi être regardée comme ayant procédé à une analyse spécifique du produit en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont notamment sa composition et ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la circonstance que les composants utilisés ne soient pas interdits par la législation européenne régissant les produits cosmétiques est sans incidence sur l'appréciation faite par l'agence dès lors qu'un même composant peut tout à fait être utilisé dans des cosmétiques et dans des médicaments. Le rapport d'évaluation de la sécurité du produit cosmétique, qui porte sur une huile de soin " Oleo K " dont la teneur en camphre et en eucalyptus est différente du produit en cause, n'a pas d'incidence sur les constatations de l'ANSM concernant les effets pharmacologiques des composants du produit litigieux. La proposition, par la société requérante, de réduire la teneur en camphre et en eucalyptus dans la composition du produit ne saurait avoir une influence sur la décision de suspendre la fabrication et la commercialisation du produit tel qu'il était initialement fabriqué et conçu. Il n'est pas davantage établi qu'une telle modification aboutirait à qualifier ce produit de cosmétique. Par ailleurs, la société Laboratoires Ineldea ne peut utilement prétendre que l'ANSM aurait fait une inexacte appréciation des dispositions de l'arrêté du 1er juin 2012 portant classement sur la liste des substances ve´ne´neuses en se prévalant de l'inscription de la capsaïcine sur cette liste dès lors qu'elle ne s'est pas fondée sur un tel motif pour prendre sa décision. De surcroît, la circonstance que d'autres entreprises commercialiseraient des produits semblables en France et en Europe sans faire l'objet d'une suspension ne s'oppose pas à ce que le produit " Olio K " puisse être qualifié comme tel par l'ANSM, sans méconnaître les principes d'égalité devant la loi et de libre circulation des marchandises. Enfin, aucune réglementation n'imposait à l'ANSM de fournir à la société requérante un appui scientifique et technique. Par suite, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation que le directeur de l'ANSM a retenu que l'huile de soin " Oleo K " présentait les caractéristiques d'un médicament par fonction.

9. Il ressort des pièces du dossier que le produit " Baume secours " est composé à hauteur de 64 % d'extrait d'aloès des Barbades, utilisé en cas de gerçures, de crevasses, d'affections de la peau, d'écorchures et de piqures d'insectes, et présente ainsi, par sa concentration, une activité pharmacologique, sa composition et son emploi thérapeutique se rapprochant au demeurant de l'aloès du Cap contenu dans le médicament " Contre-coups de l'abbé Perdrigeon ". Le produit contient également un mélange de 21 huiles essentielles et de dérivés terpéniques atteignant une concentration de 6,5 %, dont 3 % d'eucalyptus, qui présente des propriétés antiseptiques et décongestionnantes, 1,3 % de cajeput, qui possède des propriétés rubéfiantes et antirhumatismales, 0,7 % de camphre, reconnu pour ses propriétés vulnéraires, décongestionnantes et antiinflammatoires, 1 % de menthol, qui a une activité antiinflammatoire et décongestionnante ainsi que 0,15 % de sauge, connue pour son importante toxicité en raison d'une teneur importante en thuyones et qui ne peut, de ce fait, être vendue qu'en pharmacie, conformément à l'article L. 4211-1 du code de la santé publique. Le produit est à cet égard présenté comme étant constitué de " 21 huiles essentielles 100 % pures et naturelles qui présentent (...) une synergie d'actifs idéale en cas de coups, bleus, bosses, piqure d'insecte, écorchures, gerçures et voies respiratoires encombrées ". Il possède ainsi, par l'association et la concentration de ces différentes substances, des propriétés pharmacologiques incompatibles avec le statut de produit cosmétique. Le rapport du cabinet d'expertises toxicologiques Expertox, qui souligne qu'il n'a pas été retrouvé de référence bibliographique sur les propriétés pharmacologiques de l'eucalyptus, du cajeput, du camphre et du menthol, et qui mentionne la toxicité de l'huile essentielle de sauge tout en précisant que le risque demeure en l'espèce négligeable, ne permet pas d'écarter avec certitude tout risque de potentiel pharmacologique, voire toxique du produit. Ainsi qu'il est mentionné au point précédent, la circonstance que les composants utilisés ne soient pas interdits par la législation européenne régissant les produits cosmétiques est sans incidence sur l'appréciation faite par l'agence dès lors qu'un même composant peut tout à fait être utilisé dans des cosmétiques et dans des médicaments. Le rapport d'évaluation de la sécurité du produit cosmétique ne permet pas de démontrer l'absence de tout effet pharmacologique des composants du produit. Par ailleurs, la base de données des ingrédients cosmétiques de l'Union européenne et la position exprimée par l'International Fragrance Association sur l'huile essentielle de sauge, sur lesquelles se fonde la requérante, sont sans influence sur la compétence de l'ANSM qui se prononce au cas par cas sur les propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques des produits. En outre, la proposition, par la société requérante, de réduire la teneur en eucalyptus dans la composition du produit, ne saurait avoir une influence sur la décision de suspendre la fabrication et la commercialisation du produit tel qu'il était initialement fabriqué et conçu. Il n'est pas davantage établi qu'une telle modification aboutirait à qualifier ce produit de cosmétique. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la société Laboratoires Ineldea n'est pas fondée à soutenir que les principes d'égalité devant la loi et de libre circulation des marchandises auraient été méconnus. Il suit de là que la décision prise par l'ANSM à fin de suspendre la fabrication et la mise sur le marché du produit " Baume secours " n'est entaché d'aucune illégalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laboratoires Ineldea n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ANSM, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par la société Laboratoires Ineldea au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Laboratoires Ineldea une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'ANSM et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Laboratoires Ineldea est rejetée.

Article 2 : La société Laboratoires Ineldea versera une somme de 2 000 euros à l'ANSM en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laboratoires Ineldea et à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2023.

2

No 21MA03828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03828
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-01-01 Santé publique. - Protection générale de la santé publique. - Police et réglementation sanitaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP KLEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-05;21ma03828 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award