Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... H... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique du 8 septembre 2018 tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Var de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé son licenciement pour faute, ainsi que cette décision du 6 juillet 2018.
Par un jugement n° 1900805 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars 2022 et 2 mars 2023, sous le n° 22MA00904, M. H... représenté par Me Dragone demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision implicite rejetant son recours hiérarchique du 8 septembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SAS Grand Casino de Bandol la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen relatif au harcèlement moral subi et au contexte dans lequel les faits reprochés auraient été commis ;
- l'inspectrice du travail était incompétente pour prendre la décision du 6 juillet 2018 ;
- une simple attestation de remise de documents par l'employeur est insuffisante à démontrer qu'il a bien été destinataire de la sommation interpellative ;
- il a été auditionné antérieurement à l'employeur, de sorte qu'il n'a pas eu la parole en dernier en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- le fait d'indiquer à l'inspectrice du travail que la décision de le licencier était déjà prise préalablement à l'entretien préalable constitue en droit une illégalité ;
- l'existence même d'un différend important entre lui et la personne ayant assisté son employeur lors de l'entretien préalable est de nature à entraîner l'annulation de la décision contestée ;
- une sommation interpellative est un procédé atypique et déloyal ne présentant pas les garanties suffisantes pour emporter la conviction du tribunal ;
- les faits du 10 janvier 2018 sont prescrits ;
- la matérialité des faits relatifs à M. A... et M. C... n'est pas établie ;
- le grief tiré de sa présence durant ses congés payés n'est pas démontré ;
- la décision contestée est disproportionnée ;
- les faits, à les supposer commis, doivent être replacés dans le contexte général de harcèlement moral et de souffrance au travail qu'il a subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2023, la SAS Grand Casino de Bandol, représentée par Me Donat, conclut au rejet de la requête de M. H... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
à titre principal :
- la requête de M. H... est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés ;
à titre subsidiaire :
- la requête est sans objet en raison de l'annulation par le ministre du travail de la décision de refus du licenciement de l'inspectrice du travail du 24 avril 2018.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire.
Le mémoire complémentaire, enregistré le 17 mars 2023, présenté pour la SAS Grand Casino de Bandol, représentée par Me Donat, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Dragone, représentant M. H... et de Me Donat, représentant la SAS Grand Casino de Bandol.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... a été recruté par le casino de Bandol en qualité de directeur responsable par contrat à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2002. Il occupait en dernier lieu le poste de directeur général délégué. Par un arrêté du 14 décembre 2017, M. H... a été nommé en qualité de conseiller prud'homme du collège " employeur ". Par une délibération du 11 janvier 2018, le conseil d'administration de la SAS Grand Casino de Bandol a révoqué son mandat social de directeur général délégué. Le 16 février 2018, l'employeur a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de licencier M. H.... Par une décision du 22 février 2018, l'inspectrice du travail a rejeté sa demande comme irrecevable. Le 28 février 2018, la SAS Grand Casino de Bandol a sollicité une deuxième autorisation de licencier le requérant. Par une décision du 24 avril 2018, l'inspectrice du travail a refusé, à nouveau, cette autorisation. Le 30 avril 2018, la SAS Grand Casino de Bandol a formé un recours hiérarchique contre cette décision tout en sollicitant parallèlement auprès de l'inspectrice du travail, le 4 mai 2018, une troisième demande d'autorisation de licencier M. H.... Par une décision du 16 novembre 2018, la ministre du travail a annulé la décision de refus de l'inspectrice du travail du 24 avril 2018 mais constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. H..., l'inspectrice du travail ayant finalement autorisé son licenciement pour faute, sur la troisième demande dont elle a été saisie, par une décision du 6 juillet 2018. Le recours hiérarchique formé par M. H... contre cette autorisation a été rejeté par une décision implicite. Ce dernier relève appel du jugement du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite ainsi que de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspectrice du travail.
Sur le non-lieu à statuer opposé par la SAS Grand Casino de Bandol :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi.
3. La SAS Grand Casino de Bandol fait valoir que la requête de M. H... est sans objet dès lors que, postérieurement à la décision de licenciement de M. H... intervenue le 13 juillet 2018, la ministre du travail a, par une décision du 16 novembre 2018, ainsi qu'il a été dit au point 1, annulé la décision de refus de l'inspectrice du travail du 24 avril 2018 et doit ainsi être regardée comme ayant constaté que le licenciement du salarié aurait dû alors être autorisé. Toutefois, par cette décision, ainsi qu'il a également été dit au point 1, la ministre du travail s'est également bornée à constater qu'elle avait perdu sa compétence pour se prononcer sur cette autorisation de licenciement dès lors qu'à la date à laquelle elle statuait, celui-ci avait été autorisé par une troisième décision de l'inspectrice du travail du 6 juillet 2018. Cette décision ne peut ainsi être regardée comme retirant ou abrogeant cette décision du 6 juillet 2018 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre sur le recours hiérarchique de l'intéressé, objets du présent litige. Par suite, les conclusions à fin de non-lieu à statuer de la SAS Grand Casino de Bandol ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen qui n'était pas inopérant tiré de ce que M. H... aurait subi de la part de son employeur un harcèlement moral qui serait de nature à écarter le caractère fautif des faits allégués contre lui. Dès lors, l'appelant est fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier pour ce motif et doit, par suite, être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Toulon.
Sur la légalité de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique :
6. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
7. En matière d'autorisations administratives de licenciement des salariés protégés, les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire. Ainsi, la demande d'un salarié protégé tendant à l'annulation de la décision du ministre rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement doit être regardée comme tendant également à l'annulation de cette dernière décision.
En ce qui concerne la compétence de l'inspectrice du travail :
8. Aux termes de l'article L. 2421-1 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté ou d'un conseiller du salarié ou d'un membre de la délégation du personnel au comité social et économique interentreprises est adressée à l'inspecteur du travail. (...) ". L'article L. 2421-2 du même code dispose que : " La procédure prévue à la présente sous-section s'applique également au salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) / 4° Conseiller prud'homme ; (...) ". Selon l'article L. 2421-3 du code précité : " (...) / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié. (...) ".
9. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 2421-1 et L. 2421-3 du code du travail que le licenciement d'un salarié protégé est soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail, lequel est seul habilité à prendre, dans la section où il exerce ses missions, une telle décision qui relève de sa compétence exclusive. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 6 juillet 2018 est signée de Mme E... D..., inspectrice du travail de la section 83-01-05 de l'unité de contrôle UC1-TPM Var Ouest, dans le département du Var. Par une décision du 30 juin 2018 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Var n° 40 du 5 juillet 2018, Mme D... a été affectée à l'unité de contrôle UCI-TPM Var ouest, section 83-01-05 et était, en application de l'article 3 de cette décision, compétente en ce qui concerne le pouvoir de décision de la section 83-01-06 laquelle exerce une compétence de contrôle sur les secteurs d'activité de l'ensemble des entreprises et des établissements situés sur la commune de Bandol sur laquelle est implantée la SAS Grand Casino de Bandol, lieu de travail principal de M. H.... Par suite, Mme D... était bien compétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SAS Grand Casino de Bandol, sans qu'elle ait à justifier d'une délégation de signature d'une autorité supérieure.
En ce qui concerne la procédure contradictoire :
10. L'article R. 2421-4 du code du travail prévoit que : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ".
11. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un courrier recommandé avec accusé de réception du 14 mai 2018, l'inspectrice du travail a transmis à M. H... une copie de la demande d'autorisation de travail ainsi que les documents joints à cette demande, dont en pièce n° 1, la sommation interpellative de M. C... et non l'attestation de ce salarié qui n'a pas été produite par l'employeur. Selon une attestation du 28 mai 2018 signée de M. H..., ce dernier a reconnu avoir pris connaissance de cette demande et réceptionné l'ensemble des documents joints. Par ailleurs, l'attestation de M. C... a été finalement communiquée par l'employeur dans un mémoire complémentaire du 11 juin 2018, lequel a été transmis à M. H... par un courriel du 12 juin 2018 de l'inspectrice du travail puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2018. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que des éléments complémentaires fournis par l'employeur ne lui ont pas été transmis.
13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. H... a été entendu par l'inspectrice du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire le 28 mai 2018 et la SAS Grand Casino de Bandol, le 30 mai 2018. Aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe n'impose à l'inspecteur du travail d'entendre le salarié en dernier. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, le dernier mémoire complémentaire et récapitulatif du 11 juin 2018 de la SAS Grand Casino de Bandol lui a été transmis par courriel du 12 juin 2018 et par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2018. Ainsi, le requérant a été mis à même de prendre connaissance des dernières observations de son employeur.
En ce qui concerne la régularité de l'entretien préalable de licenciement :
14. En premier lieu, la circonstance que la SAS Grand Casino de Bandol aurait invoqué, en aparté, avec l'inspectrice du travail, lors de l'enquête contradictoire du 28 mars 2018 relative à la première demande d'autorisation de licenciement, les insultes proférées le 26 mars 2018 par M. H... à l'encontre de M. A... n'est pas de nature à établir qu'elle aurait annoncé publiquement le licenciement de M. H... avant son entretien préalable qui a eu lieu le 23 avril 2018. D'ailleurs, dans son rapport du 24 octobre 2018, l'inspectrice du travail précise que cela a constitué une simple information quant à la matérialité des faits, sans précision quant à l'éventualité de l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif disciplinaire à l'encontre de M. H....
15. En second lieu, M. H... soutient que l'employeur s'est fait irrégulièrement assister par Mme B..., assistante de direction, qui s'est rendue coupable de nombreux agissements nuisibles contre l'ensemble du personnel, dont lui. Toutefois, les pièces qu'il produit à l'appui de cette allégation qui concernent des difficultés rencontrées par une autre salariée avec Mme B... ne sont pas de nature à établir qu'il existerait un différend important entre le requérant et cette dernière susceptible de porter atteinte à sa liberté d'expression, de détourner l'entretien préalable de son objet et d'entacher la procédure d'une irrégularité.
En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à M. H... :
16. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ".
17. Contrairement à ce que soutient le requérant, il peut être légalement tenu compte, pour établir la réalité des griefs qui lui sont reprochés, des déclarations de salariés du Grand Casino de Bandol recueillies non aux termes d'attestations établies par les intéressés eux-mêmes dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile mais aux termes de sommations interpellatives par un huissier de justice. Si les salariés ont ainsi répondu à des questions qui leur étaient posées par l'huissier, aucun élément ne permet de suspecter qu'il existerait un doute sur la sincérité ou l'exactitude matérielle de leurs déclarations.
S'agissant des faits relatifs à M. A... :
18. Il ressort des pièces du dossier qu'il est reproché à M. H... d'avoir, le 26 mars 2018, injurié M. A..., directeur des jeux traditionnels. Alors que ce dernier se trouvait dans le bureau des ressources humaines en présence de Mme C..., M. H... lui a reproché de ne pas avoir répondu à un appel téléphonique ni à un message électronique l'interrogeant sur la date de mise à disposition de la broyeuse à papier dans son bureau. M. A... lui a répondu " être occupé " pour justifier son absence de réponse et " être dans l'attente du passage de la police judicaire " afin de procéder à la destruction des cartes de jeux s'agissant de la broyeuse à papier. M. H... a alors qualifié M. A... de " traître " et de " petit enfoiré ", tout en le gratifiant de gestes obscènes. Si M. H... invoque un contexte de provocation de la part de M. A..., les témoignages de salariés recueillis par sommations interpellatives produites par la SAS Grand Casino de Bandol déclarent que ce salarié est resté calme. A supposer même que celui-ci ait répondu à M. H... " " faites attention à vous, on va rigoler ", il ressort de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspectrice du travail que le requérant a reconnu, lors de l'enquête contradictoire, avoir traité M. A... " d'enfoiré " et de " traître ", ainsi que de lui avoir dit " qu'il serait toujours dans les effectifs alors que lui (M. A...) serait parti ". Par suite, ce grief est matériellement établi.
S'agissant des faits relatifs à M. C... :
19. En premier lieu, il est reproché à M. H... d'avoir, le 10 janvier 2018, traité M. C..., voiturier au Grand Casino de Bandol, " d'enfoiré " au moment de quitter l'établissement après lui avoir demandé de noter qu'il partait à 16h05. L'appelant a reconnu lors de l'enquête contradictoire ces propos qui revêtent un caractère injurieux. Dès lors, ce second grief est matériellement établi.
20. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Il résulte de ces dispositions que ce délai commence à courir lorsque l'employeur a une pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé.
21. Il ressort de la sommation interpellative du 30 mars 2018 concernant M. C..., que ce dernier a informé son employeur des insultes proférées par M. H... à son encontre le 15 février 2018. La procédure disciplinaire ayant été engagée le 9 avril 2018, soit dans le délai de deux mois, ce grief n'était pas prescrit.
22. En troisième lieu, M. H... ne peut utilement soutenir que l'employeur a méconnu son devoir de célérité dès lors que le principe selon lequel la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'entreprise ait eu connaissance des faits allégués ne s'applique qu'en cas de licenciement pour faute grave privative de préavis, ce qui n'a pas été le cas du requérant. En tout état de cause, la SAS Grand Casino de Bandol a été informée de ces faits le 15 février 2018 et la procédure disciplinaire engagée le 9 avril 2018, soit dans un délai de moins de deux mois alors que de nouveaux faits similaires ont été commis le 26 mars 2018, à l'égard de M. A... Par suite, le déclenchement de la procédure de licenciement est intervenu dans un délai restreint.
23. En quatrième lieu, aucun texte ni aucun principe n'imposait à la SAS Grand Casino de Bandol de mentionner le fait dont elle a eu ainsi connaissance le 15 février 2018 dans la deuxième demande d'autorisation de licenciement de M. H... qu'elle a déposée le 28 février 2018 et qu'elle avait alors motivé, d'une part, par l'impossibilité de maintenir son contrat de travail en raison de la révocation de son mandat social et, d'autre part, par des motifs disciplinaires tirés de l'utilisation frauduleuse des moyens de paiement et de dénonciation de mauvaise foi de faits de harcèlement moral. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la SAS Grand Casino de Bandol avait épuisé son pouvoir disciplinaire.
S'agissant des griefs tirés de l'utilisation de la désignation de " directeur responsable " et de la présence du requérant pendant ses congés payés au casino :
24. M. H... ne peut utilement contester le bien-fondé de ces deux griefs dès lors qu'il ne ressort pas de la décision contestée du 6 juillet 2018 que l'inspectrice du travail aurait estimé que ces faits constituaient des fautes imputables au requérant.
En ce qui concerne la proportion de la sanction et le contexte de harcèlement moral allégué :
25. Les deux fautes mentionnées aux points 18 et 19 prises dans leur ensemble sont matériellement établies, imputables à M. H... et présentent au regard de leur caractère répétitif et du positionnement hiérarchique du requérant qui était directeur général délégué et, jusqu'au 11 janvier 2018, mandataire social du Grand casino de Bandol, une gravité suffisante pour justifier à elles seules son licenciement alors même que, par un jugement du 21 décembre 2021, le conseil de Prud'hommes de Draguignan a jugé qu'il avait été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur, jugement qui a été, au demeurant, infirmé par la Cour d'appel de Nîmes, par un arrêt du 31 janvier 2023. Pour les mêmes motifs, les décisions contestées ne sont pas disproportionnées.
En ce qui concerne le lien entre le licenciement et le mandat de M. H... :
26. L'appelant soutient que ce lien est établi en raison de la temporalité voisine du renouvellement de son mandat prud'homal et de la révocation de son mandat social, de la multiplicité des demandes d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet et du harcèlement moral qu'il soutient avoir subi. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. H... a été nommé conseiller prud'homme dès 2008, au demeurant au titre du collège " employeurs ", et n'a jamais été empêché d'accomplir sa mission par son employeur, étant rappelé qu'il exerçait les fonctions de directeur général délégué. Par ailleurs, la seule circonstance que l'employeur a déposé trois demandes d'autorisation de licenciement, à la suite de la révocation de son mandat social, dans les conditions décrites au point 1 et alors, ainsi qu'il a été dit, que la ministre du travail a annulé le refus opposé par l'inspectrice du travail à la deuxième, n'est pas de nature à établir ce lien.
27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Grand Casino de Bandol, que M. H... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique.
Sur les frais liés au litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SAS Grand Casino de Bandol qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. H... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Grand Casino de Bandol et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 janvier 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : M. H... versera à la SAS Grand Casino de Bandol une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... H..., à la SAS Grand Casino de Bandol et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
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N° 22MA00904
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