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14/04/2023 | FRANCE | N°22MA01526

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 14 avril 2023, 22MA01526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1905679 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Charamnac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini

stratif de Nice du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 5 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1905679 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Charamnac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 5 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer un récépissé provisoire avec droit au travail pendant la durée d'instruction de son dossier dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'incompétence de son signataire dès lors que la délégation de signature n'est pas visée ;

- en indiquant seulement que la requérante ne remplissait pas les conditions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a insuffisamment motivé sa décision ;

- les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022.

Par une ordonnance du 2 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2023.

Par un courrier du 23 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'impliquer le prononcé d'office d'une injonction de délivrer le titre de séjour sollicité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité brésilienne, relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande aux fins d'annulation de la décision du 5 novembre 2019 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif unique tiré de ce que son conjoint ne disposait pas de ressources suffisantes.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 121-3 du même code alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. ".

4. Enfin, aux termes de l'article R. 121-4 de ce même code alors en vigueur : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. / En cas de doute, le préfet peut, sans y procéder de façon systématique, vérifier que les conditions mentionnées aux articles L. 121-1, R. 121-6 et R. 121-7 sont satisfaites. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives. Pour l'application des dispositions du 2° de cet article, le ressortissant d'un Etat tiers, conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne, ne peut se voir délivrer un titre de séjour que si ledit conjoint dispose de ressources suffisantes afin de subvenir aux besoins de sa famille et ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale.

6. Aux termes de l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne justifiant d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans une collectivité mentionnée à l'article L. 751-1 et ayant atteint un âge minimum bénéficie d'une allocation de solidarité aux personnes âgées dans les conditions prévues par le présent chapitre. Cet âge minimum est abaissé en cas d'inaptitude au travail ou lorsque l'assuré bénéficie des dispositions prévues à l'article 37 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. /Un décret en Conseil d'Etat précise la condition de résidence mentionnée au présent article. ". Aux termes de l'article R. 815-1 de ce code : " L'âge mentionné à l'article L. 815-1 est fixé à soixante-cinq ans. (...) ". Et aux termes de l'article D. 815-1 de ce même code : " Le montant maximum servi au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées est fixé :/ a) Pour les personnes seules, ou lorsque seul un des conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité en bénéficie, à 9 998,40 euros par an à compter du 1er avril 2018, à 10 418,40 euros par an à compter du 1er janvier 2019 et à 10 838,40 euros par an à compter du 1er janvier 2020 ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que l'époux de la requérante, ressortissant italien, percevait à la date de la décision contestée une pension de retraite mensuelle d'un montant de 902,91 euros qui est supérieur au montant maximal de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, dont il pouvait bénéficier dès lors qu'il était âgé de soixante-cinq ans, qui est servi à une personne seule ou lorsqu'un seul des conjoints en bénéficie, en application des dispositions précitées de l'article D. 815-1 du code de la sécurité sociale. Par conséquent, l'époux de la requérante remplissait la condition de ressources suffisantes énoncée par le 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et Mme B... pouvait donc prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 121-3 de ce même code. Il s'ensuit qu'en estimant que Mme B... n'avait pas droit au séjour au motif que son époux ne disposait pas de ressources suffisantes, le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressée, que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à Mme B... une carte de séjour portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Charamnac, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Charamnac d'une somme de 1 200 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1905679 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Nice et la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 5 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme B... une carte de séjour portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Charamnac une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse C..., à Me Charamnac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

N° 22MA015262

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01526
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Cécile FEDI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CHARAMNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-14;22ma01526 ?
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