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14/04/2023 | FRANCE | N°21MA04749

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 14 avril 2023, 21MA04749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 27 août 2020 par laquelle le maire de Toulon a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'avertissement.

Par un jugement n° 2002964 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 15 décembre 2021, 9 novembre 2022 et 12 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Varron Charrier, demand

e à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 27 août 2020 par laquelle le maire de Toulon a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'avertissement.

Par un jugement n° 2002964 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 15 décembre 2021, 9 novembre 2022 et 12 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Varron Charrier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 octobre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 27 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune réglementation n'interdit aux agents de participer à des activités bénévoles pendant un congé maladie ou une autorisation spéciale d'absence ;

- il n'a violé aucune obligation légale ou règlementaire, n'a pas manqué à son devoir de réserve et de loyauté et ne s'est pas prévalu de sa qualité de fonctionnaire au cours de la réunion du Rotary Club au cours de laquelle il n'a enlevé son masque que pour les besoins des photographies ; les gestes barrières ont été respectés en dehors de ce moment ;

- il n'a pas porté atteinte à la réputation du service public ;

- la sanction d'avertissement infligée est injustifiée alors que le maire de la commune ne respectait pas lui-même les gestes barrières ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 30 août 2022 et 23 novembre 2022, la commune de Toulon, représentée par la SELARL Imavocats, agissant par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision litigieuse doit être regardée comme faisant référence à un manque de loyauté et non de moralité de son agent ; elle sollicite une substitution de motifs sur ce point ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- les observations de M. C...,

- les observations de Me Durand-Stephan, représentant la commune de Toulon.

1. Titulaire du grade de technicien principal de première classe et exerçant des fonctions de chargé de projets et de développement au sein des services de la commune de Toulon, M. C... a été placé en autorisation spéciale d'absence à compter du 16 mars 2020 en raison de son état de santé et du contexte épidémique de la Covid-19. Par une décision du 27 août 2020, le maire de Toulon lui a infligé la sanction disciplinaire d'avertissement, suite à sa participation à un évènement associatif sans masque de protection et sans avoir respecté les gestes barrières alors qu'une autorisation spéciale d'absence lui avait été accordée. M. C... relève appel du jugement du 27 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 27 août 2020 :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : l'avertissement (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, alors en vigueur : " I. - Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites " barrières ", définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. / II. - Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l'usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures. ". Aux termes de l'annexe 1 du même décret : " (...) Les masques doivent être portés systématiquement par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties. ".

4. La décision litigieuse expose que M. C... a participé le 30 juin 2020 à une soirée célébrant son élection à la présidence de l'association du Rotary de Carqueiranne, pendant la crise sanitaire de la Covid-19 et sans respecter les gestes barrières, et alors qu'il bénéficiait d'une autorisation spéciale depuis le 13 mars 2020 en tant que personne vulnérable à l'épidémie de coronavirus. Celle-ci est motivée par la circonstance que cette participation, qui a fait l'objet d'une couverture médiatique dans la presse locale et sur les réseaux sociaux, a porté une atteinte à l'image et à la considération du service public, a pu " choquer voire heurter certains de vos collègues et concitoyens " et méconnu le " devoir de réserve et de moralité " s'imposant à tout fonctionnaire. Cependant, aucun de ces motifs, qui sont contestés par l'appelant, n'apparaît matériellement établi, en l'absence de tout élément produit par l'administration, laquelle affirme ne pas remettre en cause le droit de M. C... à assister à cette réunion mais seulement son attitude au vu du contexte épidémique et de son placement en autorisation spéciale d'absence. Ainsi, les motifs avancés par l'administration à l'appui de sa décision, qui sont dépourvus de justification, ne caractérisent aucun manquement fautif du requérant à ses obligations et ne sont dès lors pas de nature à justifier la sanction prise.

5. Toutefois l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. La commune de Toulon sollicite une substitution de motifs à la décision litigieuse, dès lors qu'elle fait valoir, pour la première fois en appel, qu'elle reproche à son agent un manquement à son obligation de loyauté et non de moralité.

7. En l'espèce, l'intéressé, placé par son employeur en autorisation spéciale d'absence depuis le 16 mars 2020, était identifié comme présentant un risque de développer une forme grave au virus de la Covid-19 et était tenu d'adopter, à l'occasion de cette soirée réunissant, selon la presse, les membres de l'association et leurs conjoints ainsi que de " nombreux invités et amis ", les mesures de précaution utiles, compte tenu du régime accordé par son employeur. Si M. C... se prévaut de ce que l'évènement associatif en cause s'est déroulé en plein air, dans un domaine viticole privé et que le repas organisé a eu lieu en présence de vingt-cinq personnes dans le respect des préconisations sanitaires, les dispositions précitées du décret du 31 mai 2020 prévoyaient, à l'époque des faits, un certain nombre de mesures d'hygiène et de distanciation sociale qui, si elles constituent des recommandations et non des règles de police et ne sauraient trouver à s'appliquer dans l'espace privé, devaient nécessairement être regardées comme s'appliquant, dans la mesure du possible, en tout lieu et en toute circonstance, et notamment à l'occasion d'une réunion publique, fût-elle d'initiative privée. Ainsi, en participant à cette soirée associative, sans respecter, notamment lors des photographies de groupe, les gestes barrières et les règles de distanciation physique et en prenant ainsi volontairement un risque de contracter le virus de la Covid-19 alors qu'il était placé en autorisation spéciale d'absence précisément pour ne pas être exposé à ce risque et était ainsi dispensé de travailler tout en gardant son plein traitement, M. C... a fait preuve d'un manquement professionnel et a méconnu son devoir de loyauté qui s'impose au fonctionnaire même sans texte. La circonstance que le maire de Toulon n'aurait pas lui-même respecté les gestes barrières visant à limiter la propagation du virus est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il ressort donc des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le motif tiré du manque de loyauté de son agent à son égard, qui est de nature à fonder légalement la décision contestée. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs formulée par la commune de Toulon, qui a pu être utilement discutée par l'appelant, et d'écarter le moyen tiré de ce que les agissements reprochés ne constituent pas un comportement fautif de nature à justifier l'avertissement infligé.

8. Si M. C... soutient que la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir et révèle en réalité une situation de harcèlement moral caractérisée par d'autres mesures prises à son encontre, il n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour permettre de regarder comme au moins plausible le harcèlement moral dont il se prétend victime dans la mesure où il ressort des éléments qui viennent d'être exposés que les faits fautifs qui lui sont imputables justifient la sanction prononcée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Toulon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Toulon et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la commune de Toulon une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Toulon.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2023.

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N° 21MA04749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04749
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : AARPI CLAMENCE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-14;21ma04749 ?
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