Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société EMTS, qui exerce une activité de travaux, construction, maçonnerie et rénovation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 à 2014. Au terme de cette vérification, l'administration a considéré que cette société avait distribué des revenus à M. C..., son gérant de fait et maître de l'affaire, qui ont été imposés entre les mains de ce dernier par des propositions de rectification des 9 décembre 2015 et 9 mars 2016. M. C... relève appel du jugement du 27 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 à 2014. Le directeur départemental des finances publiques du Var a conclu au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la demande. Par un jugement n° 1902503 du 27 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à fin de décharge des prélèvements sociaux à hauteur du montant total de 14 007 euros au titre des années 2012 à 2014 et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. M. C... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
S'agissant d'une double-imposition :
2. Si M. C... soutient qu'il a fait l'objet d'une double-imposition, il se borne à réitérer son argumentation formulée devant les premiers juges selon laquelle plusieurs avis d'imposition ont été émis à son encontre au titre des années 2013 et 2014, alors qu'une telle circonstance n'est pas de nature à révéler une situation de double imposition et qu'il n'allègue ni ne démontre que les mêmes revenus ont été soumis aux mêmes impositions à plusieurs reprises. En tout état de cause, la circonstance que l'administration fiscale ait expédié un avis d'imposition au titre de 2014 au nom de M. et Mme C... n'est pas de nature à révéler une telle situation dès lors qu'il résulte de l'avis d'imposition expédié qu'il n'est établi qu'au nom de la seule Mme B....
S'agissant de la saisine de l'interlocuteur départemental :
3. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Le paragraphe 6 du chapitre Ier de la charte remise au contribuable prévoit que : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur départemental ou régional. Leur rôle vous est précisé plus loin (page 16). Vous pouvez les contacter pendant la vérification ". Pour sa part, le paragraphe 4 du chapitre III de cette charte indique que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir p. 4) ".
4. La possibilité pour un contribuable de s'adresser, dans les conditions édictées par le paragraphe 6 du chapitre Ier et par le paragraphe 4 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure contradictoire, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, et, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.
5. Il résulte de l'instruction que la société EMTS a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont elle a été avisée par deux avis en date du 23 mars et du 11 mai 2015 accompagnés de la charte lui rappelant ses droits, puis a été destinataire d'une proposition de rectification en date du 20 novembre 2015. Par son courrier du 15 décembre 2015, la société EMTS et M. C..., par le biais de leur conseil, ont sollicité " la saisine de la commission départementale, ainsi que des entiers recours mais postérieurement à ladite saisine ". A la suite des observations présentées par la société le 26 janvier 2016, le service a, par une réponse du 23 février 2016, maintenu les rappels et rehaussements envisagés. Par un courrier daté du 29 mars 2016, le conseil de la société a demandé de " bénéficier du recours hiérarchique pour lequel je n'ai pu me libérer " puis a été reçu le 22 avril 2016 par l'inspecteur principal des finances publiques, supérieur hiérarchique de l'inspecteur des finances publiques qui s'était chargé des opérations de vérification. Puis, par un courriel du 25 avril 2016, faisant suite à cette rencontre, le conseil de M. C... a fait part de son désaccord sur les points qu'il listait sans toutefois solliciter une rencontre avec l'interlocuteur départemental. Il ne l'a pas davantage fait lorsque l'administration a informé la société, par courrier du 7 juillet 2016, des conséquences du recours hiérarchique du 22 avril 2016. Enfin, si M. A... C... insiste sur le fait que la société EMTS et lui ont demandé à exercer leurs recours hiérarchiques " après la saisine " de la commission, il est constant qu'ils se sont désistés de cette demande de saisine par un courrier du 29 juin 2017. Dans ces conditions, ni la société EMTS, ni M. C... ne sauraient être regardés comme ayant appelé à rencontrer l'interlocuteur départemental. Par suite, et comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le moyen tiré de ce que M. C... aurait été privé de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
7. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
8. En l'espèce, l'administration fiscale a, par la proposition de rectification datée du 9 décembre 2015, réintégré, dans les revenus de M. C..., au titre des années 2012, 2013 et 2014, des revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, correspondant aux rectifications effectuées dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SAS EMTS et résultant de la réintégration dans les bénéfices de cette société de charges qui n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise mais dans celui de M. C.... Par la proposition de rectification datée du 9 mars 2016, l'administration a, après que le conseil de la SAS EMTS ait désigné M. C... comme bénéficiaire des sommes correspondant aux rectifications apportées à l'issue du contrôle fiscal opéré sur cette société et les a réintégrées dans les revenus de M. C... au titre des années 2013 et 2014.
S'agissant de l'existence et du montant des revenus distribués :
9. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". La SAS EMTS conteste le rejet de sa comptabilité par le service vérificateur. Toutefois, ce dernier a relevé que, lors des trois exercices vérifiés, les factures n'étaient pas numérotées de manière continue, les pièces justificatives de recettes n'ont pas été fournies, de nombreuses charges n'étaient pas justifiées, le compte 411 " compte clients " ne faisait pas figurer l'intégralité des clients de la société, les opérations du compte de TVA collectée n'étaient pas détaillées, le compte " banque " (512) faisait état d'un montant mensuel des recettes et des dépenses, la comptabilisation des produits du compte 704 s'effectuait au fur et à mesure des paiements et non selon les règles dites des créances acquises. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal, ces erreurs, qui ne permettent de s'assurer ni de l'exhaustivité, ni de la justification des recettes et des dépenses de la société, présentent un caractère grave et répété. Par conséquent, le service vérificateur a pu à bon droit tenir la comptabilité présentée par la SAS EMTS au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 comme non probante.
10. S'agissant de la TVA collectée, le service vérificateur a relevé, d'une part, que la société EMTS avait appliqué à tort le taux réduit de TVA sur des prestations de travaux d'agrandissement et d'extension qui ne présentaient pas le caractère de travaux sur constructions neuves et éligibles à ce titre au taux normal de la TVA et, d'autre part, que la société avait déduit au compte " TVA déductible " les travaux de sous-traitance réalisés en 2014 sans cependant faire figurer cette somme au compte " TVA collectée ". S'agissant de la TVA déductible, le service a relevé que le montant déduit au titre de certaines locations immobilières n'était pas justifié, que des montants de TVA avaient été déduits sur des dépenses exposés dans l'intérêt personnel de M. C..., et que certaines charges portées en comptabilité au compte 6 n'étaient pas justifiées. Le requérant ne critique toutefois pas utilement le jugement attaqué, en se bornant à renvoyer ses écritures de première instance que le tribunal avait estimées comme non étayées et comme ne critiquant pas sérieusement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause et alors que l'administration rappelle que les rappels de TVA qu'elle a opérés étaient la conséquence de l'absence de production de documents justificatifs, les tableaux que le requérant verse aux débats, et qui ne font que récapituler une liste de charges sans assortir celles-ci de quelconque document, ne sont pas de nature à justifier les sommes en cause. Par suite et comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le requérant ne conteste ni utilement, ni sérieusement les rappels de TVA mis à la charge de la société EMTS.
11. Il résulte enfin de l'instruction que l'administration a remis en cause des sommes comptabilisées en charge par la société afférentes à la location d'un bien immobilier que la société n'est pas seule à occuper et à des frais exposés par M. C.... Le requérant n'apporte pas plus en appel qu'en première instance de documents tendant à justifier que les dépenses exposées pour lui ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, la seule circonstance qu'il soit regardé comme le maître de l'affaire ne suffisant pas à entraîner une telle qualification et à justifier leur inscription en comptabilité. Il ne critique pas non plus utilement la remise en cause par l'administration des comptes courant de tiers ouvert au nom de Mme B..., qui ne fait pas partie des associés de la société sans pour autant que leur ouverture fasse l'objet d'une quelconque justification, notamment par l'existence d'une dette de cette société envers elle.
S'agissant de l'appréhension des distributions :
12. Pour justifier de la qualité de maître de l'affaire de M. C..., l'administration fiscale a relevé que l'intéressé, un temps gérant de la société, était associé, salarié de l'entreprise EMTS, détenteur d'un compte courant nominatif dans la société et logeait dans un logement contigu au bâtiment loué par cette société. Il était par ailleurs chargé du démarchage auprès de la clientèle et décidait des appels à la sous-traitance, du choix des chantiers à ouvrir, de l'établissement des devis et factures. Dans ces conditions, et alors que M. C... ne conteste pas sérieusement l'appréhension des distributions qui lui sont imputées, l'administration établit que celui-ci avait la qualité de seul maître de l'affaire et, par suite, c'est à bon droit qu'elle a imposé à son nom les revenus distribués par la SAS EMTS, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
14. L'administration a appliqué une majoration de 40 % pour manquement délibéré aux motifs que M. C..., maître de l'affaire, avait connaissance des irrégularités comptables commises par la SAS EMTS et n'a pas justifié la prise en charge de certaines charges déduites du résultat imposable de cette même société. Dans ces conditions et eu égard au montant important des sommes en cause, l'administration établit l'intention délibérée de M. C... d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. C... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2023.
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N° 21MA04491