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14/04/2023 | FRANCE | N°21MA01425

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 14 avril 2023, 21MA01425


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Bazin, représentant la société Cadanor.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme de droit luxembourgeois Cadanor est propriétaire d

'une villa située à Saint-Tropez. Suite à une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a, selon la procédure de ta...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Bazin, représentant la société Cadanor.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme de droit luxembourgeois Cadanor est propriétaire d'une villa située à Saint-Tropez. Suite à une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a, selon la procédure de taxation d'office, réintégré, dans les résultats de la société le montant des loyers qu'elle aurait dû percevoir dans le cadre d'une gestion commerciale normale. Elle relève appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution annuelle sur les revenus locatifs auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 2013 à 2015, en droits, pénalités et intérêts de retard.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le régime applicable :

2. Aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". Aux termes du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 164 B de ce code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : a. Les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles (...) ". Aux termes de l'article 223 de ce code : " 1. Les personnes morales (...) passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux (...) ". Aux termes de l'article 23 A de l'annexe IV au même code : " Les sociétés visées à l'article 206 du code général des impôts sont tenues de déposer, dans le mois de leur constitution définitive ou, le cas échéant, du jour où elles deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés une déclaration (...) ".

3. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

4. Comme l'a jugé le tribunal, sans d'ailleurs être contredit en appel sur ce point, la société requérante est, au regard de ce que les sociétés anonymes luxembourgeoises constituent des sociétés de capitaux inscrites au registre du commerce et dont la responsabilité des associés est limitée à leurs apports, leurs actions étant par ailleurs librement cessibles, assimilable à une société anonyme française. Elle est dès lors passible de l'impôt sur les sociétés à raison de sa forme sociale, en application du 1 de l'article 206 du code général des impôts, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère lucratif de son activité. Les stipulations de l'article 3 de la convention du 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg ne font par ailleurs pas obstacle à son imposition à l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est pas, au demeurant, soutenu.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de l'acte anormal de gestion :

5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que la société Cadanor SA n'a pas déposé de déclarations de résultats des exercices 2013 à 2015 dans le délai légal malgré l'envoi d'une mise en demeure. Elle a ainsi régulièrement été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés. Il appartient, par suite, à la société Cadanor SA, qui a la charge de prouver l'exagération des impositions qu'elle conteste, de démontrer que les faits invoqués par l'administration ne relevaient pas d'une gestion anormale.

7. L'administration fiscale a considéré que la villa dont la société Cadanor SA est propriétaire à Saint-Tropez avait été mise à disposition de ses actionnaires sans contrepartie. Si cette société soutient que ce bien n'a pas été occupé durant la période contrôlée, les dépenses d'eau et d'électricité qu'elle a exposées, pour un montant annuel supérieur à 7 000 euros, témoignent cependant de l'utilisation du bien. Par ailleurs, elle ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément démontrant que ce bien n'aurait pas été laissé à la libre disposition des associés et que, comme elle l'allègue, celui-ci n'aurait été acquis que dans la poursuite d'un seul objectif spéculatif. Enfin, elle ne justifie pas de l'intérêt qu'elle aurait eu à renoncer aux loyers qu'elle aurait pu tirer de la mise en location de ce bien dans le cadre d'une gestion commerciale normale alors que, par ailleurs, la location d'immeubles compte au nombre des activités inscrites dans son objet social. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé les faits en cause comme ne relevant pas d'une gestion anormale. Dans ces conditions, la société Cadanor SA n'est pas fondée à contester le principe de la réintégration dans ses résultats des recettes qu'elle a renoncé à percevoir au titre de chacun des trois exercices considérés.

S'agissant des modalités de détermination de la valeur locative de la propriété :

8. L'administration a fixé la valeur vénale de la villa à 10 260 000 euros. Pour ce faire, elle a retenu une surface habitable de 342 m² et, comme termes de comparaison, au titre de l'année 2013, quatre ventes de villas, intervenues en 2008, 2011 et 2012, situées à proximité immédiate du bien en cause, en écartant les termes de comparaison les plus extrêmes. Au titre de l'année 2014, l'administration a retenu, comme termes de comparaison, cinq ventes de villas intervenues en 2011 et 2012, situées à proximité immédiate du bien en cause, en écartant les termes de comparaison les plus extrêmes, et au titre de l'année 2015, quatre ventes de villas intervenues en 2014, situées à proximité du bien en cause, en écartant les termes de comparaison les plus extrêmes. Ainsi, l'administration a établi un prix au m² de 35 412 euros en 2013,

34 552 euros en 2014 et 37 327 euros en 2015, basé sur des termes de comparaison pertinents, de surfaces comparables, comprenant généralement davantage de pièces mais moins de terrain tout en étant plus éloignés de la mer que le bien en cause, et présentant, en conséquence, des caractéristiques proches, voire moins favorables, que le bien de la société requérante. Ensuite, l'administration a ramené ce prix à 30 000 euros au m², pour tenir compte de travaux à réaliser, exposés dans un rapport d'expertise produit par la société requérante, ce qui a pour effet de diminuer la valeur vénale de la villa de 1 850 904 euros au titre de l'année 2013, 1 556 784 euros au titre de 2014 et 2 505 834 euros au titre de 2015 et tient largement compte de la nécessité, à la supposer même établie, de réaliser des travaux en raison de la vétusté de l'immeuble.

9. Pour contester ces évaluations, la société requérante se prévaut du même rapport d'expertise, réalisé par le cabinet Galtier, que celui produit en première instance. Pourtant, comme l'a exactement jugé le tribunal, ce rapport n'écarte pas les valeurs extrêmes, comme celle d'un montant de 50 millions d'euros, et évoque des termes de comparaison qui ne revêtent pas les mêmes caractéristiques de surface que le bien en litige. Par ailleurs, il retient pour base de calcul une surface pondérée de 299 m² sans que les autres termes de comparaison ne soient eux aussi exprimés en surface pondérée et, ne faisant pas suite à un métrage sur place, il ne démontre pas, en tout état de cause, que la surface habitable serait, comme la société requérante le soutient, de 342 m². Les éléments versés par la société requérante ne sont donc pas de nature à remettre en cause la valeur vénale retenue par l'administration fiscale.

10. Enfin, l'administration fiscale a retenu un taux de rentabilité de 3 % qui n'est pas contesté dans les écritures produites par la société requérante. Il s'en suit que celle-ci aurait dû tirer de son bien des loyers annuels de 307 800 euros, en déduction desquels, l'administration a admis, au titre des charges, les montants non contestés de 242 862, 254 919 et 242 246 euros au titre des années 2013 à 2015. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige.

En ce qui concerne le bien-fondé de la contribution annuelle sur les revenus locatifs :

11. Aux termes de l'article 234 nonies du code général des impôts : " I.- Il est institué une contribution annuelle sur les revenus retirés de la location de locaux situés dans des immeubles achevés depuis quinze ans au moins au 1er janvier de l'année d'imposition, acquittée par les bailleurs (...) ". Aux termes de l'article 234 duodecies du même code : " I. - Lorsque la location est consentie par une personne morale ou un organisme devant souscrire la déclaration prévue au 1 de l'article 223, (...) la contribution prévue à l'article 234 nonies est assise sur les recettes nettes définies à l'article 29 qui ont été perçues au cours de l'exercice ou de la période d'imposition (...) ".

12. Une société propriétaire qui renonce sans contrepartie à percevoir des recettes qu'une gestion normale de son bien immobilier lui aurait procurées doit être regardée comme ayant retiré un revenu de la location de ce bien au sens de l'article 234 nonies précité du code général des impôts.

13. Par suite, les recettes que la société Cadanor SA a volontairement renoncé à percevoir devaient être comprises dans ses bases d'imposition à la contribution sur les revenus locatifs, contrairement à ce qui est soutenu.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cadanor SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Cadanor SA non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Cadanor SA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Cadanor SA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2023.

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N° 21MA01425

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01425
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Texte applicable (dans le temps et dans l'espace).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE NEUILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-14;21ma01425 ?
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