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11/04/2023 | FRANCE | N°22MA00510

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22MA00510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision du 14 novembre 2019 par laquelle le maire de Marseille a rejeté sa réclamation indemnitaire préalable, en deuxième lieu, de condamner la commune de Marseille à lui verser, en réparation des préjudices moral et financier des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de revalorisation du montant de son indemnité spécifique de service (ISS) et de sa prime de service et de rendement (PSR), à

titre principal, la somme de 35 000 euros, pour la période comprise entre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision du 14 novembre 2019 par laquelle le maire de Marseille a rejeté sa réclamation indemnitaire préalable, en deuxième lieu, de condamner la commune de Marseille à lui verser, en réparation des préjudices moral et financier des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de revalorisation du montant de son indemnité spécifique de service (ISS) et de sa prime de service et de rendement (PSR), à titre principal, la somme de 35 000 euros, pour la période comprise entre le 1er mars 2006 et le 31 juillet 2019 et, à titre subsidiaire, celle de 25 000 euros, pour la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 31 juillet 2019, en troisième lieu, d'enjoindre à cette commune de fixer le montant de cette ISS par référence au taux fixé pour les ingénieurs au 5ème échelon, soit un coefficient 28, équivalent à une somme de 1 034 euros par mois, de celui de cette PSR à 1 659 euros, et de le rétablir dans ses droits sociaux, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000163 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 20 juin 2022, M. A..., représenté par Me Journault, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2021 ;

2°) d'annuler cette décision du maire de Marseille du 14 novembre 2019 ;

3°) de condamner la commune de Marseille à lui verser une somme correspondant à son préjudice moral et à la différence entre les montants d'ISS et de PSR qu'il a perçus et ceux qu'il aurait dû percevoir et dont le manque à gagner constitue un préjudice matériel, à titre principal, et pour la période du 1er mars 2006 au 31 juillet 2019, à hauteur de 35 000 euros et, à titre subsidiaire, et pour la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2019, à hauteur de 25 000 euros ;

4°) d'enjoindre à la commune de Marseille, d'une part, de le rétablir dans ses droits indemnitaires en fixant, à compter du 1er août 2019, l'ISS qui lui est servie par application du coefficient de modulation de service 1 225 et du coefficient propre au grade d'ingénieur au 5ème échelon (coefficient 28), soit une somme de 1 034 euros par mois et sa PSR qui lui est servie à la somme de 1 659 euros (138,25 euros par mois) et, d'autre part, de reconstituer ses droits sociaux, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en rejetant sa demande de première instance, le tribunal administratif de Marseille a fait une interprétation erronée des délibérations du conseil municipal de Marseille et il a entaché son jugement attaqué d'une erreur de droit, d'une dénaturation des pièces du dossier et d'erreurs d'appréciation des faits ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Marseille, en l'absence de décision individuelle explicative, il n'a pas disposé des informations utiles lui permettant d'apprécier la légitimité des sommes versées au titre de l'ISS et de la PSR, et donc l'existence d'une créance à l'égard de la commune de Marseille ; dès lors, cette commune ne peut lui opposer une exception de prescription quadriennale ;

- sur la responsabilité de la commune de Marseille :

. en ce qui concerne l'erreur de droit :

. s'agissant de la PSR : le tribunal administratif de Marseille a fait sienne l'argumentation de la commune et a considéré que, dès lors que les textes réglementaires ne prévoient qu'un maximum, l'autorité territoriale pourrait, sans illégalité et sans être tenue de prendre une décision circonstanciée, fixer le montant de la PSR en deçà du taux de base, la seule contrainte imposée aux communes étant de ne pas dépasser la limite supérieure prévue par ces mêmes texte ; ce faisant, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ; en effet, la délibération du conseil municipal, concernant la PSR, ne prévoit pas la possibilité d'appliquer un montant inférieur au montant de base et se contente de renvoyer aux articles 5 et 6 du décret du 15 décembre 2009, ces articles ne prévoient pas la possibilité de minorer le montant de base de la PSR ; l'organe délibérant de la commune de Marseille n'ayant pas non plus prévu la possibilité de cette minoration, le maire n'a pas pu légalement lui servir une PSR d'un montant inférieur au montant de base fixé par le conseil municipal ;

. s'agissant de l'ISS : le tribunal administratif de Marseille, sans expliquer son interprétation, faisant simplement droit à celle de la commune de Marseille, prétend que la délibération du conseil municipal de Marseille de 2003 permettrait à l'autorité administrative de fixer le montant minimum de l'ISS à 10 % du montant moyen, c'est-à-dire d'appliquer un coefficient de 0,1, au lieu de 0,9 prévu par les textes applicables ; le raisonnement suivi par le tribunal est contraire au texte de cette délibération du conseil municipal de 2003 et aux modalités de modulation telles que fixées par l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 ; la manière dont cette délibération est rédigée laisse légitimement penser que le conseil municipal a eu la volonté de fixer l'indemnité individuelle minimale par l'application d'un abattement de 10 % au montant moyen déterminé pour chaque grade ou par l'application d'un coefficient de 0,90, et non à 10 % du montant de base ; dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille prétend, comme la commune de Marseille, que le montant minimum annuel de l'ISS pour un ingénieur jusqu'au 6ème échelon serait de 1 013,32 euros ; ce montant est d'ailleurs en contradiction avec la note de service du directeur général des services de la commune de Marseille qui, en 2012, indiquait que le montant indemnitaire minimum annuel dû à un ingénieur est de 9 200 euros ; la violation des textes applicables et des délibérations de l'organe délibérant constitue une faute qui lui cause un manque à gagner préjudiciable ;

. la commune de Marseille a méconnu son obligation de motiver ses décisions de minoration de l'ISS par rapport au montant de base, laquelle figure dans l'annexe de la délibération du conseil municipal ; ce faisant, cette commune a commis une faute supplémentaire ;

. la commune de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation, au vu de sa manière se servir, en fixant son ISS et sa PSR à un montant inférieur au montant moyen déterminé pour son grade ;

. son préjudice financier, pour la période du 1er mars 2006 au 31 juillet 2019, s'élève à la somme de 28 747 euros ; par ailleurs, l'atteinte délibérée portée à ses droits lui cause un préjudice moral et d'agrément et la commune de Marseille devra être condamnée à lui verser la somme de 35 000 euros en indemnisation de ses préjudices matériel et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête encourt le rejet par adoption des motifs du jugement attaqué dès lors que M. A... se borne à reprendre les moyens de légalité interne développés en première instance ;

- à titre subsidiaire, les demandes relatives à l'ISS et à la PSR pour la période antérieure au mois de novembre 2018 sont irrecevables car tardives ;

- à titre infiniment subsidiaire, les moyens de la requête de M. A... sont inopérants ou infondés, et ses demandes indemnitaires ne sont pas davantage fondées.

Par une ordonnance en date du 25 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 et l'arrêté du même jour fixant ses modalités d'application ;

- le décret n° 2009-1558 du 15 décembre 2009 ;

- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Journault, représentant M. A..., et de Me Daïmallah, substituant Me Mendes Constante, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté au sein des services de la commune de Marseille, à compter du 1er mars 2006, d'abord, dans le cadre d'emplois des techniciens territoriaux, avec, en dernier lieu, le grade de technicien principal de 1ère classe, puis dans le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, à compter du 1er mars 2018, M. A... exerce les fonctions de responsable du service technique du 13ème arrondissement de Marseille. Si, par un courrier du 17 septembre 2019, il a sollicité du maire de Marseille la réparation des préjudices moral et matériel qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de revalorisation de son indemnité spécifique de service (ISS) et de sa prime de service et de rendement (PSR), cette réclamation indemnitaire préalable a été rejetée le 14 novembre 2019 par le maire de Marseille. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 14 novembre 2019 et à la condamnation de la commune de Marseille à l'indemniser de ces préjudices, à titre principal, pour la période courant entre le 1er mars 2006 et le 31 juillet 2019 et, à titre subsidiaire, pour celle courant entre le 1er janvier 2015 et le 31 juillet 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2021 :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de Marseille du 14 novembre 2019 portant rejet de la réclamation indemnitaire préalable présentée par M. A... :

2. La décision du 14 novembre 2019 par laquelle le maire de Marseille a rejeté la réclamation indemnitaire préalable présentée par M. A... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de première instance présentée par ce dernier qui, en formulant les conclusions sus-analysées, a donné à cette demande le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir les sommes qu'il réclame, les vices propres dont serait entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les moyens dirigés contre cette décision ne peuvent qu'être écartés comme inopérants et les conclusions à fin d'annulation afférentes doivent donc être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant de l'exception de prescription quadriennale retenue par le tribunal administratif de Marseille pour les créances antérieures au 1er janvier 2015 :

3. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Selon l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Enfin, l'article 3 de cette loi dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

4. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis de l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Il en va différemment lorsque la créance de l'agent porte sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions. En pareille hypothèse, comme dans tous les autres cas où est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée (Conseil d'Etat, Section, 6 novembre 2002, nos 227147, 244410, A).

5. M. A... persiste à invoquer le moyen tiré de ce que la commune de Marseille ne pouvait opposer la prescription quadriennale pour les créances antérieures au 1er janvier 2015 alors qu'il devrait être regardé comme ignorant l'existence de ces créances à l'encontre de cette commune. Il y a toutefois lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille aux points 3 à 8 de son jugement attaqué du 15 décembre 2021, l'appelant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.

S'agissant des conclusions indemnitaires afférentes aux montants de l'indemnité spécifique de service (ISS) et de la prime de service et de rendement (PSR) perçues par M. A... à compter du 1er janvier 2015 :

Quant à l'indemnité spécifique de service (ISS) :

6. D'une part, aux termes de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les fonctionnaires régis par la présente loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. (...) ". Aux termes de l'article 88 de cette même loi, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. (...) ". L'article 1er du décret susvisé du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de cet article 88 précise, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. (...) ". L'article 2 de ce même décret dispose, en outre, que : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe (...) la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il revient d'abord à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse, en vertu du principe de parité qui est énoncé, être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat (Conseil d'Etat, 7 juin 2010, n° 312506, B). Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Il appartient ensuite à l'autorité investie du pouvoir de nomination de déterminer dans les limites prévues par l'assemblée délibérante de la collectivité le taux individuel d'indemnités applicable aux fonctionnaires de cette collectivité.

8. D'autre part, l'article 1er du décret susvisé du 9 novembre 2010 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux dispose que : " Les techniciens territoriaux constituent un cadre d'emplois technique de catégorie B au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 (...). / Ce cadre d'emplois comprend les grades de technicien, de technicien principal de 2e classe et de technicien principal de 1re classe (...) ". Selon l'article 1er du décret susvisé du 26 février 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs : " Les ingénieurs territoriaux constituent un cadre d'emplois scientifique et technique de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / Le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux comprend les trois grades suivants : / 1° Ingénieur ; / 2° Ingénieur principal ; / 3° Ingénieur hors classe. ".

9. En l'espèce, et en premier lieu, au point 7 de l'annexe à la délibération qu'il a adoptée le 15 décembre 2003, le conseil municipal de Marseille a fixé le régime indemnitaire de l'ISS en déterminant les modalités d'attribution de celle-ci pour les techniciens et les ingénieurs territoriaux. A ce titre, ledit conseil municipal a prévu qu'elle serait attribuée individuellement en fonction des missions exercées et de la manière de servir, et il a, en outre, précisé que : " Les attributions individuelles dont l'objet d'une modulation entre le montant individuel minimal et maximal. / Le montant individuel minimal se calcule (...) par l'application de 10 % du montant moyen déterminé pour chaque grade ou classe et par application du montant minimum individuel prévu par les textes pour la prime de service et de rendement. Des minorations sont toutefois possibles en fonction des situations individuelles et à l'appui de décisions circonstanciés ". Il résulte ainsi clairement de l'objectif fixé dans cette délibération du 15 décembre 2003 que les attributions individuelles font l'objet d'une modulation en fonction de multiples critères, dont la manière de servir. Les délibérations successives ultérieurement adoptées par le conseil municipal afin de fixer le régime indemnitaire annuel des agents de la commune de Marseille reprennent, s'agissant de l'ISS, le cadre ainsi défini. Dans ces conditions, et alors même que leurs énoncés sont légèrement différents, l'ensemble de ces délibérations successives doit être interprété comme prévoyant que la limite basse du montant individuel de la prime qui peut être allouée correspond à 10 % d'un montant, dit " montant moyen annuel " déterminé pour chaque grade ou classe et calculé par référence aux dispositions applicables aux fonctionnaires de l'Etat à partir d'un taux de base annuel multiplié par un coefficient par grade du cadre d'emploi et un coefficient géographique, permettant une modulation entre 10 % du " montant moyen annuel " et le montant individuel maximal ce dernier calculé par référence aux textes applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Dès lors, avec un coefficient géographique de 1, pour un technicien territorial principal de 1ère classe, dont le coefficient de grade est fixé à 18, et alors que le taux de base annuel a été fixé à 361,90 euros, le montant moyen est égal à 6 514,20 euros et le montant individuel minimal s'établit donc à 651,42 euros. Par ailleurs, pour un ingénieur jusqu'à l'échelon 6, dont le coefficient de grade est fixé à 28, le montant moyen est égal à 10 133,20 euros et le montant individuel minimal s'établit donc à 1 013,32 euros. Par suite, et sans que M. A..., qui a atteint le grade de technicien territorial principal de 1ère classe jusqu'au 27 février 2018, puis celui d'ingénieur territorial, puisse utilement se prévaloir de la note de service signée par le directeur général des services le 30 janvier 2012 relative au régime indemnitaire de l'année 2012, le maire de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ou de calcul en fixant le montant minimal de son ISS. Aucune illégalité fautive ne saurait dès lors lui être reprochée à ce titre.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les montants de l'indemnité spécifique de service susceptibles d'être servis peuvent faire l'objet de modulation pour tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique. " L'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 pris pour l'application de ce décret prévoit, dans sa rédaction applicable au présent litige, pour les techniciens supérieurs, techniciens supérieurs principaux et techniciens supérieurs en chef du développement durable, l'application de coefficients de modulation compris entre 90 % et 110 % du taux moyen, et pour les ingénieurs des travaux publics de l'Etat, l'application de coefficients de modulation compris entre 85 % et 115 % du taux moyen.

11. Il est constant que le décret susvisé du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, et l'arrêté du même jour fixant ses modalités d'application ne sont applicables qu'aux fonctionnaires de l'Etat. Alors même que la commune de Marseille s'en serait inspirée pour le calcul du " montant annuel moyen " en cause, ce qu'elle avait, au demeurant, entière liberté de faire dans le respect du principe de parité, ces deux textes ne constituent pas la base légale de la délibération adoptée par le conseil municipal de Marseille le 15 décembre 2003, ni celle des délibérations successives susmentionnées, et cette délibération n'a pas été prise en application de ce décret, ni de cet arrêté. Au demeurant, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ni les dispositions de ce décret du 25 août 2003, ni celles de cet arrêté du même jour, ou encore celles de la délibération du conseil municipal de Marseille du 15 décembre 2003 n'interdisent à l'autorité territoriale de fixer la limite basse du coefficient multiplicateur individuel du montant de référence en deçà des seuils de 0,90 et de 0,85, respectivement prévus, pour un technicien supérieur de l'Etat et pour un ingénieur des travaux publics de l'Etat, par l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003. Le maire de Marseille n'a pas davantage commis d'illégalité fautive à ce titre.

12. En troisième lieu, en vertu des dispositions relatives aux modalités d'application du régime indemnitaire contenues dans les annexes aux délibérations applicables, la modulation à la baisse du régime indemnitaire d'un agent doit être motivée et notifiée à l'intéressé dans le cadre d'un entretien, et précédée d'une proposition de diminution accompagnée d'un rapport circonstancié, reposant sur des faits objectifs et avérés. Mais, cette procédure ne s'applique ainsi qu'au cas de l'agent dont les primes baissent d'une année sur l'autre, au même grade. Or, en l'espèce, il résulte de l'instruction que, sur la période en cause, non couverte par la prescription quadriennale, le coefficient individuel de l'appelant a été fixé, en tant que technicien territorial, à 0,56, pour les années 2015 et 2016, 0,58, pour l'année 2017 et jusqu'au 28 février 2018, avant de passer à 0,47 alors que M. A... avait été nommé ingénieur stagiaire puis à 0,77 en qualité d'ingénieur titulaire. L'appelant n'a dès lors pas fait l'objet d'une minoration du montant de son ISS au sens de la délibération du conseil municipal de Marseille du 15 décembre 2003 instituant cette indemnité.

13. En quatrième et dernier lieu, M. A... reprend en cause d'appel le moyen, déjà invoqué en première instance, tiré de ce que la modulation du coefficient de son ISS ne tient pas compte de sa manière de servir et qu'il aurait dû se voir appliquer un coefficient de modulation individuel de 1 ou en tout cas, supérieur à celui qui lui a été attribué. Mais, l'appelant n'apportant pas d'éléments probants nouveaux à l'appui de ce moyen, il y a lieu de l'écarter, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 15 de leur jugement attaqué et de considérer que le maire de Marseille ne s'est rendu, à cet égard, responsable d'aucune illégalité fautive.

Quant à la prime de service et de rendement (PSR) :

14. Aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 15 décembre 2009 relatif à la prime de service et de rendement allouée à certains fonctionnaires relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Le montant individuel de la prime de service et de rendement, ainsi que de l'indemnité complémentaire à cette prime, est fixé en tenant compte, d'une part, des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées à l'emploi occupé et, d'autre part, de la qualité des services rendus. / II. - Lorsque l'indemnité complémentaire à la prime de service et de rendement prévue à l'article 5 n'est pas perçue, le montant individuel de cette prime ne peut excéder le double du montant annuel de base associé au grade détenu ou, le cas échéant, à l'emploi occupé par l'arrêté mentionné à l'article 4. / Le montant individuel total de la prime de service et de rendement et, lorsqu'elle est perçue, de l'indemnité complémentaire à cette prime ne peut excéder le triple du montant annuel de base associé au grade détenu ou, le cas échéant, à l'emploi occupé par l'arrêté susmentionné. ".

15. S'agissant des communes, le pouvoir de modulation conféré au maire par une délibération du conseil municipal instituant une PSR et précisant, conformément aux dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de cet article, le taux moyen et le taux maximal de cette prime, ne se limite pas à la possibilité de la faire varier entre ces deux taux, mais lui permet également de la fixer à un niveau inférieur au taux moyen.

16. En premier lieu, à l'instar des délibérations adoptées antérieurement, la délibération du 9 avril 2018 du conseil municipal de Marseille, prise en application de cet article 88 de la loi du 26 janvier 1984, qui définit le régime indemnitaire des agents municipaux de la filière technique de cette commune, prévoit la possibilité de leur verser une PSR, dont elle fixe les taux moyens par grade. Cette délibération fixe le taux de base de cette PSR à 1 400 euros, pour un technicien principal de 1ère classe, et à 1 659 euros, pour un ingénieur territorial, et se réfère aux articles 5 et 6 du décret susvisé du 15 décembre 2009. Or, il résulte des dispositions précitées de cet article 6 de ce décret que le montant individuel de cette prime ne peut excéder le double du montant annuel de base associé au grade détenu. Dès lors que ces textes ne prévoient qu'un maximum, l'autorité territoriale pouvait, sans illégalité, et sans être par ailleurs tenue de prendre une décision circonstanciée, fixer le montant de la PSR de l'appelant en deçà du taux de base, pour tenir compte des fonctions exercées et de sa manière de servir. M. A... n'est dès lors, pas fondé à soutenir que le maire de Marseille aurait commis une illégalité en fixant le taux de sa PSR.

17. En second lieu, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la PSR accordée à M. A... ait varié à la baisse sur la période en cause, pour chacun de ses grades successifs, le moyen tiré du vice de procédure doit dès lors être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 12 du présent arrêt.

18. Il s'ensuit qu'en l'absence de toute illégalité fautive, les conclusions indemnitaires présentées par M. A... doivent être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense par la commune de Marseille, M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

20. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une quelconque somme à M. A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

22. D'autre part, et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Marseille présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

2

No 22MA00510

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00510
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : JOURNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-11;22ma00510 ?
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