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11/04/2023 | FRANCE | N°22MA00257

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22MA00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur sa réclamation indemnitaire préalable, en deuxième lieu, de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 99 227 euros, en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de l'absence de revalorisation du montant de son indemnité spécifique de service (ISS), entre le 1er janvier 2006 et le 31 août

2019, en troisième lieu, d'enjoindre à cette commune de fixer le montant d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Marseille sur sa réclamation indemnitaire préalable, en deuxième lieu, de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 99 227 euros, en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de l'absence de revalorisation du montant de son indemnité spécifique de service (ISS), entre le 1er janvier 2006 et le 31 août 2019, en troisième lieu, d'enjoindre à cette commune de fixer le montant de cette ISS par référence au taux fixé pour les ingénieurs en chef au 10ème échelon, soit un coefficient 55, équivalent à une somme de 1 658,70 euros par mois, et de le rétablir dans ses droits sociaux, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard, et en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1907404 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier 2022 et 3 février 2023, M. C..., représenté par Me Journault, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 décembre 2021 ;

2°) de condamner la commune de Marseille à lui verser cette somme totale de 99 227 euros, correspondant à la différence entre le montant d'ISS qu'il a perçu et celui qu'il aurait dû percevoir au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 août 2019 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Marseille de le rétablir dans ses droits indemnitaires en fixant son ISS par application du coefficient de modulation de service 1 et du coefficient propre au grade d'ingénieur en chef au 10ème échelon (coefficient 55), soit une somme de 1 658,70 euros par mois, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en rejetant sa demande de première instance, le tribunal administratif de Marseille a fait une interprétation erronée des délibérations du conseil municipal de Marseille et il a entaché son jugement attaqué d'une erreur de droit, d'une dénaturation des pièces du dossier et d'erreurs d'appréciation des faits ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Marseille, en l'absence de décision individuelle explicative, il n'a pas disposé des informations utiles lui permettant d'apprécier la légitimité des sommes qui lui ont été versées au titre de l'ISS et donc l'existence d'une créance à l'égard de la commune de Marseille ; dès lors, cette commune ne peut lui opposer une exception de prescription quadriennale ;

- sur la responsabilité de la commune de Marseille :

. en ce qui concerne l'erreur de droit :

. sans expliquer son interprétation, le tribunal administratif de Marseille prétend que la délibération du conseil municipal de Marseille de 2003 permettrait à l'autorité administrative de fixer le montant minimum de l'ISS à 10 % du montant moyen, c'est-à-dire d'appliquer un coefficient de 0,1, au lieu de 0,9 prévu par les textes applicables ; ce raisonnement est contraire au texte de cette délibération et aux modalités de modulation telles que fixées par l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 ; la manière dont cette délibération est rédigée laisse légitimement penser que le conseil municipal a eu la volonté de fixer l'indemnité individuelle minimale par l'application d'un abattement de 10 % au montant moyen déterminé pour chaque grade ou par l'application d'un coefficient de 0,90, et non à 10 % du montant de base ; c'est donc à tort que le tribunal administratif de Marseille prétend, comme la commune de Marseille, que le montant minimum annuel de l'ISS pour un ingénieur en chef serait de 1 964,71 euros ; ce montant est en contradiction avec la note de service du directeur général des services de la commune de Marseille ; la méconnaissance des textes applicables et des délibérations de l'organe délibérant constitue une faute qui lui cause un manque à gagner préjudiciable ;

. la commune de Marseille a méconnu son obligation de motiver ses décisions de minoration de l'ISS par rapport au montant de base, laquelle figure dans l'annexe de la délibération du conseil municipal ; ce faisant, cette commune a commis une faute supplémentaire ; contrairement à ce que soutient la commune de Marseille, l'autorité de nomination ne tient pas des délibérations du conseil municipal le droit d'appliquer un coefficient individuel inférieur à 1, sans prendre une décision individuelle circonstanciée ; la note de service du 30 janvier 2012 confirme qu'il " est impératif de motiver les modulations par un rapport circonstancié qui devra être joint aux propositions " ; l'exigence d'un rapport circonstancié est requise dès lors qu'il y a modulation, c'est-à-dire dès lors que le coefficient appliqué est inférieur au coefficient de base ; aucun texte ne limite l'exigence d'un rapport circonstancié au seul cas où le montant de l'ISS attribué serait réduit d'une année sur l'autre ; conformément à l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que la commune de Marseille applique un coefficient inférieur au coefficient de base, elle déroge aux règles générales fixées par la délibération ; en tout état de cause, chaque fois que cette commune applique un coefficient individuel inférieur à 0,9, elle déroge à l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003, c'est-à-dire aux règles générales fixées par le règlement ;

. la commune de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant une ISS à un montant inférieur au montant de base alors que ses états de service et sa manière de servir ne justifient pas cette minoration ;

- en application tant des dispositions du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 que de celles du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 et de l'arrêté du 25 août 2003 fixant les modalités d'application de ce décret et des délibérations du conseil municipal fixant le régime indemnitaire des agents de la commune de Marseille, l'ISS qui aurait dû lui être versée aurait dû être calculée, depuis le 1er janvier 2011, par l'application du coefficient 55 sur un taux fixé à 361,90 euros ; son préjudice, pour la période du 1er janvier 2007 au 30 avril 2019 s'élève, à la somme totale de 96 057 euros ; la commune de Marseille devra être condamnée à lui verser la somme de 99 227 euros en indemnisation de son préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Mendes Constante, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête encourt le rejet par adoption des motifs du jugement attaqué dès lors que M. C... se borne à reprendre les moyens de légalité interne développés en première instance ;

- à titre subsidiaire, les demandes relatives à l'ISS pour la période antérieure au mois de juillet 2018 sont irrecevables car tardives ;

- à titre infiniment subsidiaire, les moyens de la requête de M. C... sont inopérants ou infondés, et ses demandes indemnitaires ne sont pas davantage fondées.

Par une ordonnance en date du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 et l'arrêté du même jour fixant ses modalités d'application ;

- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations tant de Me Journault, représentant M. C..., que de ce dernier, et celles de Me Daïmallah, substituant Me Mendes Constante, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté au sein des services de la commune de Marseille à compter du 10 janvier 1983, M. C... a, en dernier lieu, été nommé ingénieur en chef de classe normale, à compter du 1er janvier 2015, et il est responsable du service support technique et interventions de cette commune, depuis le 1er juin 2017. Si, par un courrier du 23 mai 2019, M. C... a sollicité du maire de Marseille la revalorisation de son indemnité spécifique de service (ISS), cette réclamation indemnitaire préalable a été implicitement rejetée. M. C... relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la commune de Marseille à lui verser la somme de 99 227 euros, en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi consécutivement à la minoration de son montant d'ISS, pour la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le 31 août 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 16 décembre 2021 :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale retenue par le tribunal administratif de Marseille pour les créances antérieures au 1er janvier 2015 :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Selon l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Enfin, l'article 3 de cette loi dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

3. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis de l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés (Conseil d'Etat, Section, 6 novembre 2002, nos 227147, 244410, A).

4. M. C... persiste à invoquer le moyen tiré de ce que la commune de Marseille ne pouvait opposer la prescription quadriennale pour les créances antérieures au 1er janvier 2015 alors qu'il devrait être regardé comme ignorant l'existence de ces créances à l'encontre de cette commune. Il y a toutefois lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille aux points 6 à 10 de son jugement attaqué du 16 décembre 2021, l'appelant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires afférentes au montant de l'indemnité spécifique de service (ISS) perçue par M. C... à compter du 1er janvier 2015 :

5. D'une part, aux termes de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les fonctionnaires régis par la présente loi ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. (...) ". Aux termes de l'article 88 de cette même loi, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. (...) ". L'article 1er du décret susvisé du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de cet article 88 précise, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. (...) ". L'article 2 de ce même décret dispose, en outre, que : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe (...) la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il revient d'abord à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse, en vertu du principe de parité qui est énoncé, être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat (Conseil d'Etat, 7 juin 2010, n° 312506, B). Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Il appartient ensuite à l'autorité investie du pouvoir de nomination de déterminer dans les limites prévues par l'assemblée délibérante de la collectivité le taux individuel d'indemnités applicable aux fonctionnaires de cette collectivité.

7. D'autre part, l'article 1er du décret susvisé du 9 novembre 2010 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Les ingénieurs territoriaux constituent un cadre d'emplois scientifique et technique de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...). / Ce cadre d'emplois comprend les grades d'ingénieur, d'ingénieur principal et d'ingénieur en chef. / Le grade d'ingénieur en chef comporte deux classes : la classe normale et la classe exceptionnelle. " Par ailleurs, l'article 1er du décret susvisé du 26 février 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux dispose que : " Les ingénieurs territoriaux constituent un cadre d'emplois scientifique et technique de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / Le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux comprend les trois grades suivants : / 1° Ingénieur ; / 2° Ingénieur principal ; / 3° Ingénieur hors classe. ".

8. En l'espèce, et en premier lieu, au point 7 de l'annexe à la délibération qu'il a adoptée le 15 décembre 2003, le conseil municipal de Marseille a fixé le régime indemnitaire de l'ISS en déterminant les modalités d'attribution de celle-ci, notamment pour les ingénieurs territoriaux. A ce titre, ledit conseil municipal a prévu qu'elle serait attribuée individuellement en fonction des missions exercées et de la manière de servir, et il a, en outre, précisé que : " Les attributions individuelles font l'objet d'une modulation entre le montant individuel minimal et maximal. / Le montant individuel minimal se calcule (...) par l'application de 10 % du montant moyen déterminé pour chaque grade ou classe et par application du montant minimum individuel prévu par les textes pour la prime de service et de rendement. Des minorations sont toutefois possibles en fonction des situations individuelles et à l'appui de décisions circonstanciés ". Il résulte ainsi clairement de l'objectif fixé dans cette délibération du 15 décembre 2003 que les attributions individuelles font l'objet d'une modulation en fonction de multiples critères, dont la manière de servir. Les délibérations successives ultérieurement adoptées par le conseil municipal afin de fixer le régime indemnitaire annuel des agents de la commune de Marseille reprennent, s'agissant de l'ISS, le cadre ainsi défini. Dans ces conditions, et alors même que leurs énoncés sont légèrement différents, l'ensemble de ces délibérations successives doit être interprété comme prévoyant que la limite basse du montant individuel de la prime qui peut être allouée correspond à 10 % d'un montant, dit " montant moyen annuel " déterminé pour chaque grade ou classe et calculé par référence aux dispositions applicables aux fonctionnaires de l'Etat à partir d'un taux de base annuel multiplié par un coefficient par grade du cadre d'emploi et un coefficient géographique, permettant une modulation entre 10 % du " montant moyen annuel " et le montant individuel maximal, ce dernier calculé par référence aux textes applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Dès lors, pour un ingénieur en chef de classe normale, dont le coefficient de grade est fixé à 55, avec un coefficient géographique de 1, et alors que le taux de base annuel a été fixé à 357,22 euros, le montant moyen est égal à 19 647,10 euros et le montant individuel minimal s'établit donc à 1 964,71 euros. Par suite, et sans que M. C... puisse utilement se prévaloir de la note de service signée par le directeur général des services le 30 janvier 2012 relative au régime indemnitaire de l'année 2012, le maire de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ou de calcul en fixant le montant minimal de l'ISS à 1 964,71 euros pour les ingénieurs en chef. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, aucune illégalité fautive ne saurait dès lors lui être reprochée à ce titre.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les montants de l'indemnité spécifique de service susceptibles d'être servis peuvent faire l'objet de modulation pour tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique. " L'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 pris pour l'application de ce décret prévoit, pour les ingénieurs divisionnaires des travaux publics de l'Etat, détachés sur l'emploi fonctionnel d'ingénieur en chef des travaux publics de l'Etat du premier ou du deuxième groupe, l'application de coefficients de modulation compris entre 73,5 % et 122,5 % du taux moyen.

10. Comme l'ont relevé là encore à bon droit les premiers juges, ni les dispositions de ce décret du 25 août 2003 et celles de l'arrêté du même jour fixant ses modalités d'application, qui, alors même que la commune de Marseille s'en serait inspirée pour le calcul du " montant annuel moyen " en cause, ce qu'elle avait, au demeurant, entière liberté de faire dans le respect du principe de parité, ne sont applicables qu'aux fonctionnaires de l'Etat, ni les dispositions de la délibération du conseil municipal de Marseille du 15 décembre 2003 et celles des délibérations successives ultérieurement adoptées afin de fixer le régime indemnitaire annuel n'interdisent à l'autorité territoriale de fixer la limite basse du coefficient multiplicateur individuel du montant de référence en deçà du seuil de 0,73 prévu pour un ingénieur en chef des travaux publics de l'Etat par l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003. Par suite, et alors qu'une telle possibilité est ouverte à la commune indépendamment de l'application, à titre exceptionnel, de minorations de l'indemnité en fonction de la manière de servir de l'agent, prévue par ailleurs par l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 précité et reprise par la délibération du 15 décembre 2003, le maire de Marseille n'a pas davantage commis d'illégalité fautive à ce titre et pouvait fixer le coefficient individuel minimal à un niveau inférieur à ceux applicables aux fonctionnaires de l'Etat.

11. En troisième lieu, en vertu des dispositions relatives aux modalités d'application du régime indemnitaire contenues dans les annexes aux délibérations applicables, la modulation à la baisse du régime indemnitaire d'un agent doit être motivée et notifiée à l'intéressé dans le cadre d'un entretien, et précédée d'une proposition de diminution accompagnée d'un rapport circonstancié, reposant sur des faits objectifs et avérés. Mais, cette procédure ne s'applique qu'au cas de l'agent dont les primes baissent d'une année sur l'autre, au même grade. Or, comme l'ont relevé les premiers juges, sur la période en cause, non couverte par la prescription quadriennale, son coefficient individuel a été fixé, de manière constante, à 0,52. Par ailleurs, de telles décisions ne relèvent pas du champ de l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration qui impose la motivation des décisions qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement et, là encore, et en tout état de cause, M. C... ne peut pas utilement se prévaloir de la note du directeur général des services du 30 janvier 2012.

12. En quatrième et dernier lieu, tout en observant que le coefficient de son ISS n'a pas évolué depuis l'année 2015, M. C... reprend en cause d'appel le moyen, déjà invoqué en première instance, tiré de ce que la modulation de ce coefficient ne tient pas compte de sa manière de servir et qu'il aurait dû se voir appliquer un coefficient de modulation individuel de 1 ou, en tout cas, supérieur à celui qui lui a été attribué. Mais, l'appelant n'apportant pas d'éléments probants nouveaux à l'appui de ce moyen, il y a lieu de l'écarter, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 17 de leur jugement attaqué et de considérer que le maire de Marseille ne s'est rendu, à cet égard, responsable d'aucune illégalité fautive.

13. Il s'ensuit qu'en l'absence de toute illégalité fautive, les conclusions indemnitaires présentées par M. C... doivent être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense par la commune de Marseille, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C... ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une quelconque somme à M. C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

17. D'autre part, et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Marseille présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

2

No 22MA00257

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00257
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : JOURNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-11;22ma00257 ?
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