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06/04/2023 | FRANCE | N°21MA01876

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 06 avril 2023, 21MA01876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS DIB et la SCI Over Monte Carlo ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 23 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Beausoleil a procédé au retrait d'une autorisation de transfert du permis de construire délivré le 18 janvier 2006, qu'il estime avoir été accordée de manière tacite le 25 décembre 2019, et refusé de procéder audit transfert au motif pris de la caducité de ce permis de construire, ainsi que d'annuler la décision du 15 avril 2020, par laquelle

le maire de Beausoleil a constaté la caducité dudit permis de construire.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS DIB et la SCI Over Monte Carlo ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 23 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Beausoleil a procédé au retrait d'une autorisation de transfert du permis de construire délivré le 18 janvier 2006, qu'il estime avoir été accordée de manière tacite le 25 décembre 2019, et refusé de procéder audit transfert au motif pris de la caducité de ce permis de construire, ainsi que d'annuler la décision du 15 avril 2020, par laquelle le maire de Beausoleil a constaté la caducité dudit permis de construire.

Par un jugement n° 2001615, 2002297 et 2002250 du 18 mars 2021 le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 12 mai 2021, le 26 août 2021, le 18 octobre 2021 et le 17 décembre 2021, la SCI Over Monte Carlo, représentée par Me Grand d'Esnon puis Me Burtez-Doucede, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Beausoleil la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté du 15 avril 2020 déclarant la caducité du permis de construire :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

S'agissant de l'arrêté du 23 mars 2020 portant retrait du transfert de permis de construire :

- la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en ce que le principe du contradictoire n'a pas été respecté en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le maire a procédé au retrait de la décision de transfert du permis de construire du 18 janvier 2006 plus de trois mois après son édiction, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire délivré le 18 janvier 2006 et prorogé par arrêté du 1er mars 2011 n'est pas atteint de caducité au regard des travaux entrepris sans interruption depuis la déclaration d'ouverture de chantier, de sorte que rien ne s'oppose à son transfert et que son retrait n'est pas justifié ;

- le maire a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié à tort par l'avis du préfet des Alpes-Maritimes.

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 12 mai 2021, le 26 août 2021, le 18 octobre 2021, le 17 décembre 2021, le 7 février 2022 et le 13 avril 2022, la SCI DIB, représentée par Me Grand d'Esnon, Me Burtez-Doucede puis Me Willm, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que la SCI Over Monte Carlo.

Par des mémoires en défense, enregistré le 30 juillet 2021, 25 novembre 2021, 10 février 2022, 14 mars 2022 et le 9 mai 2022, ce dernier mémoire n'étant pas communiqué, la commune de Beausoleil, représentée par Me Lamorlette, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la SAS DIB et la SCI Over Monte Carlo lui verse chacune une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 octobre 2021, la société à responsabilité limitée Resort Club Marketing RCM (SARL Resort Club Marketing RCM), représentée par Me Dmoteng Kouam, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête. Elle demande également qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Beausoleil au titre des frais d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Reboul représentant la SCI Over Monte Carlo, Me Willm représentant la SAS DIB et Me Lamorlette représentant la commune de Beausoleil.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Over Monte Carlo, anciennement dénommée SCI Jasmin, est propriétaire, sur le territoire de la commune de Beausoleil, d'un tènement composé des parcelles cadastrées section AE n° 366, 539, 540, 541, 542 et 617, qui a fait l'objet d'un projet immobilier pour lequel un permis de construire a été délivré le 18 janvier 2006, puis prorogé par arrêté du 1er mars 2011. Dans le cadre d'un litige relatif à l'usage de ces parcelles et opposant la SCI Over Monte Carlo à des créanciers, une procédure de saisie immobilière a été engagée au profit de ces derniers. Avant qu'il soit recouru à l'adjudication, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a autorisé cette société, par un jugement du 17 octobre 2019, à vendre ses terrains à l'amiable. A cette fin, la SCI Over Monte Carlo a entrepris de transférer les éléments du projet immobilier et notamment l'autorisation d'urbanisme à la SAS DIB, société nouvellement créée en vue de faciliter l'opération de cession amiable. La SAS DIB a alors demandé, le 25 octobre 2020, que l'autorisation de construire lui soit transférée. Par un acte en date du 9 décembre 2019, la commune de Beausoleil a indiqué avoir transféré ledit permis à la SAS DIB. Par un arrêté daté du 23 mars 2020, le maire de la commune de Beausoleil a procédé au retrait d'une autorisation de transfert qu'il estime avoir accordée de manière tacite le 25 décembre 2019 et refusé de procéder audit transfert au motif pris de la caducité du permis de construire. Par une décision en date du 15 avril 2020, le maire de Beausoleil a constaté la caducité du permis de construire accordé le 18 janvier 2006. La SAS DIB et la SCI Over Monte Carlo relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 23 mars 2020 et du 15 avril 2020.

Sur l'intervention de la SARL Resort Club Marketing RCM l

2. La SARL Resort Club Marketing RCM a intérêt à l'annulation de l'arrêté du maire de Beausoleil du 15 avril 2020 portant constat de caducité du permis de construire délivré le 18 janvier 2006. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 avril 2020 :

3. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. / Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux ".

4. Pour constater la caducité du permis de construire, le maire de la commune de Beausoleil a estimé que pour exécuter le permis en litige, le pétitionnaire alterne de manière régulière les phases de travaux et les phases d'arrêts. Il relève qu'en huit années, seulement 15 % de la surface hors d'œuvre nette et 8 % de la surface hors d'œuvre brute ont été réalisés et estime que les constats d'huissiers de Me Hauguel ne permettent pas de considérer la poursuite effective du chantier d'une année sur l'autre, en particulier sur la période allant du 22 février 2019 au 21 février 2020.

5. Toutefois et d'une part, la commune de Beausoleil ne conteste pas sérieusement que les travaux d'exécution du permis de construire ont été entrepris dans le délai de trois ans au sens de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme compte tenu des procédures en annulation intentées contre le permis de construire délivré le 18 janvier 2006. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 21 janvier 2019, la commune de Beausoleil indiquait au pétitionnaire que le permis n'avait pas fait l'objet d'acte constatant sa péremption. En se bornant à constater avant cette date la lenteur du chantier sans établir que les travaux auraient été interrompus pour une durée supérieure à un an, elle n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause cette appréciation. La commune soutient par ailleurs que les travaux effectués à compter de 2019 ne peuvent être regardés comme significatifs au regard de l'ampleur du chantier. Elle se prévaut à ce titre des états des lieux dressés entre octobre 2018 et décembre 2019 par un géomètre expert DPLG M. A... qu'elle a mandaté, qui font apparaître que seul l'équivalent d'un étage supplémentaire de l'immeuble E a été réalisé en gros-œuvres, soit 421 mètres carrés en surface hors d'œuvre brute sur 3 742 mètre carrés que compte l'immeuble E et 75 822 mètres carrés que comptent les sept immeubles du projet. Cependant, si ces travaux restent modestes à l'échelle du projet, il ressort également des pièces du dossier que parallèlement à ces travaux de gros œuvre nécessitant la mise en œuvre de moyens matériels importants, le pétitionnaire établit avoir également réalisé des travaux de second œuvre et a ainsi engagé près de 800 000 euros sur le chantier en 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces travaux, qui s'étalent sur plusieurs mois, auraient été entrepris dans le seul but de faire obstacle à la prescription. Par suite, c'est à tort que la commune de Beausoleil a estimé que les travaux entrepris en 2019 devaient être regardés comme non significatifs et n'étaient pas de nature à interrompre le délai de péremption prévu par les dispositions précitées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

6. Il résulte de ce qui précède que le maire de Beausoleil a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme en constatant la caducité du permis de construire délivré le 18 janvier 2006. Les sociétés requérantes sont dès lors fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé d'annuler la décision du 15 avril 2020 constatant la caducité du permis de construire en litige.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 mars 2020 :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la caducité du permis de construire dont la société DIB demandait le transfert n'était pas acquise en novembre 2019, ni même en décembre 2019, date à laquelle le permis de construire a été transféré. Par suite, le maire de Beausoleil ne pouvait par sa décision du 23 mars 2020 retirer la décision de transfert du permis de construire motif pris de la caducité du permis de construire, que cette décision de retrait porte sur la décision de transfert tacite du 25 décembre 2019 ou expresse du 9 décembre 2019.

8. Les sociétés requérantes et la société intervenante sont dès lors fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé d'annuler la décision du 23 mars 2020 retirant la décision de transfert du permis de construire.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation des décisions contestées.

10. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nice doit être annulé dans toutes ses dispositions, ainsi que les décisions en litige.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Beausoleil la somme de 2 000 euros au profit de la SAS DIB et de la SCI Over Monte Carlo prises ensemble au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune de Beausoleil soient mises à la charge des sociétés requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes.

12. La demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Resort Club Marketing RCM qui, en sa qualité d'intervenante, n'est pas partie à l'instance, doit en tout et de cause être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la SARL Resort Club Marketing RCM est admise.

Article 2 : Le jugement n° 2001615, 2002297 et 2002250 du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 3 : La décision du 23 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Beausoleil a procédé au retrait d'une autorisation de transfert qu'il estime avoir accordée de manière tacite le 25 décembre 2019 et la décision du 15 avril 2020, par laquelle le maire de Beausoleil a constaté la caducité du permis de construire accordée le 18 janvier 2006 sont annulées.

Article 4 : La commune de Beausoleil versera une somme de 2 000 euros à la SCI Over Monte Carlo et à la SAS Dib pris ensemble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune de Beausoleil et la SARL Resort Club Marketing RCM sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la SCI Over Monte Carlo, à la SAS Dib, à la SARL Resort Club Marketing RCM et à la commune de Beausoleil.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. Mouret, premier conseiller,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

2

N° 21MA01876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01876
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Transfert.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL CARBONNIER - LAMAZE - RASLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-06;21ma01876 ?
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