La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2023 | FRANCE | N°21MA04584

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 31 mars 2023, 21MA04584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier départemental de Castelluccio a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge de la taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectifs de 95 112 euros, 349 894 euros et 360 209 euros.

Par un jugement n° 1900902 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 nove

mbre 2021 et 25 juillet 2022, le centre hospitalier départemental de Castelluccio, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier départemental de Castelluccio a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge de la taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectifs de 95 112 euros, 349 894 euros et 360 209 euros.

Par un jugement n° 1900902 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2021 et 25 juillet 2022, le centre hospitalier départemental de Castelluccio, représenté par la SELARL Onelaw-Leyton Legal, agissant par Me Malric, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900902 du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision de rejet de l'administration fiscale du 2 mai 2019 ;

3°) de prononcer la décharge de la taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectifs de 95 112 euros, 349 894 euros et 360 209 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les centres hospitaliers universitaires et les établissements associés à la formation des étudiants en médecine peuvent bénéficier, au titre des rémunérations d'une partie de leur personnel, de l'exonération de taxe sur les salaires prévue par l'article 231 du code général des impôts ; le tribunal a fait une interprétation erronée des articles L. 713-4 et L. 713-5 du code de l'éducation ; les centres hospitaliers universitaires et leurs partenaires ont un rôle important dans la formation pratique des étudiants en médecine et remplissent une mission de service public d'enseignement public ; l'établissement partenaire d'un centre hospitalier universitaire, titulaire d'un agrément délivré par l'agence régionale de santé, organise et dispense la formation pratique des étudiants alors que le volet théorique de la formation relève de l'université ;

- il remplit les deux conditions permettant de bénéficier de cette exonération fiscale, dès lors qu'il doit être regardé comme un établissement d'enseignement supérieur visé au livre VII du code de l'éducation et qu'il organise au moins une formation conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat ; la convention relative à l'accueil des internes lui permet, en association avec le centre hospitalier universitaire de Marseille, d'exercer cette mission de formation et de l'organiser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'éducation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier départemental de Castelluccio, dont le siège social est situé à Ajaccio, a été assujetti à la taxe sur les salaires au titre des années 2015 à 2017. Celui-ci a d'abord demandé à bénéficier d'une actualisation du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires afin d'être imposé sur une base réduite. Cette demande a donné lieu à un dégrèvement accordé par l'administration fiscale le 13 juin 2019 à hauteur de 28 684 euros au titre de l'année 2015, 28 695 euros au titre de l'année 2016 et de 29 800 euros au titre de l'année 2017. Le centre hospitalier a par ailleurs demandé, pour ces mêmes années, à bénéficier de l'exonération de taxe sur les salaires sur les rémunérations versées aux étudiants en médecine accueillis en son sein, prévue à l'article 231-1 du code général des impôts. Par une décision du 2 mai 2019, l'administration fiscale a rejeté cette demande aux motifs qu'il n'est pas un établissement d'enseignement supérieur visé au livre VII du code de l'éducation et qu'il n'organise pas de formation conduisant à la délivrance d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat. Le centre hospitalier départemental de Casteluccio relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur les salaires dont il s'est acquitté au titre des années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectifs de 95 112 euros, 349 894 euros et 360 209 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, à l'exception (...) des établissements d'enseignement supérieur visés au livre VII du code de l'éducation qui organisent des formations conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'exonération qu'elles prévoient au profit des établissements d'enseignement supérieur porte sur l'ensemble des rémunérations versées à leur personnel salarié, quelle que soit la fonction exercée, à la condition que ces établissements relèvent du livre VII du code de l'éducation et qu'ils organisent au moins une formation conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat. Par ailleurs, si le bénéfice de l'exonération n'est pas réservé aux seuls établissements délivrant au nom de l'Etat les diplômes sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat, elle reste subordonnée à la condition que l'établissement d'enseignement supérieur qui s'en prévaut organise la formation en cause.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique : " Les établissements publics de santé sont des personnes morales de droit public dotées de l'autonomie administrative et financière. (...) ". Aux termes de l'article L. 6141-2 du même code : " Les centres hospitaliers qui ont une vocation régionale liée à leur haute spécialisation et qui figurent sur une liste établie par décret sont dénommés centres hospitaliers régionaux ; ils assurent en outre les soins courants à la population proche. Les centres hospitaliers régionaux ayant passé une convention au titre du chapitre II du présent titre avec une université comportant une ou plusieurs unités de formation et de recherche médicales, pharmaceutiques ou odontologiques sont dénommés centres hospitaliers universitaires. (...) ". Selon l'article L. 6142-1 du code de la santé publique : " Les centres hospitaliers et universitaires sont des centres de soins où, dans le respect des malades, sont organisés les enseignements publics médical et pharmaceutique et post-universitaire, ainsi que, sans préjudice des attributions des autres établissements de recherche et d'enseignement, la recherche médicale et pharmaceutique et les enseignements para-médicaux ". Aux termes de l'article L. 6142-2 de ce code : " Comme il est dit à l'article L. 632-1 du code de l'éducation, ci après reproduit : / " Les études médicales théoriques et pratiques sont organisées par les unités de formation et de recherche de médecine. Elles doivent permettre aux étudiants de participer effectivement à l'activité hospitalière. / Sous réserve des dispositions de l'article L. 632-2, le régime des études médicales et post-universitaires ainsi que l'organisation de la recherche sont fixés par arrêtés du ministre chargé de l'enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé. En ce qui concerne la recherche, ces arrêtés sont également signés par les ministres intéressés." ". Aux termes de l'article L. 6142-5 du même code " Des conventions peuvent être conclues par les universités et par les centres hospitaliers régionaux, agissant conjointement, avec d'autres établissements de santé ou organismes publics ou privés susceptibles d'être associés aux diverses missions définies à l'article L. 6142-1. ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 713-4 du code de l'éducation : " I.- Par dérogation aux articles L. 712-2, L. 712-3 et L. 712-6-1, les unités de formation et de recherche de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique ou, à défaut, les composantes qui assurent ces formations concluent, conjointement avec les centres hospitaliers régionaux, conformément aux articles L. 713-5 et L. 713-6, et, le cas échéant, avec les centres de lutte contre le cancer et les établissements de santé privés à but non lucratif, conformément à l'article L. 6142-5 du code de la santé publique, les conventions qui ont pour objet de déterminer la structure et les modalités de fonctionnement du centre hospitalier et universitaire. (...). / II. Par dérogation aux articles L. 613-1, L. 712-3 et L. 712-6, l'organisation des enseignements et du contrôle des connaissances est définie par les unités de formation et de recherche de médecine, d'odontologie ou de pharmacie, suivant le cas, puis approuvée par le président de l'université, pour les formations suivantes : 1° Deuxième cycle des études médicales ; 2° Deuxième cycle des études odontologiques ; 3° Formation de pharmacie générale du troisième cycle des études pharmaceutiques. III. La même procédure comportant une proposition commune des unités de formation et de recherche situées, selon le cas, dans la région sanitaire ou dans l'interrégion instituée en application de l'article L. 632-7, est applicable aux formations suivantes : 1° Troisièmes cycles de médecine générale, de médecine spécialisée et de santé publique ; 2° Formations de pharmacie hospitalière, de pharmacie et santé publique et de biologie médicale du troisième cycle des études pharmaceutiques. ". Aux termes de l'article L. 713-5 du même code : " Les centres hospitaliers et universitaires sont organisés conformément aux dispositions des articles L. 6142-1, L. 6142-3 à L. 6142-6, L. 6142-11, L. 6142-13 et L. 6142-17 du code de la santé publique, ci-après reproduites : / (...) ".

6. Le centre hospitalier départemental de Castelluccio soutient qu'il doit être regardé comme un établissement organisant une formation conduisant à la délivrance au nom de l'État d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat au sens des dispositions combinées de l'article 231-1 du code général des impôts et du livre VII du code de l'éducation. Il se prévaut en particulier de la conclusion avec l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, l'unité de formation et de recherche de Marseille et l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur d'une convention relative à l'accueil en stage d'étudiants hospitaliers, internes en médecine, démontrant qu'il est en charge d'une mission de service public d'enseignement. Il souligne également qu'il dispose d'agréments de l'agence régionale de santé lui permettant d'accueillir, aux fins de formation, des étudiants en médecine, et d'organiser, à l'aide de son personnel, leur formation pratique.

7. Toutefois, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier départemental de Castellucio, qui au demeurant n'est pas un centre hospitalier universitaire, présente le caractère d'un établissement public de santé, régi par les dispositions du code de la santé publique. Cette qualification ne saurait lui conférer la qualité d'établissement d'enseignement supérieur visé par le livre VII du code de l'éducation, au sens de l'article 231 du code général des impôts. À cet égard, si le livre VII du code de l'éducation prévoit, dans son article L. 713-4, que les unités de formation et de recherche des universités concluent avec les centres hospitaliers régionaux des conventions portant sur la structure et les modalités de fonctionnement d'un centre hospitalier universitaire, et si l'article L. 713-5 de ce même code reproduit les dispositions du code de la santé publique relatives aux missions d'enseignement et de recherche des centres hospitaliers universitaires, ces dispositions sont étrangères à la qualification juridique d'établissement d'enseignement supérieur au sens des dispositions du livre septième de ce code. La circonstance qu'il dispose d'agréments délivrés par l'agence régionale de santé et qu'il ait conclu la convention précitée conformément aux prévisions de l'article L. 6142-5 du code de la santé publique, ainsi qu'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de santé de Corse ne lui confère pas davantage la qualité d'établissement d'enseignement supérieur. Est également sans incidence la circonstance que les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé déterminent conjointement, sur divers aspects, les modalités de déroulement des études de médecine.

8. Au surplus, si l'appelant joue un rôle important dans la formation pratique des étudiants en médecine, particulièrement des internes, cet hôpital demeure avant tout, selon les termes mêmes de l'article L. 6142-1 de ce code, un centre de soins, dans lequel peuvent être dispensés, dans le cadre de conventions qui sont notamment conclues avec le centre hospitalier universitaire et l'université, des enseignements, qui, en application de l'article L. 6142-2 du même code et de l'article L. 632-1 du code de l'éducation, restent toutefois organisés par les unités de formation et de recherche en médecine. Le centre hospitalier départemental de Castellucio, s'il est amené, en exécution de la convention précitée, à organiser le déroulement de l'activité des étudiants stagiaires en son sein, ne dispose ainsi pas de la mission d'organiser leur formation, qui relève de la seule université, laquelle assure par ailleurs le suivi pédagogique des étudiants et la validation définitive de leur stage.

9. Dans ces conditions, l'appelant n'est fondé à soutenir ni qu'il constitue un établissement d'enseignement supérieur visé au livre VII du code de l'éducation, ni qu'il organise, au sens des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, la formation des étudiants en médecine à laquelle il participe. Par suite, il ne remplit aucune des conditions cumulatives auxquelles est subordonné le bénéfice de l'exonération de taxe sur les salaires, visée par ces mêmes dispositions.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier départemental de Castelluccio n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par le centre hospitalier départemental de Castelluccio au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier départemental de Castelluccio est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier départemental de Castelluccio et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.

2

N° 21MA04584

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04584
Date de la décision : 31/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. - Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP ONELAW

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-31;21ma04584 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award