La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2023 | FRANCE | N°21MA04752

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 28 mars 2023, 21MA04752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le maire de la commune de Marseille a refusé de reconnaître la " rechute " du 14 mai 2018, consécutive à son accident de service du 14 décembre 2015, comme étant imputable au service, et d'enjoindre à la commune de Marseille de reconnaître ses arrêts de travail à compter du 14 mai 2018 comme imputables à cet accident.

Par un jugement n° 1907112 du 6 octobre 2021, le tribunal administ

ratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le maire de la commune de Marseille a refusé de reconnaître la " rechute " du 14 mai 2018, consécutive à son accident de service du 14 décembre 2015, comme étant imputable au service, et d'enjoindre à la commune de Marseille de reconnaître ses arrêts de travail à compter du 14 mai 2018 comme imputables à cet accident.

Par un jugement n° 1907112 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Germe, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 6 octobre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 18 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Marseille de reconnaître l'imputabilité à l'accident de service du 14 décembre 2015, de sa rechute et de sa pathologie du mois de

mai 2018, dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, dès lors, d'une part, que l'existence d'un état antérieur ne permet d'écarter l'imputabilité que lorsqu'il a été, à lui seul, de nature à déterminer l'incapacité de l'intéressé, d'autre part, que le requérant a remis utilement en cause les appréciations portées sur son cas par le médecin-expert et enfin, qu'il ne souffrait d'aucune pathologie avant son accident de service, son poste de travail n'étant pas par ailleurs adapté à son handicap malgré ses avertissements.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 13 janvier 2022.

Le 27 juin 2022, la commune de Marseille a été mise en demeure de produire des observations en défense dans un délai d'un mois, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 30 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 décembre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Collet, substituant Me Germe, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., adjoint technique territorial exerçant les fonctions de peintre-vitrier à la division technique régie Sud de la commune de Marseille, a été victime le 14 décembre 2015 d'une chute qui lui a causé un traumatisme lombaire, ainsi que des blessures à l'épaule droite et au genou gauche et qui a été reconnue imputable au service par décision du directeur des ressources humaines de Marseille du 21 novembre 2016, fixant la date de consolidation de son état de santé au 9 septembre 2016. Par une décision du 18 juin 2019, prise sur avis défavorable de la commission de réforme du 6 juin 2019, le maire de la commune de Marseille a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des séquelles de l'accident de service du 14 décembre 2015 présentées par M. C... depuis le 14 mai 2018. Par un jugement du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... qu'il a vue comme tendant à l'annulation de cette décision, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Marseille de reconnaître ses arrêts de travail à compter du 14 mai 2018 comme imputables à son accident de service du 14 décembre 2015 et à la condamnation de la commune à réparer son préjudice moral. Compte tenu de son argumentation, M. C... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses deux premières conclusions.

Sur l'acquiescement aux faits :

2. En vertu de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire dans le cadre de l'instruction n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti à cet effet, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel peut lui adresser une mise en demeure. L'article R. 612-6 du même code dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérants ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. La circonstance que la partie défenderesse a déjà produit un mémoire en première instance est sans influence sur l'application, par le juge d'appel, de la règle ainsi posée, dès lors que cette partie n'a pas contesté les allégations du requérant en appel.

3. Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 27 juin 2022, la commune de Marseille n'a pas produit de mémoire. Elle est ainsi réputée avoir acquiescé aux faits exposés par M. C... dont l'inexactitude ne résulte pas des pièces du dossier, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la commune avait déjà produit un mémoire en défense devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur l'objet de la décision en litige :

4. Il ressort des énonciations mêmes de la décision en litige que le maire de la commune de Marseille, saisi d'une demande en ce sens par M. C... le 14 mai 2018, ne s'est prononcé, à l'instar de la commission de réforme le 6 juin 2019, que sur l'imputabilité au service, au titre d'une " rechute " de l'accident de service du 14 décembre 2015, de la gonarthrose bilatérale du genou gauche dont il souffre et qui a conduit à la pose d'une prothèse totale du genou le 14 mai 2018, et non sur l'imputabilité d'une limitation fonctionnelle persistante des mouvements de l'épaule droite, avec une douleur chronique. Si, par ailleurs, s'agissant de cette seconde affection, M. C... produit au dossier d'instance la déclaration de maladie professionnelle signée le 8 mars 2019, dont il ne résulte pas des pièces du dossier qu'elle aurait été reçue par son employeur, il est constant que l'intéressé ne sollicite pas l'annulation d'un refus tacite, né du silence gardé par la commune de Marseille sur cette demande, de faire droit à celle-ci.

5. Par suite, à les supposer articulés, les moyens de M. C... tendant à remettre en cause le refus d'imputabilité au service des séquelles présentées à l'épaule droite sont sans incidence sur la solution du litige.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. Contrairement à ce que prétend la commune de Marseille devant le tribunal, et ainsi que l'a considéré celui-ci, la demande présentée par M. C..., qui était assortie de moyens suffisamment précis, devait être regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son affection au genou gauche. Elle n'était donc pas irrecevable comme dépourvue de conclusions et de moyens.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable : " si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. ".

8. Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 est subordonné non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec l'accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

9. Par décision du 21 novembre 2016, le directeur des ressources humaines de la commune de Marseille a, d'une part, déclaré imputable au service l'accident dont M. C... a été victime en service le 14 décembre 2015 et qui lui a causé un traumatisme lombaire, ainsi que des blessures au genou gauche et à l'épaule droite et, d'autre part, fixé la date de consolidation de son état de santé au 9 septembre 2016. Si le médecin expert, spécialiste en orthopédie, a considéré dans son avis technique du 27 juillet 2018 que la pathologie de M. C..., qui consiste en une gonarthrose bilatérale du genou gauche, constitue un état préexistant qui évolue pour son propre compte, a conclu à l'absence de " relation certaine et déterminante " entre l'accident du 14 décembre 2015 et cette affection, mais n'a donc pas écarté tout lien de causalité, il résulte du certificat du médecin traitant de l'intéressé, du 11 avril 2019, que contrairement aux indications du médecin expert, M. C... avait repris le travail le 27 mai 2016 malgré une douleur persistante et que les séquelles de l'accident de service avaient été alors considérées comme consolidées, avec la mention d'une possible rechute, liée notamment à la fragilité du genou gauche. Ce même certificat médical précise que l'aggravation progressive de son état de santé s'est manifestée dans les derniers mois de travail et explique l'opération chirurgicale du 14 mai 2018 de pose d'une prothèse totale du genou gauche. Dans ces conditions qui font apparaître une contradiction sérieuse entre les documents médicaux joints au dossier d'instance, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la commune de Marseille est réputée avoir acquiescé aux faits exposés par M. C... et non contredits par les pièces du dossier, la Cour ne peut en l'état de l'instruction se prononcer en toute connaissance de cause sur l'imputabilité au service de l'affection de cet agent concernant son genou gauche. Il y a donc lieu, avant dire droit sur les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 18 juin 2019 et à ce qu'il soit enjoint au maire de Marseille de reconnaître l'imputabilité de cette pathologie à l'accident de service du 14 décembre 2015, de procéder à une expertise médicale, dans les conditions définies à l'article 1er du dispositif ci-après, tous droits et moyens de M. C... sur lesquels il n'est ainsi pas expressément statué étant réservés jusqu'en fin d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 octobre 2021 et de la décision du 18 juin 2019 par laquelle le maire de la commune de Marseille a refusé de reconnaître la " rechute " du 14 mai 2018, postérieure à son accident de service du 14 décembre 2015, comme étant imputable au service, procédé à une expertise. L'expert, spécialiste en orthopédie, qui sera désigné par la présidente de la Cour, aura pour mission de :

1°) se faire communiquer les dossiers et tous documents relatifs à la pathologie de M. C... mentionnée au point 9 ;

2°) décrire la date d'apparition et l'évolution de la gonarthrose bilatérale du genou gauche ;

3°) dire si cette affection a pour cause directe et certaine l'accident de service du 14 décembre 2015 dont M. C... a été victime, en précisant les raisons qui le conduisent, le cas échéant, à retenir ce lien de causalité, ou, au contraire, à l'exclure ;

4°) dire s'il résulte de cette affection une incapacité partielle, temporaire ou permanente et en déterminer le taux ;

5°) s'il y a lieu, faire toutes autres constatations propres à faciliter l'accomplissement de la mission et annexer au rapport tout document utile.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. Il déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires dans le délai fixé par la présidente de la Cour. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception par les parties de leur exemplaire du rapport.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

N° 21MA047522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04752
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GERME

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-28;21ma04752 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award