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28/03/2023 | FRANCE | N°21MA01916

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 28 mars 2023, 21MA01916


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Pharmacie Gattuso a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a autorisé le transfert de l'officine exploitée par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Principale du 13 rue de la République au 868 avenue Pierre-Brossolette, à Draguignan (83300), ensemble les décisions impl

icites portant rejet de ses recours gracieux et hiérarchique, et de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Pharmacie Gattuso a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a autorisé le transfert de l'officine exploitée par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Principale du 13 rue de la République au 868 avenue Pierre-Brossolette, à Draguignan (83300), ensemble les décisions implicites portant rejet de ses recours gracieux et hiérarchique, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2100324 du 25 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a, par application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 16 septembre 2021, la SARL Pharmacie Gattuso, représentée par Me Pradeau-Izard, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2021 et de renvoyer les parties devant cette juridiction pour qu'il y soit statué sur sa demande ;

2°) à titre subsidiaire, et en cas d'évocation, d'annuler cette même ordonnance, ensemble la décision du directeur général de l'ARS PACA du 7 août 2020 ainsi que les décisions implicites portant rejet de ses recours gracieux et hiérarchique ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Sur l'annulation de l'ordonnance attaquée :

. c'est sans l'avoir invitée à régulariser sa demande de première instance et sans avoir sollicité ses observations sur les conséquences que pouvaient entraîner le transfert de l'officine exploitée par la SELARL Pharmacie Principale sur sa propre activité, que le tribunal administratif de Toulon a fait application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; cette ordonnance est ainsi entachée d'une irrégularité ;

. si, par extraordinaire, la Cour venait à retenir que le défaut d'intérêt à agir serait au nombre des irrecevabilités non susceptibles d'être couvertes en cours d'instance par application de ce 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, elle pourra constater que, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal administratif de Toulon, elle justifie bien d'une qualité lui donnant intérêt à agir ;

- en tout état de cause, sur l'illégalité des décisions contestées :

. la décision du directeur général de l'ARS PACA du 7 août 2020 est entachée du vice d'incompétence ;

. cette décision du 7 août 2020 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle est à ce titre illégale et il en est de même des décisions implicites de refus nées consécutivement à ses recours gracieux et hiérarchique ;

. cette décision du 7 août 2020 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 5125-2 du code de la santé publique et est ainsi entachée d'un vice de procédure : l'absence de mention, dans cette décision, de la date de réception des demandes d'avis requis, de la date de présentation et d'enregistrement desdits avis, et des mentions de prorogations des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, fait obstacle au contrôle de la régularité de l'instruction de la demande de transfert ; par la seule production d'un bordereau d'envoi établi par elle-même et qui n'est pas signée par les personnes qui y sont visées, l'ARS ne démontre pas avoir effectivement saisi les syndicats de pharmaciens du Var ; les dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période étaient bien applicables en l'espèce ; à la date de la décision contestée, l'avis des syndicats de pharmaciens ne pouvait pas être regardé comme ayant été rendu ; cette décision est à ce titre illégale et il en est de même des décisions implicites de refus nées consécutivement à ses recours gracieux et hiérarchique ;

. la désignation du quartier d'accueil dans cette décision contestée du 7 août 2020 est matériellement erronée ; or, cette erreur a déterminé le sens de cette décision dès lors que l'offre de produits de soins disponible dans le quartier d'accueil, et en particulier l'existence d'autres pharmacies, n'a pas été correctement évaluée ;

. définir les quartiers d'origine et d'accueil sans exposer en quoi, et sur quels critères objectifs ces quartiers constitueraient des unités géographiques et humaines, constitue une erreur de droit ;

. les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation commise par le directeur général de l'ARS PACA au regard des dispositions des articles L. 5125-3, L. 5125-3-1 et L. 5125-3-2 du code de la santé publique ainsi que d'erreurs manifestes d'appréciation des besoins de la population résidente dans le quartier d'accueil, de l'impact du transfert litigieux sur l'approvisionnement en médicaments de la commune de Draguignan et du quartier d'origine.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet et 7 octobre 2021, la SELARL Pharmacie Principale, représentée par Me Lafont, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance soient mis à la charge de la SARL Pharmacie Gattuso.

Elle fait valoir que :

- la Cour devra confirmer l'ordonnance attaquée du 25 mars 2021 :

. l'irrecevabilité constatée par le premier juge et tirée de l'absence d'intérêt pour agir n'était pas régularisable ;

. le tribunal administratif de Toulon n'a commis aucune erreur d'appréciation et il a jugé, à bon droit, que l'implantation de la pharmacie exploitée par la SARL Gattuso sur la même commune que la sienne ne suffisait pas à caractériser l'intérêt à agir de cette dernière ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, le directeur général de l'ARS PACA conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- si, par extraordinaire, la Cour venait à retenir que le défaut d'intérêt à agir serait au nombre des irrecevabilités non susceptibles d'être couvertes en cours d'instance par application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, elle pourra néanmoins constater que " la SARL pharmacie Gattuso justifie bien d'une qualité lui donnant intérêt à agir " ;

" en l'espèce, le requérant ne justifie aucunement son intérêt pour agir " ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un nouveau mémoire complémentaire, enregistré le 21 octobre 2021 et non communiqué, la SARL Pharmacie Gattuso, représentée par Me Pradeau-Izard, conclut aux mêmes fins que dans sa requête et son premier mémoire susvisés, par les mêmes moyens.

La procédure a été communiquée au ministre de la santé et de la prévention qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 8 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2021, à 12 heures.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la Cour a demandé, le 23 février 2023, au directeur général de l'ARS PACA de produire tous éléments permettant de justifier des dates de réception par le syndicat des pharmaciens du Var et l'union syndicale des pharmaciens d'officines du dossier complet de la demande d'autorisation de transfert présentée par la SELARL Pharmacie Principale qu'il a dû leur transmettre pour avis, conformément aux dispositions de l'article R. 5125-2 du code de la santé publique.

Des pièces ont été produites, le 2 mars 2023, par le directeur général de l'ARS PACA, en réponse à cette mesure d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie Principale a sollicité, par une demande reçue le 24 mars 2020 et enregistrée par le directeur général de l'ARS PACA le 1er avril suivant, l'autorisation de transférer son officine du 13 rue de la République, à Draguignan, au 868 avenue Pierre-Brossolette, sur le territoire de la même commune. Par une décision du 7 août 2020, le directeur général de l'ARS PACA a autorisé ce transfert. La SARL Pharmacie Gattuso, exploitant une officine de pharmacie sous l'enseigne " Pharmacie Saint-Jaume ", a alors formé, par deux courriers du 15 octobre 2020, un recours gracieux et un recours hiérarchique contre cette décision, respectivement adressés au directeur général de l'ARS PACA et au ministre chargé de la santé. Du silence gardé sur ces recours, des décisions implicites de rejet sont nées. La SARL Gattuso relève appel de l'ordonnance du 25 mars 2021 par laquelle le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a, par application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 7 août 2020 et de ces deux décisions implicites de rejet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2021 :

2. Aux termes de R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Et l'article R. 612-1 du même code dispose que : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (...) ".

3. Il en résulte que les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré (Conseil d'Etat, 14 octobre 2015, n° 374850, B).

4. Par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté comme manifestement irrecevable la demande présentée pour la SARL Pharmacie Gattuso, sans même attendre l'expiration du délai qu'il avait donné à

l'ARS PACA et à la SELARL Pharmacie Principale pour présenter des observations en réponse à la communication de cette demande, au motif que cette société ne justifiait pas d'un intérêt pour agir. Toutefois, la SARL Pharmacie Gattuso étant alors encore susceptible de justifier d'une qualité au titre de laquelle elle avait intérêt pour agir ou d'apporter des éléments de nature à démontrer qu'elle avait intérêt pour agir, cette irrecevabilité ne pouvait être regardée comme insusceptible d'être couverte et elle devait donc donner lieu à une demande de régularisation avant de pouvoir faire l'objet, le cas échéant, d'une ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Or, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon n'a pas, préalablement à la signature de son ordonnance attaquée, invité la société appelante à régulariser sa demande de première instance. Ledit magistrat a donc entaché d'une irrégularité cette ordonnance, laquelle doit dès lors être annulée.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Pharmacie Gattuso devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. En premier lieu, par un arrêté n° R93-2020-03-30-001 du 30 mars 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° R93-2020-037 du 1er avril 2020, accessible tant au juge qu'aux parties sur le site Internet de la préfecture et des services de l'Etat en région PACA, le directeur général de l'ARS PACA a donné délégation à M. B... C..., directeur général adjoint et signataire de la décision du 7 août 2020, en son d'absence ou s'il devait être empêché, à l'effet de signer, " tous actes et décisions relevant des missions et compétences de l'agence y compris ceux engageant financièrement l'agence, à l'exception des actes suivants : / - les arrêtés définissant et révisant les territoires de démocratie sanitaire et zones prévus à l'article L. 1434-9 du code de la santé publique ; / - les décisions arrêtant et révisant le projet régional de santé et ses composantes (cadre d'orientation stratégique, schéma régional de santé, programme relatif à l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies) suivant les articles L. 1434-1 et 2 et R. 1434-1 du code de la santé publique ; / - les décisions arrêtant et révisant le schéma interrégional de santé prévu à l'article R. 1434-10 du code de la santé publique. " Par suite, et alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que le directeur général de l'ARS PACA n'était pas absent ou empêché à la date d'édiction de cette décision contestée, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

8. La décision contestée du 7 août 2020 comporte la signature, ainsi que le prénom, le nom et la qualité de son signataire, précédés de la mention " Philippe de Mester / Pour le directeur général de l'ARS PACA / et par délégation ". Dans ces conditions, son signataire peut être identifié sans ambiguïté et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'également être écarté comme manquant en fait.

9. En troisième lieu, selon l'article R. 5125-2 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé du lieu où l'exploitation est envisagée transmet pour avis le dossier complet de la demande prévue au I de l'article R. 5125-1 au conseil compétent de l'ordre national des pharmaciens, ainsi qu'au représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale. (...) / A défaut de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'avis, l'avis est réputé rendu. " Mais, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie (Conseil d'Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, n° 335033, A).

10. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que les instances mentionnées à l'article R. 5125-2 du code de la santé publique se sont vues adressées, par le directeur général de l'ARS PACA, la demande de transfert en litige, le 1er avril 2020. Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'officine PACA-Corse a émis un avis défavorable le 14 mai 2020, tandis que le syndicat des pharmaciens du Var, pour la fédération des syndicats pharmaceutiques de France PACA, s'est expressément prononcé le 23 juin suivant, soit préalablement à l'édiction de la décision contestée du 7 août 2020. Malgré une mesure d'instruction, l'ARS PACA n'a pas justifié de la date de réception du dossier de la demande de transfert par l'union syndicale des pharmaciens d'officines du Var. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et alors qu'il est ainsi établi qu'au moins un des syndicats représentatifs de la profession a régulièrement été saisi et que la décision contestée a été rendue malgré l'avis défavorable précité du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'officine PACA-Corse, l'absence de preuve d'une consultation de la seule union syndicale des pharmaciens d'officines du Var a été sans incidence sur le sens de cette décision et n'a pas davantage privé les intéressés d'une garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté dans toutes ses branches ci-dessus analysées.

11. En quatrième lieu, selon l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. (...) ".

12. Conformément à ces dispositions, avec suffisamment de précision et sans entacher à ce titre sa décision contestée du 7 août 2020 d'une erreur de droit, le directeur général de l'ARS PACA a défini, comme quartier d'accueil, le " quartier Cerisaie-Pont d'Aups-Sainte-Cil-Beaussaret délimité au nord par la limite communale, à l'est par la D 955, au sud par la D 557 et à l'ouest par les limites communales ". Alors que, contrairement à ce que soutient la SARL Pharmacie Gattuso, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des documents photographiques et cartographiques qui y sont joints, que le quartier ainsi défini ne présenterait pas une unité géographique et humaine, le directeur général de l'ARS PACA n'était à cet égard pas tenu par les délimitations des zones dénommées " îlots regroupés pour l'information statistique " (IRIS), lesquelles constituent des unités de base pour le recueil des données statistiques par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

A vocation statistique, un IRIS n'a en effet ni pour objet, ni pour effet, de donner une unité géographique et humaine à la zone qu'il comprend et ne peut être regardé comme délimitant en soi des quartiers distincts. Est donc sans influence la circonstance que, bien que le secteur ainsi décrit par le directeur général de l'ARS PACA s'inscrive essentiellement dans la zone IRIS n° 111 " Cerisaie Pont d'Aups-Sainte-Cile-Beaussaret ", le lieu du transfert est inclus, d'un strict point de vue géographique, dans la partie septentrionale de la zone IRIS n° 106 " Fournas Incapis-ZA Saint-Hermantaire " sur la base de laquelle le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'officine PACA-Corse s'est fondé pour émettre son avis susmentionné du 14 mai 2020. La décision contestée du 7 août 2020 n'est donc pas entachée d'une erreur matérielle. Ce moyen doit, par suite, être écarté, tout comme celui tiré de l'erreur de droit.

13. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ". Selon l'article L. 5125-3-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : / 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; / 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; / 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs. "

14. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable. L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine (Conseil d'Etat, 10 février 2010, n° 324109, B).

15. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le centre-ville de la commune de Draguignan, quartier dans lequel se situe l'emplacement d'origine de la pharmacie Principale, comporte plusieurs pharmacies, dont trois sont accessibles par voie piétonnière et situées à moins de 350 mètres de cet emplacement d'origine. Sans que, là encore, elle ne puisse utilement se prévaloir du seul maillage des différentes zones IRIS, la SARL Pharmacie Gattuso n'est dès lors pas fondée à soutenir que le transfert litigieux compromettrait l'approvisionnement en médicaments de la population résidente du quartier d'origine.

16. D'autre part, le transfert de l'officine exploitée par la SELARL Pharmacie Principale a été autorisé, par la décision contestée du directeur général de l'ARS PACA du 7 août 2020, au 868 avenue Pierre-Brossolette, au pied d'un secteur qui correspond au quart nord-ouest de la commune de Draguignan et qui recouvre largement les délimitations de la zone IRIS n° 111 " Cerisaie Pont d'Aups-Sainte-Cile-Beaussaret " qu'elle a vocation à desservir. Il ressort des pièces du dossier que, si ce secteur comporte une population résidante estimée à environ 3 000 habitants, il ne comprend aucune officine de pharmacie. A cet égard, dans son avis du 23 juin 2020, le syndicat des pharmaciens du Var, pour la fédération des syndicats pharmaceutiques de France PACA, observe que " le déplacement d'une pharmacie du centre ancien vers la sortie ouest de la ville où on peut facilement déterminer un quartier sans officine est une bonne initiative qui améliore l'approvisionnement en médicament de la partie ouest de la ville ". En outre, l'accès au nouveau local de l'officine est visible et est facilité par des aménagements piétonniers, des stationnements et sa desserte est aisée notamment grâce aux transports en commun. Il n'est par ailleurs pas contesté que, comme il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal de la commission communale d'accessibilité aux personnes handicapées du 4 septembre 2019, ce nouveau local remplit les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation requises. La seule circonstance que la parcelle sur laquelle est implanté ce local est classée, à l'instar au demeurant de toute la zone commerciale adjacente, en zone rouge du plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI), n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer qu'elle l'empêcherait de remplir les missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique, ni de garantir un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence, ou encore de stocker les médicaments listés à l'article L. 5132-1 du même code. Aussi, est visé, dans la décision du directeur général de l'ARS PACA du 7 août 2020, sans être aucunement contesté par l'appelante, l'avis émis le 8 mai 2020 par le pharmacien inspecteur de santé publique de l'ARS PACA, lequel a estimé que ce local remplissait les conditions minimales d'installation prévues par les articles R. 5125-8 et R. 5125-9 du code de la santé publique, permettait la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du même code et qu'il garantissait un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence. De même, dans son avis du 15 mai 2020, pourtant défavorable à la demande de transfert litigieuse, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'officine PACA-Corse a indiqué que : " Ce local garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet d'assurer un service de garde ou d'urgence ". Dans ces conditions, le directeur général de l'ARS PACA a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, estimer qu'en l'espèce, le transfert de l'officine en cause permettait de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée en défense et tirée de son défaut d'intérêt pour agir, la SARL Pharmacie Gattuso n'est pas fondée à demander l'annulation tant de la décision du directeur général de l'ARS PACA du 7 août 2020 que des décisions implicites portant rejet de ses recours gracieux et hiérarchique.

Sur les dépens :

18. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la SELARL Pharmacie Principale tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de la SARL Gattuso ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les autres frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

20. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Gattuso sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

21. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Gattuso la somme de 2 000 euros à verser à la SELARL Pharmacie Principale.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2100324 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2021 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Gattuso devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : La SARL Gattuso versera à la SELARL Pharmacie Principale une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Pharmacie Gattuso, au ministre de la santé et de la prévention, et à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Principale.

Copie en sera adressée au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

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No 21MA01916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01916
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Absence d'intérêt.

Professions - charges et offices - Conditions d'exercice des professions - Pharmaciens - Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP LES AVOCATS IZARD et PRADEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-28;21ma01916 ?
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