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28/03/2023 | FRANCE | N°21MA00627

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 28 mars 2023, 21MA00627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 du ministre de l'intérieur la mettant à disposition du préfet des Bouches-du-Rhône pour exercer les fonctions de déléguée du préfet sur le territoire des communes de Marignane (quartiers centre-ville et Florida parc) et de Vitrolles (quartier secteur centre et la Frescoule) pour une durée de trois ans à compter du 1er novembre 2017 ainsi que la décision du minis

tre de l'intérieur du 18 avril 2018 rejetant son recours gracieux, et, d'autr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 du ministre de l'intérieur la mettant à disposition du préfet des Bouches-du-Rhône pour exercer les fonctions de déléguée du préfet sur le territoire des communes de Marignane (quartiers centre-ville et Florida parc) et de Vitrolles (quartier secteur centre et la Frescoule) pour une durée de trois ans à compter du 1er novembre 2017 ainsi que la décision du ministre de l'intérieur du 18 avril 2018 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, d'annuler la décision du 31 octobre 2018 portant rupture anticipée de la convention de mise à disposition conclue entre le préfet des Bouches-du-Rhône et le ministre de l'intérieur, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1804825, 1810698 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2021, Mme C... B..., représentée par Me Lucchini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804825, 1810698 du 14 décembre 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté de mise à disposition du 19 mars 2018 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 19 mars 2018 ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre un nouvel arrêté conforme aux dispositions de l'article 41 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 sous astreinte ;

5°) d'annuler la décision du 31 octobre 2018 portant rupture anticipée de la convention de mise à disposition ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la rupture anticipée de sa convention de mise à disposition exclusivement en raison de son état de santé ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté de mise à disposition du 19 mars 2018 méconnaît l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat et ne respecte pas les engagements qui avaient été pris par l'administration au titre de sa rémunération ;

- cet arrêté a un effet rétroactif dès lors qu'il a été pris plus de quatre mois après la mise à disposition effective, qu'il n'est pas recognitif et qu'il n'a pas permis de régulariser une situation ;

- l'arrêté ne respecte pas les considérations financières pourtant fixées de façon claire par la convention de mise à disposition et la notice financière ;

- l'arrêté indique de manière erronée qu'elle a été réintégrée dans son corps d'origine alors qu'elle ne l'a jamais quitté dans la mesure où elle a juste été réintégrée dans son grade à la fin de son détachement dans l'emploi de commandant divisionnaire ;

- par conséquent, la mise à disposition devait conserver la rémunération correspondant à cet emploi comme le précisent les dispositions de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 ;

- l'Etat sera condamné à lui verser en réparation du préjudice subi du fait de cette illégalité fautive engageant sa responsabilité la somme de 75 000 euros ;

- la décision du 31 octobre 2018 portant rupture anticipée de la convention de mise à disposition est intervenue en méconnaissance du principe de non-discrimination et du principe d'égalité dès lors qu'aucun motif relatif à l'intérêt général ou bien du service n'a été évoqué ; cette décision a été prise uniquement en raison de son état de santé, qui est le résultat d'un harcèlement mis en place dans son ancienne administration à Bordeaux et qui s'est poursuivi lors de sa mise à disposition à la préfecture des Bouches-du-Rhône ;

- elle a subi un préjudice moral important qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 5 000 euros.

Par ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 décembre 2022 à 12 heures.

Un mémoire en défense, présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, enregistré le 8 mars 2023 après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ;

- le décret n° 2017-217 du 20 février 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a intégré la fonction publique de l'Etat le 1er octobre 1985 en qualité d'élève inspecteur de police. Titularisée le 1er novembre 1987, elle a été promue au grade de commandant de police le 1er juin 2010 et nommée, par arrêté du 16 septembre 2014, sur un emploi fonctionnel de commandant divisionnaire au sein de la direction zonale de la sécurité intérieure de Bordeaux. Au cours de l'année 2017, Mme B... a présenté sa candidature pour le poste de délégué du préfet dans le quartier prioritaire de la politique de la ville de Marignane (quartier centre-ville et Florida parc) et de Vitrolles (quartier secteur centre et la Frescoule), laquelle a été acceptée par courrier du 22 août 2017 du préfet délégué pour l'égalité des chances. A la suite de la signature, le 10 novembre 2017, d'une convention de mise à disposition entre le Premier ministre, représenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, et le ministre de l'intérieur, ce dernier, par un arrêté du 19 mars 2018, a mis fin au détachement de Mme B... dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel à compter du 1er novembre 2017 et, à compter de cette même date, l'a reclassée au cinquième échelon du grade de commandant de police et l'a mise à disposition auprès du préfet des Bouches-du-Rhône jusqu'au 31 octobre 2020 inclus. Il a toutefois été mis fin de manière anticipée à la mise à disposition de Mme B... par courrier du 31 octobre 2018 de la préfète déléguée pour l'égalité des chances. Par un jugement du

14 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2018 et de la décision du 31 octobre 2018 ainsi qu'à l'indemnisation de ses préjudices. Il s'agit du jugement dont Mme B... relève appel dans la présente instance.

Sur la légalité de l'arrêté de mise à disposition du 19 mars 2018 :

2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. / Elle ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil. (...). ". L'article 6 de la convention du 10 novembre 2017 portant mise à disposition de Mme B... stipule que l'intéressée " continuera de percevoir (...) le traitement et les indemnités auxquelles elle peut prétendre dans son corps d'origine (hors primes fonctionnelles) (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale, dans sa version applicable au litige : " Le corps de commandement de la police nationale comprend trois grades : /

1° Capitaine de police, qui comporte un échelon d'élève, un échelon de stagiaire, dix échelons et un échelon exceptionnel. (...) / 2° Commandant de police, qui comporte cinq échelons ; / 3° Commandant divisionnaire, qui comporte trois échelons et un échelon spécial. ". Aux termes du I de l'article 16 de ce décret : " Peuvent être inscrits au tableau d'avancement pour l'accès au grade de commandant divisionnaire les commandants de police ayant atteint au moins le

5e échelon de leur grade, ayant accompli une mobilité fonctionnelle ou géographique en tant que commandant et ayant, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement est établi, exercé six années de détachement dans un emploi fonctionnel de commandant de police. / La période d'occupation d'un emploi fonctionnel du corps de commandement de la police nationale régi par les dispositions du présent article, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2017-216 du 20 février 2017 modifiant le décret n° 2005-716 du

29 janvier 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale, est prise en compte pour l'application des dispositions du précédent alinéa. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-217 du 20 février 2017 relatif à l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel de la police nationale, entré en vigueur le 1er mars 2017 : " Le présent décret fixe les missions exercées par les fonctionnaires détachés dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel ainsi que les conditions de nomination dans cet emploi. ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " Peuvent être nommés dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel : / 1° Les commandants de police justifiant de deux ans d'ancienneté dans leur grade et comptant au moins un an d'ancienneté dans le 3e échelon ; (...) ". Selon l'article 8 dudit décret : " La nomination dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel est prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur, pour une durée maximale de quatre ans renouvelable, sans que la durée totale dans un même emploi puisse excéder huit ans. (...) ". Enfin, en vertu de l'article 9 de ce décret : " L'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel peut être retiré dans l'intérêt du service. ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'accès à l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel de la police nationale ne peut être réalisé, depuis le 1er mars 2017, que par la voie du détachement et que ce détachement, réservé aux officiers de police ayant atteint le grade de commandant divisionnaire, ou le grade de commandant de police justifiant de deux ans d'ancienneté dans ce grade et comptant au moins un an d'ancienneté dans le troisième échelon, et auquel il peut être mis fin à tout moment dans l'intérêt du service, est d'une durée limitée à quatre années renouvelable une seule fois. Il en résulte qu'à la fin du détachement d'un officier de police sur un emploi de commandant divisionnaire fonctionnel, celui-ci doit nécessairement être affecté sur un emploi correspond au grade qu'il détient dans son corps d'origine, et ce y compris dans l'hypothèse où, dès la fin de son détachement sur l'emploi fonctionnel de commandant divisionnaire, il bénéficie d'une mise à disposition en application de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 16 septembre 2014, Mme B..., alors titulaire du grade de commandant de police au cinquième échelon correspondant à l'indice brut 909 et l'indice majoré 740, a été nommée sur un emploi fonctionnel de commandant divisionnaire à l'indice brut 975 et à l'indice majoré 790. Pour tenir compte de la réforme ayant résulté des dispositions citées au point 3 du décret du 20 février 2017 relatif à l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel de la police nationale, entrées en vigueur le 1er mars 2017, le ministre de l'intérieur a, par arrêté du 5 décembre 2017, régularisé la situation de Mme B..., déjà affectée, ainsi qu'il vient d'être dit, sur un emploi de commandant fonctionnel de commandant divisionnaire, en prononçant rétroactivement son détachement sur cet emploi fonctionnel en application de l'article 1er du décret, à compter du 1er mars 2017. Il en résulte que, pour prononcer la mise à disposition de l'intéressée auprès du préfet des Bouches-du-Rhône à compter du 1er novembre 2017, le ministre de l'intérieur devait nécessairement mettre fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de commissaire divisionnaire à cette même date et, ce faisant, prononcer sa réintégration dans son grade de commandant de police, au cinquième échelon de ce grade, lequel constitue l'échelon le plus élevé dudit grade, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas allégué, qu'à la date de l'arrêté attaqué portant fin de détachement, réintégration dans le grade d'origine et mise à disposition du préfet des Bouches-du-Rhône, Mme B... remplissait les conditions fixées par le I de

l'article 16 du décret du 29 juin 2005 portant statut particulier du corps de commandement de la police nationale permettant son inscription au tableau d'avancement au grade de commandant divisionnaire. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit ni méconnaître les dispositions de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984, ni d'ailleurs les stipulations de la convention de mise à disposition conclue le 10 novembre 2017 entre le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, que, par cet arrêté, le ministre de l'intérieur a réintégré Mme B... au cinquième échelon du grade de commandant de police, à l'indice brut 909 et à l'indice majoré 740 résultant de la grille indiciaire applicable.

6. En second lieu, si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration peut, en dérogation à cette règle, leur conférer une portée rétroactive dans la stricte mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.

7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 qu'en prononçant, par l'arrêté du 19 mars 2018 attaqué, la fin du détachement de Mme B... sur l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel de la police nationale et sa mise à disposition auprès du préfet des Bouches-du-Rhône à compter du 1er novembre 2017, le ministre de l'intérieur s'est borné à régulariser la situation de l'intéressée compte tenu de sa mise à disposition effective, à compter du 1er novembre 2017, auprès du préfet des Bouches-du-Rhône. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait illégale du fait de sa rétroactivité doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 mars 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté et tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur, sous astreinte, de prendre un nouvel arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la légalité de la décision du 31 octobre 2018 portant rupture anticipée de la convention de mise à disposition :

9. Aux termes du I de l'article 6 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " La mise à disposition peut prendre fin avant le terme prévu par arrêté du ministre ou décision de l'autorité dont relève le fonctionnaire, sur demande de l'administration d'origine, de l'organisme d'accueil ou du fonctionnaire, sous réserve le cas échéant des règles de préavis prévues dans la convention de mise à disposition. (...) / En cas de faute disciplinaire, il peut être mis fin sans préavis à la mise à disposition par accord entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil. (...) ". Il résulte de ces dispositions, dont les principes sont repris à l'article 10 de la convention de mise à disposition de Mme B..., que l'administration d'accueil est toujours en droit de mettre fin à la mise à disposition d'un agent, lorsque cette mesure est prise dans l'intérêt du service.

10. Alors que Mme B... soutient que la décision du 31 octobre 2018 par laquelle la préfète déléguée pour l'égalité des chances a mis fin de manière anticipée à sa mise à disposition, intervenue alors qu'elle était en arrêt maladie, n'est justifiée par aucun autre motif que son état de santé, l'administration n'apporte pas plus en cause d'appel qu'en première instance d'éléments permettant d'apprécier les motifs qui l'ont amenée à mettre fin à la mise à disposition de l'intéressée, et ainsi de considérer que cette décision aurait été prise dans l'intérêt du service. Par suite, Mme B... est fondée à en demander l'annulation.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 2 à 7 du présent arrêt que l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin au détachement de Mme B... dans l'emploi de commandant divisionnaire fonctionnel à compter du

1er novembre 2017 et, à compter de cette même date, l'a reclassée au cinquième échelon du grade de commandant de police et l'a mise à disposition auprès du préfet des Bouches-du-Rhône jusqu'au 31 octobre 2020 inclus, n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qui auraient résulté d'une telle illégalité.

12. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ; (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de son état de santé, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ". Enfin, aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

13. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

14. S'il est constant, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'à la date de la décision attaquée, Mme B... était en arrêt maladie et qu'elle a d'ailleurs été placée en congé longue maladie pour une période continue de 18 mois du 12 mars 2018 au 11 septembre 2019 par arrêté du 18 mars 2019, cette seule circonstance ne suffit pas à faire présumer que l'appelante aurait été victime d'une discrimination à raison de son état de santé, au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008. Au surplus et en tout état de cause, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la pathologie de Mme B... serait imputable à une situation de harcèlement moral ancienne et qui aurait perduré à compter de son affectation dans les Bouches-du-Rhône. Au demeurant, Mme B... ne produit aucun élément permettant de présumer l'existence de tels fait de harcèlement, notamment depuis le 1er novembre 2017 et sa prise de poste en qualité de déléguée du préfet des Bouches-du-Rhône, aucune des pièces produites ne permettant d'établir ou de laisser présumer l'existence de la " mise au placard " dont elle aurait fait l'objet selon ses affirmations. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser au titre d'un préjudice moral qui aurait résulté d'une pratique discriminatoire ou de faits de harcèlement moral.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 31 octobre 2018 portant rupture anticipée de la convention de mise à disposition. Par suite, il y a lieu d'annuler cette décision ainsi que le jugement du tribunal administratif de Marseille dans cette seule mesure.

Sur les frais d'instance :

16. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 31 octobre 2018 portant rupture anticipée de la convention de mise à disposition de Mme B... conclue entre le préfet des Bouches-du-Rhône et le ministre de l'intérieur est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 1804825, 1810698 du tribunal administratif de Marseille est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme B... en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

2

No 21MA00627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00627
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LUCCHINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-28;21ma00627 ?
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