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23/03/2023 | FRANCE | N°21MA01228

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 23 mars 2023, 21MA01228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Senana a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Nice a refusé de lui accorder un permis d'aménager en vue de la reconstruction à l'identique d'une maison démolie située chemin du Conteo à Nice.

Par un jugement n° 1800091 du 3 février 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2021 et des mémoires complémentaires

, enregistrés le 11 mars 2022 et le 15 juillet 2022, la SCI Senana, représentée par Me Augereau, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Senana a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Nice a refusé de lui accorder un permis d'aménager en vue de la reconstruction à l'identique d'une maison démolie située chemin du Conteo à Nice.

Par un jugement n° 1800091 du 3 février 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2021 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mars 2022 et le 15 juillet 2022, la SCI Senana, représentée par Me Augereau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 3 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Nice a refusé de lui accorder un permis d'aménager en vue de la reconstruction à l'identique d'une maison démolie située chemin du Conteo à Nice ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Nice de procéder au réexamen de sa demande d'autorisation d'urbanisme, au besoin en demandant la démolition du bassin ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Nice une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré du bénéfice des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme ;

- elle entre dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dès lors que le projet tend à la reconstruction à l'identique d'une construction ayant fait l'objet d'un permis de construire, devenu définitif, délivré en 1979 et bénéficiant, en tout état de cause, de la prescription administrative définie à l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme ;

- concernant la pergola et la terrasse, la commune ne pouvait prétendre qu'elles

seraient irrégulières sans méconnaître l'autorité de la chose jugée ; ces ouvrages sont dispensés de toute autorisation d'urbanisme préalable ;

- le motif tiré de ce que le projet prévoit l'emploi de matériaux différents de ceux d'origine est infondé dès lors qu'eu égard aux dispositions de l'article L. 111-16 du code de l'urbanisme, le maire ne pouvait pas s'opposer à l'utilisation de matériaux de construction différents permettant une meilleure performance énergétique du bâtiment et ayant pour effet de réduire l'émission de gaz à effet de serre ; en outre, ces matériaux correspondent à des modifications de la construction de si faible importance qu'ils ne sauraient justifier la décision attaquée ;

- le motif tiré de l'irrégularité du bassin est infondé dès lors que ce dernier bénéficie de la prescription administrative définie à l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 septembre 2021 et le 1er juin 2022, la commune de Nice, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à verser à la commune de Nice la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la requête est tardive dès lors que le recours gracieux, réceptionné par les services de la commune le 13 septembre 2017, n'a pas prorogé le délai de recours contentieux dans la mesure où celui-ci a commencé à courir à compter du 6 juillet 2017 ;

- le requérant ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité à agir ;

- les moyens soulevés par la SCI requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience et avisées de la modification du sens des conclusions du rapporteur public.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me Paulus substituant Me Dersy représentant la SCI Senana.

Vu la note en délibéré enregistrée le 27 février 2023 pour la SCI Senana.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Senana a acquis une propriété située chemin du Conteo à Nice, sur les parcelles cadastrées section IH n° 126 et 130. Considérant que la toiture de la villa construite sur ces parcelles nécessitait une réfection totale et que ces travaux correspondaient à de simples travaux d'entretien et de réparation ordinaire, elle les a entrepris sans autorisation d'urbanisme. Le 30 mai 2011, un agent assermenté de la commune de Nice a effectué une visite des lieux et a, notamment, constaté la démolition d'une grande partie de la villa existante et la seule conservation de la dalle en béton du rez-de-chaussée. Le 26 mars 2012, la SCI Senana a déposé une demande de permis de construire portant sur la réfection de la charpente, de la couverture et des huisseries à l'identique de la villa en cause. Par un arrêté en date du 7 mai 2012, le maire de la commune de Nice a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité au motif notamment que les travaux projetés auraient dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager. Le 2 juillet 2012, la SCI Senana a déposé une demande de permis d'aménager portant sur la réfection globale des toitures, le ravalement général des façades, y compris des huisseries, la mise en place d'une pergola sur l'aire de stationnement et la rénovation d'un bassin. Par un arrêté du 28 août 2012, le maire de la commune de Nice a refusé de lui délivrer le permis d'aménager sollicité. La SCI requérante a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1204461 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de la SCI Senana. C'est dans ces conditions que la SCI Senana a déposé, le 12 avril 2017, une demande de permis d'aménager en vue de la reconstruction à l'identique de la villa ainsi démolie. Par un arrêté du 5 juillet 2017, le maire de la commune de Nice a refusé de délivrer le permis d'aménager sollicité par la société pétitionnaire. Par un courrier du 5 septembre 2017, réceptionné par les services de la commune le 13 septembre 2017, la SCI Senana a formé un recours gracieux, lequel a été implicitement rejeté. La SCI requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2017.

2. Pour refuser de délivrer à la SCI Senana le permis d'aménager qu'elle a

demandé pour reconstruire un ensemble immobilier constitué d'une villa, d'une terrasse et d'une piscine édifié sur un terrain situé dans une zone classée espace remarquable du littoral par la directive territoriale d'aménagement des Alpes Maritimes, le maire de la commune de Nice a relevé d'une part que " la villa n'a pas été régulièrement édifiée conformément à une autorisation d'urbanisme devenue définitive " et que " les bassin, pergola avec terrasse déclarés comme existants n'ont pas obtenu d'autorisation administrative " et d'autre part que " les matériaux qu'il est projeté d'employer diffèrent de ceux d'origine ".

3. D'une part, aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques ". Aux termes de l'article R. 121-5 du même code : " Peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à l'article L. 121-24, dans les conditions prévues par cet article, les aménagements légers suivants, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux : / (...) 3° La réfection des bâtiments existants et l'extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l'exercice d'activités économiques ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-22 du même code : " Dans les espaces remarquables ou milieux du littoral qui sont identifiés dans un document d'urbanisme comme devant être préservés en application de l'article L. 121-23, les aménagements mentionnés aux 1° à 4° de l'article R. 121-5 doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (...) / 5° Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. En première instance, la société requérante s'était prévalue, d'une part, des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme en soutenant que son projet consistait en la reconstruction à l'identique d'une villa régulièrement édifiée et, d'autre part, des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme en soutenant qu'en tout état de cause, les parties de la construction et notamment le " bassin " qui auraient été édifiés sans autorisation étaient couvertes par la prescription décennale prévue par ces dispositions. Si les premiers juges ont dûment visé ce second moyen, ils ne l'ont pas expressément écarté aux termes des motifs du jugement.

7. Toutefois, les dispositions de l'article L. 421-9 qui s'appliquent aux travaux exécutés sur une construction existante ne sauraient être invoquées en cas de reconstruction d'un bâtiment détruit ou démoli, à laquelle les dispositions de l'article L. 111-15 sont seules applicables. Par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une irrégularité, en rejetant la requête de la SCI Senana, sans écarter explicitement le moyen tiré de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, dès lors que celui-ci était inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. En premier lieu, la société requérante fait valoir que la villa dont elle souhaite procéder à la reconstruction avait été édifiée en vertu d'un permis de construire régulièrement délivré en 1979. La commune soutient toutefois, sans être utilement contredite, que les vestiges de cette villa, démolie en 2011 selon les constatations d'un procès-verbal d'infraction, ainsi qu'il a été dit au point 1, comporte une cave qui n'était pas prévue par ce permis et, par ailleurs, un ensemble immobilier accolé consistant en une terrasse et un " bassin ", soit en réalité une piscine et son local technique sur une dalle en béton, qui n'a également jamais fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis d'aménager déposée par la SCI Senana visait à la reconstruction de l'ensemble immobilier unique de la villa, y compris la cave, la " salle à manger d'été " installée en terrasse et la réfection du " bassin ". Ainsi, par suite, le maire de la commune n'a commis ni une erreur de droit, ni une erreur d'appréciation, en estimant que la demande de la SCI Senana ne portait pas sur une construction régulièrement édifiée au sens de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme.

9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, la société requérante ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme.

10. En troisième lieu, les motifs du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de la SCI Senana dirigée à l'encontre de l'arrêté du maire de la commune du 28 août 2012 rejetant sa première demande de permis d'aménager alors présentée comme portant sur des travaux de réfection, ne sauraient, en tout état de cause, être revêtus d'une autorité de chose jugée opposable à l'arrêté attaqué du maire de la commune rejetant une demande de permis d'aménager présentée, cette fois, comme tendant à la reconstruction à l'identique de la même villa.

11. Enfin, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur la circonstance que l'ensemble immobilier de la villa que la SCI Senana se proposait de reconstruire n'avait pas été régulièrement édifié pour rejeter sa demande de permis d'aménager. Par suite, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens invoqués par la société requérante à l'encontre de l'autre motif qui lui a également été opposé, tiré de la nature des matériaux qu'elle projetait d'employer.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que la SCI Senana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Nice a refusé de lui accorder le permis d'aménager sollicité.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nice, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Senana demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Senana une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Nice.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Senana est rejetée.

Article 2 : La SCI Senana versera une somme de 2 000 euros à la commune de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Nice et à la SCI Senana.

Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023.

2

N° 21MA01228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01228
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ACMB AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-23;21ma01228 ?
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