La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2023 | FRANCE | N°22MA01308

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 mars 2023, 22MA01308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous une ast

reinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de cette même notification et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2104545 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, M. A..., représenté par Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 avril 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, lequel renonce, dans ce cas et par avance, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sur le refus de séjour :

. cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, son intégration professionnelle en France est démontrée ;

. elle a également été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en s'abstenant de retenir ce moyen d'annulation dans son jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit ;

. cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- sur la décision faisant obligation de quitter le territoire :

. cette décision devra par voie d'exception d'illégalité être annulée ;

. elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 décembre 2022, à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 2 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Né le 21 janvier 1965 et de nationalité philippine, M. A... a demandé, par un courrier du 28 juin 2019, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 2 juillet 2021, faisant suite à un avis défavorable de la commission du titre de séjour du 10 juin 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ce dernier sera reconduit à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Nice du 8 avril 2022 :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral contesté du 2 juillet 2021 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

3. Si M. A... expose être entré sur le territoire français en 2005 et justifier y résider habituellement depuis, il ne ressort pour autant pas des pièces du dossier qu'il ait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. En effet, M. A..., qui n'a pas d'enfants, justifie, par la production de baux d'habitation et de certaines quittances de loyer, habiter avec une compatriote, à Nice, depuis le 1er janvier 2010. Toutefois, si cette dernière a signé une attestation d'hébergement, elle ne confirme pas entretenir avec l'appelant une relation sentimentale, laquelle n'est au demeurant établie par aucune pièce versée aux débats. En tout état de cause, le préfet des Alpes-Maritimes a indiqué, dans les motifs de son arrêté contesté du 2 juillet 2021, sans être contredit par M. A..., que cette dernière est elle-même en situation irrégulière sur le territoire français et qu'elle a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que l'appelant et cette compatriote poursuivent leur vie de couple, à la supposer même établie, dans leur pays d'origine, ou tout autre pays de leur choix. En outre, si M. A... a été employé à compter de 15 février 2010 et pour une durée d'un an comme marin en qualité de membre d'équipage sur un yacht dont le port d'attache se situe à Monaco, ce seul document, comme les relevés de compte bancaire qu'il produit, au demeurant sans aucune explication dans ses écritures, et dont certains font néanmoins apparaître des virements bancaires, ne permettent pas de caractériser une insertion professionnelle particulière, stable et ancienne de l'appelant en France. Il en est de même de la promesse d'embauche datée du 1er mai 2019, et renouvelée le 1er mai 2021, pour un contrat à durée déterminée de dix-huit mois. Enfin, M. A..., qui ne justifie ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni d'une intégration particulière dans la société française, est entré sur le territoire français au plus tôt à l'âge de quarante ans et a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. D'ailleurs, la commission du titre de séjour a, le 10 juin 2021, émis un avis défavorable à son admission au séjour au regard de sa situation familiale et sociale sur le territoire français, sa faible intégration dans la société française et l'absence totale de pratique de la langue française. Dans ces circonstances, et alors qu'au surplus, M. A... a déjà fait l'objet, le 27 juillet 2017, d'un arrêté préfectoral portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée tant par un jugement n° 1703438 du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2017 que par une ordonnance n° 17MA04942 du président de la 2ème chambre de la Cour, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le représentant de l'Etat n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché, son arrêté contesté, d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A.... L'ensemble de ces moyens doit être écarté.

4. En second lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. "

5. Les éléments relatifs à la situation familiale et professionnelle de M. A... analysés ci-dessus au point 3 du présent arrêt ne constituent ni des motifs exceptionnels, ni des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de cet article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser d'admettre l'appelant au séjour, à titre exceptionnel, sur le fondement de ces dispositions. Ce moyen doit donc être écarté.

6. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté du 2 juillet 2021 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral contesté du 2 juillet 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

7. D'une part, M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision préfectorale portant refus de lui délivrer un titre de séjour, le moyen tiré de cette illégalité invoquée par la voie de l'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, ne peut qu'être écarté.

8. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 2 juillet 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté du 2 juillet 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à l'application combinée des articles 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... A..., à Me Magali Traversini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

2

No 22MA01308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01308
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-14;22ma01308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award