Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, par un premier recours enregistré sous le n° 1804940, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 106 542,69 euros en réparation du préjudice que lui ont causé ses deux radiations illégales des cadres et d'enjoindre au ministre de l'action et des comptes publics ou toute autorité à suppléer de procéder à la revalorisation de sa pension de retraite sur la base de l'échelon 8 de son grade et d'une durée de cotisation reconstituée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et par un second recours enregistré sous le n° 2002545, d'annuler la décision du 23 janvier 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille l'a radié des cadres à compter du 5 octobre 2016.
Par un jugement n° 1804940, 2002545 du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a joint ces deux recours, a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 45 964,58 euros en réparation de ses préjudices, a enjoint au ministre de la justice de faire procéder, en lien avec le directeur général des finances publiques, à la revalorisation de la pension de retraite de M. B... à compter du 6 octobre 2016 pour prendre en compte l'avancement au 8ème échelon et la durée de cotisation dont il aurait bénéficié s'il avait pu poursuivre son activité jusqu'à cette date, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2021 et le 3 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Brosson, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 21 mai 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision de radiation des cadres du 23 janvier 2019 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 31 025,09 euros bruts au titre du " manque à gagner indiciaire ", à charge pour l'administration d'y déduire la différence entre le montant total des retenues qui auraient été faites sur son traitement, et le montant total des retenues qui ont effectivement été faites sur sa pension de retraite, et d'autre part, la somme de 76 517,60 euros au titre des autres préjudices patrimoniaux et moraux ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'action et des comptes publics, ou toute autre autorité à suppléer, de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension de retraite sur la base de l'échelon 8 de son grade et d'une durée de cotisation reconstituée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros à verser à Me Brosson en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en prononçant à deux reprises sa radiation des cadres, par décisions des 11 octobre 2013 et 18 avril 2016, annulées de manière définitive par jugements des 24 mars 2016 et 18 octobre 2017, dans des circonstances de surcroît vexatoires, l'administration a commis des illégalités fautives de nature à engager sa responsabilité à son égard ;
- compte tenu de sa possible prolongation d'activité jusqu'au 5 octobre 2016, son préjudice financier, lié à un manque à gagner, correspond à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir en activité et les pensions qu'il a effectivement reçues sur cette période, en tenant compte d'un changement de la valeur du point d'indice au 1er juillet 2016, et de son avancement à l'échelon 7 puis de l'avancement à l'échelon 8 dont il aurait dû bénéficier ;
- en conséquence, le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il a omis de prendre en compte la période d'avril 2014 à février 2015 inclus ;
- ses indemnités d'astreinte auraient dû être prises en compte par le tribunal pour la réparation de son manque à gagner, compte tenu à la fois de la date de prise d'effet de la radiation du 23 janvier 2019 et du caractère obligatoire de ces astreintes en pratique ;
- l'indemnité allouée par le tribunal pour réparer son préjudice moral doit être revalorisée à hauteur de 25 000 euros, eu égard aux motifs de son éviction, liés à une appréciation erronée portée sur son état de santé et aux conditions vexatoires et humiliantes de son prononcé ;
- le tribunal n'a pas statué sur sa perte de chance de poursuivre son activité professionnelle au-delà des trente trimestres, jusqu'au mois d'avril 2019, que la Cour doit réparer en lui accordant la somme de 15 000 euros ;
- la décision de radiation des cadres en litige, contre laquelle ses conclusions en annulation ne sont pas tardives ni nouvelles en appel, est entachée d'erreur d'appréciation et d'erreur de fait, et non d'une simple maladresse, en considérant qu'il avait cessé d'exercer ses fonctions à compter du 5 octobre 2016 alors qu'il n'avait pas été réintégré dans l'administration pénitentiaire malgré le jugement d'annulation du 18 octobre 2017 et que cette erreur a conduit l'administration à émettre à son encontre un titre de perception ;
- si cet arrêté ne devait pas être annulé, il serait fondé à réclamer, non pas l'indemnisation d'un manque à gagner, mais la perception des salaires qu'il aurait dû toucher sur la période du 5 avril 2014 au 5 octobre 2016, correspondant à la somme totale de 73 834,08 euros ;
- l'appel incident du ministre est irrecevable, car comportant des conclusions nouvelles en appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a indemnisé le requérant d'un préjudice lié à la perte de l'indemnité de fonctions et d'objectifs.
Le ministre fait valoir que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de radiation des cadres du 23 janvier 2019 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
- la perte de l'indemnité de fonctions et d'objectifs, liée à l'exercice effectif des fonctions, ne pouvait être réparée par les premiers juges, sans commettre d'erreur de droit.
Par une ordonnance du 19 janvier 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 98-287 du 9 avril 1998 ;
- le décret n° 2007-1776 du 17 décembre 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Brosson, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., lieutenant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Grasse, a demandé le 3 juin 2013 son maintien en activité au-delà de la limite d'âge à compter du 5 avril 2014 et pour la durée maximale autorisée, sur le fondement de l'article 69 de la loi du 21 août 2003. Sa demande a été rejetée par décision du chef de l'établissement pénitentiaire du 20 août 2013. Par un arrêté du 11 octobre 2013 du directeur de la maison d'arrêt de Grasse, il est admis à la retraite et radié des cadres à compter du 5 avril 2014. Par un premier jugement du 24 mars 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint au directeur de la maison d'arrêt de Grasse de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Si, par un nouvel arrêté du 18 avril 2016, M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et a été radié des cadres à compter du 5 avril 2014, le tribunal administratif de Nice, par un deuxième jugement du 18 octobre 2017, a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administration de reconstituer sa carrière à compter du 5 octobre 2014 dans les trois mois suivant le jugement. Le 10 septembre 2018, M. B... a présenté à l'administration une demande d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des décisions le radiant illégalement des cadres. Par un arrêté du 23 janvier 2019, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a radié M. B... des cadres à compter du 5 octobre 2016. Par un jugement du 21 mai 2021, le tribunal administratif de Nice, après avoir joint les deux recours de M. B..., l'un, dirigé contre cet arrêté du 23 janvier 2019, l'autre, à caractère indemnitaire, a condamné l'Etat à lui verser une somme de 45 964,58 euros en réparation de ses préjudices, a enjoint au ministre de la justice de faire procéder, en lien avec le directeur général des finances publiques, à la revalorisation de la pension de retraite de M. B... à compter du 6 octobre 2016 pour prendre en compte l'avancement au 8ème échelon et la durée de cotisation dont il aurait bénéficié s'il avait pu poursuivre son activité jusqu'à cette date, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... relève appel de ce jugement en demandant premièrement, l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019 prononçant sa radiation des cadres, deuxièmement, la condamnation de l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 31 025,09 euros bruts au titre du " manque à gagner indiciaire ", à charge pour l'administration d'y déduire la différence entre le montant total des retenues qui auraient été faites sur son traitement, et le montant total des retenues qui ont effectivement été faites sur sa pension de retraite, et d'autre part, la somme de 76 517,60 euros au titre des autres préjudices patrimoniaux et moraux, et troisièmement, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'action et des comptes publics, ou toute autre autorité à suppléer, de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension de retraite sur la base de l'échelon 8 de son grade et d'une durée de cotisation reconstituée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Par la voie de l'appel incident, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme en réparation d'un préjudice lié à la perte de l'indemnité de fonctions et d'objectifs.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 23 janvier 2019 :
2. L'annulation d'une décision ayant irrégulièrement mis d'office à la retraite un fonctionnaire oblige l'autorité compétente à réintégrer l'intéressé à la date de sa mise à la retraite et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière.
3. Par l'arrêté en litige, pris en exécution du jugement du 18 octobre 2017 annulant une précédente radiation des effectifs décidée à compter du 5 octobre 2014, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a prononcé la radiation des cadres de M. B..., non pas à compter de cette dernière date, mais à compter du 5 octobre 2016. Il ressort en effet des pièces des dossiers que, par un arrêté du 19 janvier 2019, également pris pour l'exécution de ce jugement et dont M. B... ne conteste pas la légalité, ce dernier a été maintenu rétroactivement en position d'activité au-delà de la limite d'âge, le 5 avril 2014, jusqu'au 4 octobre 2016. Ainsi, en fixant la date de prise d'effet de sa radiation des cadres pour admission à la retraite au 5 octobre 2016, soit à l'expiration des droits de M. B... au maintien en activité au-delà de la limite d'âge, conformément aux motifs du jugement du 18 octobre 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation. La circonstance que, du 5 avril 2014 au 4 octobre 2016, M. B... a été rétroactivement maintenu en activité, alors que pendant ce laps de temps, il n'a pas exercé ses fonctions de manière effective et que, en conséquence, un titre de perception a été émis à son encontre le 30 avril 2019 pour recouvrer les pensions indument perçues au cours de cette période, contre lequel il a du reste formé opposition à exécution, demeure sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.
5. Dès lors, enfin, que sur la période du 5 avril 2014 au 5 octobre 2016, M. B... n'a pas occupé son poste de manière effective, il ne peut prétendre à ce titre au versement d'une rémunération. Ses conclusions tendant au versement de sa rémunération, présentées dans l'hypothèse d'un rejet de ses prétentions dirigées contre l'arrêté du 23 janvier 2019 et pour la première fois en appel, ne peuvent donc, en tout état de cause, qu'être rejetées.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de M. B... :
6. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
7. Les illégalités entachant les radiations des cadres de M. B... prononcées le 11 octobre 2013 et le 18 avril 2016, et tenant à l'erreur d'appréciation relative, dans le premier cas, à son aptitude médicale et découlant dans le second, de l'absence de motif lié à l'intérêt du service, sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers lui, dans les conditions rappelées au point précédent, l'intéressé devant être regardé comme n'ayant jamais cessé de relever des cadres du ministère de la justice du 5 avril 2014 au 5 octobre 2016, date de sa nouvelle radiation.
8. En premier lieu, les admissions à la retraite de M. B... à compter du 5 avril 2014 l'ont privé d'une somme égale à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il avait bénéficié de la prolongation d'activité demandée et le montant des pensions versées. En poursuivant son activité comme il l'aurait dû jusqu'au 5 octobre 2016, M. B... aurait été lieutenant de l'administration pénitentiaire au 7ème échelon, soit un indice majoré de 503 jusqu'au 3 mars 2015, puis au 8ème échelon soit un indice majoré de 550 jusqu'au 5 octobre 2016. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, si l'intéressé a perçu sur cette même période, une pension mensuelle de 1 434,69 euros, le manque à gagner sur sa rémunération indiciaire n'est pas de 21 246,98 euros, qui ne correspond qu'à la période du 3 mars 2015 au 4 octobre 2016, mais de 31 025,09 euros, qui couvre également la période du 5 avril 2014 au 2 mars 2015 inclus. Il y a lieu donc lieu de porter l'indemnité due à M. B... en réparation de son préjudice lié à la perte de son traitement indiciaire, au titre de la période du 5 avril 2014 au 5 octobre 2016, à la somme de 31 025,09 euros, et de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à ce qui précède.
9. En deuxième lieu, certes, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'indemnisation des astreintes de nuit auxquelles les lieutenants pénitentiaires peuvent être soumis et dont M. B..., en produisant des bulletins de paie, doit être regardé comme prétendant avoir été privé du fait de ses radiations illégales, ne peut, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, en application des dispositions du décret du 9 avril 1998 fixant le régime d'indemnisation des astreintes et interventions de nuit effectuées par le personnel de surveillance des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, être considérée comme seulement destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Mais il ne résulte pas de l'instruction qu'au cours de la période d'éviction illégale de M. B..., caractérisée par un maintien en activité au-delà de la limite d'âge, l'intéressé, dont l'état de santé a justifié dès 2012 un aménagement de ses conditions de travail et une préconisation médicale de limitation des astreintes, et dont la reprise des fonctions en mars 2014 après un long congé de maladie, avant sa première radiation illégale, a conduit à ce qu'il n'accomplisse aucune astreinte, aurait été privé d'une chance sérieuse de percevoir l'indemnité attachée à des astreintes de nuit.
10. En troisième lieu, contrairement à ce que demande M. B..., il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 246,98 euros au titre de la perte de traitement indiciaire, pour la période du 3 mars 2015 jusqu'au mois de septembre 2016 inclus, ni celle de 23 215,60 euros au titre de la perte de l'indemnité de résidence, de l'indemnité de sujétions spécifiques et de l'indemnité de fonctions et objectifs, auxquelles l'Etat a déjà été condamné par le jugement attaqué et dont le requérant demande la confirmation dans cette mesure des motifs et du dispositif. Compte tenu de l'injonction prononcée par les premiers juges et dont l'appelant demande à la Cour la confirmation, il n'y a pas lieu non plus, en tout état de cause, d'enjoindre à nouveau au ministre de l'action et des comptes publics, de procéder à une nouvelle liquidation de la pension de retraite de M. B... sur la base de l'échelon 8 de son grade et d'une durée de cotisation reconstituée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
11. En quatrième lieu, pas plus en appel qu'en première instance M. B... ne précise la nature et l'étendue de la " perte de chance de poursuivre l'activité professionnelle au-delà des trente trimestres " qu'il allègue, et, partant, du préjudice dont il réclame la réparation par l'allocation d'une somme de 15 000 euros.
12. En cinquième lieu, en accordant à M. B... une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait des décisions illégales d'éviction et des désagréments ainsi causés, les premiers juges en ont fait une juste indemnisation. Ni les motifs des arrêtés illégaux, ni la circonstance que le premier d'entre eux, du 11 octobre 2013, prenant effet au 5 avril 2014, n'a été notifié à l'intéressé que le 3 mars 2014, ni la note de service du directeur de la maison d'arrêt lui interdisant l'accès à l'établissement à compter du 5 avril 2014, ni enfin l'émission d'un titre de recouvrement des pensions indûment perçues, ne traduisent une volonté de lui nuire ou caractérisent des conditions humiliantes ou vexatoires de fin de service. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de ces circonstances pour demander une meilleure indemnisation de son préjudice moral.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander à ce que la somme allouée en réparation de son préjudice lié à la perte de son traitement indiciaire, de laquelle ont été déduites les sommes perçues par lui au titre des pensions de retraite, au cours de la période du 5 avril 2014 au 5 octobre 2016, soit portée à 31 025,09 euros, et à ce que le jugement attaqué soit réformé dans cette mesure.
Sur l'appel incident :
14. Aux termes de l'article 4 du décret du 17 décembre 2007 portant création d'une indemnité de fonctions et d'objectifs attribuée à différents personnels relevant de l'administration pénitentiaire : " Le montant de l'indemnité de fonctions et d'objectifs prend en compte le niveau de l'emploi et des responsabilités, le niveau d'expertise et des sujétions particulières liées aux fonctions exercées ainsi que les résultats de la procédure d'évaluation prévue par le décret du 29 avril 2002 susvisé, la notation prévue par l'article 82 du décret du 21 novembre 1966 susvisé ainsi que la manière de servir ". En vertu de l'article 8 du même décret, le versement de l'indemnité de fonctions et d'objectifs est exclusif, notamment, de la nouvelle bonification indiciaire et l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires et toutes autres indemnités liées à la manière de servir. Il résulte de ces dispositions que, eu égard à sa nature, son objet et aux conditions dans lesquelles elle est versée, l'indemnité de fonctions et d'objectifs servie aux surveillants pénitentiaires n'est pas seulement destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, mais est attachée aux emplois qui y ouvrent droit, et se trouve modulée notamment par la manière de servir de l'agent. Elle ne peut donc être exclue de l'indemnité due à l'agent public irrégulièrement évincé en application de la règle énoncée au point 6. Le garde des sceaux, ministre de la justice n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour condamner l'Etat à verser à M. B... une somme en réparation du préjudice financier causé par ses évictions illégales, le tribunal a tenu compte de l'indemnité de fonctions et d'objectifs, qu'il n'est pas contesté que l'intéressé avait une chance sérieuse de percevoir au cours de la période d'éviction illégale. Son appel incident doit être rejeté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que
M. B..., qui ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, doit être regardé comme demandant à percevoir lui-même, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens
DECIDE :
Article 1er : La somme de 21 246,98 euros allouée à M. B... en réparation de son préjudice financier lié à la perte de traitement indiciaire sur la période du 5 avril 2014 au 5 octobre 2016, est portée à 31 025,09 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1804940, 2002545 du tribunal administratif de Nice du 21 mai 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article précédent.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 76-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.
N° 21MA026182