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14/03/2023 | FRANCE | N°21MA01423

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 mars 2023, 21MA01423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel la ministre de la transition écologique et solidaire l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 30 novembre 2018, et d'enjoindre à l'Etat de le rétablir dans le cadre de son emploi en le faisant jouir de toutes les prérogatives qui y sont attachées, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1810074 du 8 mars 2021, le tribunal admini

stratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 par lequel la ministre de la transition écologique et solidaire l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 30 novembre 2018, et d'enjoindre à l'Etat de le rétablir dans le cadre de son emploi en le faisant jouir de toutes les prérogatives qui y sont attachées, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1810074 du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril 2021 et 23 juin 2022, M. C... B..., représenté par Me Caviglioli, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de tirer toutes les conséquences de droit et de fait de cette annulation, notamment en le rétablissant dans le cadre de son emploi et en le faisant jouir de toutes les prérogatives qui y sont attachées, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, qui doit être regardé comme infligeant une sanction et comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour l'intéressé, est insuffisamment motivé en fait ;

- il porte atteinte à la présomption d'innocence et est erroné en fait dès lors que la peine à laquelle il a été condamné n'était pas définitive ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été pris dans l'intérêt du service ; les faits reprochés sont d'une gravité très relative, peu vraisemblables et sans aucun rapport avec le service ; la décision repose sur une simple rumeur sans qu'ait été conduite une enquête administrative interne, ainsi que sur des fautes graves commises par deux fonctionnaires ; à la date de la décision attaquée, aucun dossier d'enquête préliminaire n'avait été remis par le Parquet à la direction générale de l'aviation civile ;

- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir qui s'explique par le contexte de conflit social et son passé de syndicaliste ; l'administration n'a de surcroit conduit aucune enquête administrative pour déterminer quel agent était à l'origine de ce détournement de pouvoir ; la décision a un but politique évident de dissuasion par la peur dans un contexte de tensions sociales importantes ;

- il a été victime de faits de harcèlement moral et d'actes discriminatoires ;

- l'administration a commis une grave erreur de droit dès lors que la décision est intervenue en l'absence de toute urgence et de danger.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2022, le ministre chargé des transports conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures produites en première instance.

Par ordonnance du 1er juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Caviglioli, représentant M. B... et de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ingénieur du contrôle de la navigation aérienne, affecté en qualité de chef de salle au centre de route de la navigation aérienne Sud-Est à Aix-en-Provence, s'est vu notifier un arrêté du 28 novembre 2018 par lequel la ministre de la transition écologique et solidaire l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 30 novembre 2018. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicables au litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ".

3. La suspension d'un fonctionnaire, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. Eu égard à la nature de l'acte de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de l'arrêté du 28 novembre 2018 :

4. En premier lieu, une mesure provisoire de suspension ne présente pas, par elle-même, un caractère disciplinaire. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, elle constituerait une sanction disciplinaire déguisée ni même qu'elle aurait eu pour effet de refuser à l'intéressé un avantage dont l'attribution aurait constitué pour lui un droit, à savoir exercer ses fonctions à son poste. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué n'ayant ni pour objet, ni pour effet de se prononcer sur la culpabilité de M. B..., celui-ci ne peut utilement soutenir qu'il porte atteinte au principe de la présomption d'innocence.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une plainte déposée par une fonctionnaire de la direction générale de l'aviation civile pour des faits d'appels téléphoniques malveillants, M. B... a été placé en garde-à-vue le 17 avril 2018 et qu'il en a lui-même immédiatement informé son chef de centre. De plus, à la suite d'un courrier adressé le 5 octobre 2018 par le secrétariat général de la direction générale de l'aviation civile du ministère de la transition écologique et solidaire au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, complété par un courriel du chef de centre du 17 octobre 2018, le procureur de la République adjoint a informé ce dernier, par un courriel du 9 novembre suivant, de ce que M. B... avait été condamné le 20 septembre 2018 par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence à six mois d'emprisonnement avec sursis et 4 000 euros d'amende pour des faits d'appels téléphoniques malveillants et harcèlement sexuel. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que ce jugement était frappé d'appel, l'administration disposait, à la date de la décision attaquée soit le 28 novembre 2018, de suffisamment d'éléments pouvant lui faire penser avec vraisemblance que M. B... se trouvait à l'origine des actes ayant fait l'objet d'une plainte, et qu'eu égard à leur gravité et à la proximité professionnelle entre la victime et l'auteur de ces faits, il était dans l'intérêt du service de prononcer la suspension provisoire de l'intéressé. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit, d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation que, par l'arrêté attaqué, la ministre de la transition écologique et solidaire, qui n'était pas tenue de diligenter une enquête administrative, a prononcé la suspension de fonctions de M. B... au vu des informations dont elle disposait à la date de cette décision.

7. En quatrième lieu, indépendamment des conditions dans lesquelles l'arrêté attaqué a été notifié à M. B..., lesquelles n'ont aucune incidence sur sa légalité, et de la circonstance qu'elle serait intervenue dans un climat de tension sociale exacerbée, il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas fondé, M. B... n'établissant par ailleurs pas, en tout état de cause, la réalité des faits de harcèlement moral et de discrimination qu'il allègue.

8. En cinquième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs, le moyen tiré du détournement de procédure, au demeurant non assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée, ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la ministre de la transition écologique et solidaire. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2023.

2

N° 21MA01423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01423
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CAVIGLIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-14;21ma01423 ?
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