Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Alfajan a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Cannes a refusé de lui accorder un permis de construire.
Par un jugement n° 1902020 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de la SCI Alfajan.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 15 avril 2021 et 15 septembre 2022, la SCI Alfajan, représentée par Me Msellati, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Cannes a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la reconstruction d'une maison individuelle suite à démolition, création d'une piscine et aménagement paysager, sur un terrain situé 72 boulevard Leader à Cannes ;
3°) d'enjoindre à la commune de Cannes de lui délivrer le permis de construire sollicité ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Nice a relevé d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme alors que le maire de Cannes avait expressément renoncé à ce moyen et que le tribunal n'en a pas informé préalablement les parties ;
- le jugement attaqué méconnait les dispositions de la loi du 12 mai 2009 et est entaché d'une rupture d'égalité devant la loi ;
- le jugement attaqué méconnait l'arrêt du Conseil d'Etat n° 406645 dans l'application des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2022, la commune de Cannes, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés et qu'il y a lieu de procéder, si besoin, à une substitution de motifs, le projet méconnaissant également les dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, en ce qu'il ne constitue pas une reconstruction à l'identique du bâtiment démoli.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Dolciani, substituant Me Msellati, représentant la SCI Alfajan.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 septembre 2018, la SCI Alfajan a déposé une demande de permis de construire ayant pour objet la reconstruction d'une maison individuelle de 150 mètres carrés de surface de plancher suite à démolition, la création d'une piscine et l'aménagement paysager sur la parcelle cadastrée section AT n° 4, située 72 boulevard Leader à Cannes. Par un arrêté du 12 mars 2019, le maire de la commune de Cannes a refusé de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée. Par un courrier du 26 mars 2018 reçu par la mairie le 28 mars 2019, la société pétitionnaire a formé un recours gracieux, lequel a été implicitement rejeté à la suite du silence gardé sur cette demande pendant plus de deux mois. La SCI Alfajan relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 mars 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de la décision de refus attaquée qu'elle est fondée sur la circonstance que la date de démolition du bâtiment pour lequel la reconstruction à l'identique est demandée remonte à plus de dix ans avant le dépôt de la demande de permis de construire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dans sa version applicable, motif que le tribunal a retenu pour rejeter la requête de première instance. Si la requérante soutient que cette motivation a été abandonnée par la commune, cette allégation manque en fait. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les juges de premières instance auraient soulevé d'office un moyen de défense.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'article L. 111-3 du code de l'urbanisme disposait, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ". Ces dispositions ont été ainsi modifiées par l'article 9 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ". Et ces dispositions sont, depuis l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, codifiées à l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme en ces termes : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ".
4. Lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'un droit précédemment ouvert sans condition de délai, ce délai est immédiatement applicable mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Toutefois, si, aux termes de la loi du 12 mai 2009, le législateur a créé expressément un délai ayant pour effet d'instituer une prescription extinctive du droit, initialement conféré par la loi du 13 décembre 2000, aux propriétaires d'un bâtiment détruit par un sinistre, de le reconstruire à l'identique, il n'a porté atteinte à aucun droit précédemment institué s'agissant de la reconstruction d'un bâtiment détruit ou démoli pour une autre cause, dès lors que ce sont ces mêmes dispositions qui ont consacré un droit à reconstruction dans de tels cas. Il en résulte que, lorsque la destruction d'un bâtiment ne résulte pas d'un sinistre, le délai de dix ans au cours duquel la reconstruction à l'identique est autorisée, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, doit être décompté, dès l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009, à partir de la date de la destruction de ce bâtiment.
5. Il est constant que la démolition du bâtiment initial en 1998, autorisée par un arrêté du maire de Cannes le 14 octobre 1992 et dont les requérants demandent la reconstruction, est étrangère à tout sinistre. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le maire a méconnu les dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi du 12 mai 2009, en lui opposant que le bâtiment initial avait été démoli depuis plus de dix ans. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le principe d'égalité devant la loi aurait été méconnu dès lors que le législateur a entendu régir différemment le droit à reconstruction à l'identique, selon les causes de la destruction du bâtiment.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'argumentation des parties relative à la consistance du projet de reconstruction qui fonde la demande de substitution de motifs formulée, à titre subsidiaire, par la commune de Cannes, que la SCI Alfajan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant refus de permis de construire. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Cannes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il sera mis à la charge de la SCI Alfajan au profit de la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Alfajan est rejetée.
Article 2 : La SCI Alfajan versera à la commune de Cannes la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La SCI Alfajan et à la commune de Cannes.
Copie en sera adressée au p réfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mars 2023.
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No 21MA01516