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09/03/2023 | FRANCE | N°21MA00835

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 09 mars 2023, 21MA00835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le maire d'Eourres a refusé de lui délivrer un permis de construire, ainsi que la décision du 24 avril 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1804846 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2021, Mme B..., représentée par Me Rouanet, dema

nde à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le maire d'Eourres a refusé de lui délivrer un permis de construire, ainsi que la décision du 24 avril 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1804846 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2021, Mme B..., représentée par Me Rouanet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Eourres du 31 janvier 2018 et sa décision du 24 avril 2018 ;

3°) d'annuler " par la voie de l'exception " l'avis conforme défavorable émis le 25 janvier 2018 par la préfète des Hautes-Alpes ;

4°) d'enjoindre au maire d'Eourres de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Eourres la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas signé en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le permis sollicité ne pouvait être refusé sur le fondement de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, contrairement à ce qu'ont estimé la préfète et le tribunal qui ont commis une erreur de fait ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2021, la commune d'Eourres, représentée par la SCP Tertian - Bagnoli - Langlois - Martinez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Martinez, représentant la commune d'Eourres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a déposé, le 25 octobre 2017, une demande de permis de construire, ultérieurement complétée, en vue de la " réhabilitation d'une ruine " implantée sur un terrain situé au lieu-dit " D... " sur le territoire de la commune d'Eourres, alors non doté d'un document local d'urbanisme. Consultée en application du a) de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, la préfète des Hautes-Alpes a émis un avis conforme défavorable au projet le 25 janvier 2018. Par un arrêté du 31 janvier 2018, le maire d'Eourres a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Mme B... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté et de la décision du 24 avril 2018 par laquelle le maire d'Eourres a rejeté son recours gracieux. Elle doit être regardée comme demandant à la cour d'annuler cet arrêté et cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement dont Mme B... a reçu notification ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

5. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...). / Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ". Selon l'article L. 422-5 du même code : " Lorsque le maire (...) est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".

6. Le plan d'occupation des sols d'Eourres étant devenu caduc le 27 mars 2017 en application des articles L. 174-1 et L. 174-3 du code de l'urbanisme et sa révision sous la forme d'un plan local d'urbanisme n'étant alors pas encore exécutoire, la délivrance du permis de construire sollicité par Mme B... était subordonnée à l'avis conforme mentionné au a) de l'article L. 422-5 du même code. Dans son avis conforme défavorable émis le 25 janvier 2018, la préfète des Hautes-Alpes, qui a visé ce code dans son ensemble sans se référer à l'un de ses articles en particulier, a estimé, d'une part, que " la reconstruction projetée se situe hors des parties urbanisées de la commune " et qu'aucune " délibération motivée " n'a été adoptée, d'autre part, que " la parcelle est concernée par un risque d'aléa fort de chutes de pierres et de crue torrentielle et d'aléa moyen de glissement de terrain " et, enfin, que " le terrain n'est desservi ni en eau ni en électricité ". Pour rejeter les conclusions à fin d'annulation de Mme B..., les premiers juges ont estimé que la préfète des Hautes-Alpes aurait émis le même avis défavorable en retenant uniquement le motif tiré de ce que " la desserte en eau potable n'était pas assurée " et que le maire d'Eourres se trouvait ainsi en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité.

7. En premier lieu, Mme B..., qui doit être regardée comme excipant de l'illégalité de l'avis conforme défavorable émis par la préfète des Hautes-Alpes à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions litigieuses, soutient que le motif énoncé dans cet avis et non censuré en première instance est illégal.

8. Aux termes de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme : " L'alimentation en eau potable (...), la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement (...) doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ". Son article R. 111-9 prévoit que : " Lorsque le projet prévoit des bâtiments à usage d'habitation, ceux-ci doivent être desservis par un réseau de distribution d'eau potable sous pression raccordé aux réseaux publics ". L'article R. 111-10 du même code précise néanmoins que : " En l'absence de réseau public de distribution d'eau potable et sous réserve que l'hygiène générale et la protection sanitaire soient assurées, l'alimentation est assurée par un seul point d'eau ou, en cas d'impossibilité, par le plus petit nombre possible de points d'eau (...) ". Enfin, son article R. 111-11 dispose que : " Des dérogations à l'obligation de réaliser des installations collectives de distribution d'eau potable peuvent être accordées à titre exceptionnel, lorsque la grande superficie des parcelles ou la faible densité de construction ainsi que la facilité d'alimentation individuelle font apparaître celle-ci comme nettement plus économique, mais à la condition que la potabilité de l'eau et sa protection contre tout risque de pollution puissent être considérées comme assurées (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le projet porte sur un bâtiment d'habitation qui ne peut être raccordé au réseau public de distribution d'eau potable en raison de l'absence d'un tel réseau, l'alimentation en eau potable peut néanmoins être assurée par un ou plusieurs points d'eau, sous réserve que soient assurées l'hygiène générale et la protection sanitaire ou, en cas de dérogation à l'obligation de réaliser des installations collectives, la potabilité de l'eau et sa protection contre tout risque de pollution.

10. La notice descriptive jointe à la demande de permis de construire de Mme B... indique que " le projet sera autonome en eau par un forage " avant d'évoquer " une récupération importante d'eau " ainsi qu'une " station de traitement ". Il ressort de la demande de pièces complémentaires datée du 14 novembre 2017, qui précise que le terrain d'assiette n'est pas desservi par le réseau public d'eau potable et se réfère expressément à l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme, que la pétitionnaire a été invitée à justifier que l'alimentation en eau potable du projet à partir d'une source d'alimentation privée " sera assurée toute l'année quantitativement et qualitativement ". Mme B... n'a pas donné suite à cette demande. En relevant notamment, dans son avis conforme défavorable, que le terrain d'assiette du projet n'est pas " desservi (...) en eau ", la préfète des Hautes-Alpes doit être regardée comme ayant entendu se fonder sur les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 8, lesquelles étaient alors applicables sur le territoire de la commune d'Eourres en vertu de l'article R. 111-1 du même code. Mme B... ne produit aucun élément technique probant de nature à établir que le dispositif autonome d'alimentation en eau potable mentionné dans sa demande permettrait d'assurer l'hygiène générale et la protection sanitaire. Par ailleurs, si la requérante fait état d'un projet d'extension du réseau public de distribution d'eau potable dans le secteur des Damias situé au sud du terrain d'assiette du projet, elle n'établit ni même n'allègue, en tout état de cause, que cette extension était d'ores et déjà prévue à la date à laquelle l'autorité administrative s'est prononcée sur son projet. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la préfète des Hautes-Alpes aurait commis une erreur de fait ou une erreur d'appréciation en retenant le motif énoncé ci-dessus.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions (...) ". Selon l'article L. 122-5-1 du même code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux ". L'article L. 122-7 de ce code, relatif aux exceptions au principe d'extension de l'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante, dispose, à son dernier alinéa, que : " Dans les communes ou parties de commune qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-4 et à l'article L. 111-5, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux articles L. 122-9 et L. 122-10 ". En vertu du 4° de l'article L. 111-4, auquel renvoie expressément l'article L. 122-7, le conseil municipal d'une commune dépourvue de document d'urbanisme opposable aux tiers peut, sur " délibération motivée ", autoriser l'édification de constructions " en dehors des parties urbanisées de la commune ", sous réserve du respect de certaines conditions.

12. Il résulte de ces dispositions qu'à défaut d'une délibération motivée du conseil municipal, l'urbanisation en zone de montagne ne peut être réalisée qu'en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, ou avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ". L'existence de tels groupes suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

13. Ainsi qu'il a été dit, la préfète des Hautes-Alpes a notamment relevé, dans son avis conforme défavorable, que le projet litigieux n'est pas situé en continuité de l'urbanisation existante et qu'aucune délibération motivée n'a été adoptée par le conseil municipal d'Eourres. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ce motif doit être regardé comme étant fondé sur les dispositions citées ci-dessus du code de l'urbanisme particulières aux zones de montagne. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé au nord d'un secteur bâti caractérisé par la présence de plusieurs bâtiments accolés ou implantés à proximité immédiate les uns des autres. Cet ensemble bâti doit être regardé, compte tenu de ses caractéristiques et des modalités d'implantation des constructions en son sein, comme étant au nombre des hameaux ou groupes de constructions visés à l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Le dossier de demande de permis de construire déposé par Mme B... fait toutefois apparaître que le terrain d'assiette du projet, qui est séparé de cette urbanisation existante notamment par une voie de circulation ainsi que par un " torrent ", s'inscrit dans un compartiment de terrain différent, à dominante naturelle. Dans ces conditions, le projet litigieux ne saurait être regardé comme portant sur une construction respectant le principe de continuité énoncé à l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une délibération motivée du conseil municipal d'Eourres aurait autorisé la réalisation du projet de Mme B.... Par suite, la préfète des Hautes-Alpes n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 11. En conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif a censuré ce motif.

14. Il résulte de l'instruction que la préfète des Hautes-Alpes aurait émis le même avis conforme défavorable en se fondant uniquement sur les motifs évoqués aux points 10 et 13. Dans ces conditions, le maire d'Eourres se trouvait en situation de compétence liée pour refuser, ainsi qu'il l'a fait, le permis de construire sollicité par Mme B....

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Eourres qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Eourres sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera une somme de 1 500 euros à la commune d'Eourres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la commune d'Eourres ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 23 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

2

N° 21MA00835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00835
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-09;21ma00835 ?
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