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03/03/2023 | FRANCE | N°22MA01693

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 mars 2023, 22MA01693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros

par jour de retard et à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 2108591 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juin 2022, M. E... A... B..., représenté par Me Bruggiamosca, demande à la cour :

1°) d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le

préfet a fondé sa décision, conformément à l'article L. 512-2 du CESEDA ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ;

- le tribunal aurait dû lui adresser une demande de régularisation afin que le bordereau de pièces corresponde aux pièces qu'il avait produites ;

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur de fait révélant un défaut d'examen particulier de sa situation au regard des conséquences de cette décision ;

- la commission du titre de séjour de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conformément à l'article L. 435-1 du même code aurait dû être consultée ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de ses attaches en France et des conséquences que le refus emporte sur sa vie privée ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des circonstances humanitaires dont il se prévaut et au regard des conséquences que la décision emporte sur sa vie privée ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne justifiait pas d'une présence continue en France depuis plus de dix ans, en violation des termes de la circulaire du 28 novembre 2012, NOR : INTK1229185C ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus d'admission au séjour dont il a fait l'objet ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... D...,

- et les observations de Me Bruggiamosca, représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 30 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... B..., de nationalité marocaine, né le 2 juillet 1973, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. A... B... relève appel du jugement du 11 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas examiné la situation de M. A... B... n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé alors, au demeurant, que le jugement répond de manière précise et circonstancié à l'ensemble des moyens qu'il a soulevés en première instance.

3. Aucune disposition législative ou règlementaire n'imposant au juge administratif, lorsqu'il rejette au fond une requête, d'adresser une demande de régularisation à une partie afin que le bordereau de pièces que celle-ci a transmis à la juridiction soit en adéquation avec les pièces qu'elle a produites, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait dû procéder à une telle demande de régularisation ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police... ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté litigieux vise notamment les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce, par ailleurs, des considérations de fait caractérisant la situation du requérant. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et démontre qu'il a été procédé par l'autorité administrative à un examen particulier de la situation de l'appelant.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale... / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 de ce même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

7. M. A... B... soutient qu'il dispose d'attaches personnelles en France, sa sœur, qui a été sa tutrice au décès de son père, y résidant, qu'il y réside lui-même depuis vingt et un ans et qu'il s'y est inséré ayant milité au sein de plusieurs associations et une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée lui ayant été faite en octobre 2020. Toutefois, les pièces produites ne démontrent une présence continue en France de l'appelant qu'au plus tôt à compter de 2016. S'agissant des années antérieures l'appelant a produit devant la juridiction essentiellement des pièces médicales, des relevés bancaires, des courriers de compagnies d'assurance et des factures émanant essentiellement de fournisseurs de services téléphoniques qui sont insuffisantes pour démontrer qu'il résidait de manière continue en France. Si le requérant se prévaut de courriers échangés avec la préfecture de Haute-Corse relatifs à la régularisation de sa situation au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en 2002 et en 2006, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par l'intéressé, qu'il n'a sollicité à nouveau un titre de séjour que le 20 avril 2017, demande qui a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et dont la légalité a été confirmée par jugement n° 1804395 rendu le 26 octobre 2018 par le tribunal administratif de Marseille contre lequel l'appel interjeté a été rejeté par ordonnance de la cour de céans n° 19MA02157 du 12 juin 2018. En outre, M. A... B... qui ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière, est célibataire et sans enfant et a pour seule famille en France, sa sœur, titulaire d'une carte de résident, et ses neveux avec lesquels il ne vit pas. Enfin, le requérant ne justifie pas être totalement dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, malgré le décès de son père. Ainsi, compte tenu des conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui a été opposé et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé et les éléments exposés par le requérant sont insuffisants pour caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à ce qu'il soit admis au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A... B... ne peut se prévaloir d'une présence de plus de dix ans à la date de la décision attaquée, au sens des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, le requérant ne peut utilement se prévaloir devant la cour des termes d'une circulaire du 28 novembre 2012 qui se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

9. Il résulte de ce qu'il vient d'être exposé précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut être invoqué pour justifier de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

10. Enfin, pour les mêmes motifs qu'évoqués aux points 7 et 8, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le préfet des Bouches-du-Rhône a fait obligation à M. A... B... de quitter le territoire français.

11. Compte tenu de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'ensemble des pièces sur lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions formulées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B..., à Me Bruggiamosca et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, où siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2023.

N°22MA01693 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01693
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BRUGGIAMOSCA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-03;22ma01693 ?
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