Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1901305 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juin 2021, M. A..., représenté par Me Hoffmann, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 avril 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du ministre de l'intérieur du 31 janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en écartant ses moyens de légalité externe :
. le principe d'impartialité, qui doit être respecté à l'occasion des poursuites disciplinaires, a été méconnu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
- les dispositions des articles L. 252-1 et suivants du code de la sécurité intérieure ont été méconnues :
. l'autorité poursuivante ne peut pas utiliser les images d'un système de vidéosurveillance destiné à assurer la protection du public à des fins de poursuites disciplinaires contre ses propres agents, sans les avoir informés préalablement ; la circonstance qu'il aurait dû en demander la communication est infondée ;
. conformément aux droits de la défense, il aurait dû avoir connaissance de ces enregistrements pour pouvoir préparer efficacement sa défense ;
. l'ensemble des membres du conseil de discipline aurait également dû avoir connaissance de ces enregistrements ;
. le principe de loyauté a été méconnu dès lors que l'administration a suscité des aveux de sa part sur la base d'extraits de vidéosurveillance non visionnés ; la sanction disciplinaire prononcée à son encontre est entachée d'un vice de procédure ;
- les premiers juges ont également commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en écartant ses moyens de légalité interne :
. il n'a pas manqué à son obligation de loyauté : si de fausses mentions ont été inscrites sur la main-courante informatique, ce n'est pas de son fait ;
. il n'a pas manqué à son obligation d'obéissance : la consigne d'envoyer une patrouille à Bandol n'avait pas été inscrite sur le film de la main courante informatique et elle résulte simplement d'une mention manuscrite portée sur une feuille A4 glissée dans une bannette destinée à la gestion du personnel et non des missions de police ; il y a peut-être eu une erreur humaine mais absolument pas une faute disciplinaire ; cette consigne ayant été visible du 5 au 7 janvier jusqu'à 11 heures 21, il ne pouvait en avoir connaissance alors que cette consigne avait disparu au moment de sa prise de fonctions ;
. il n'a pas manqué à son devoir d'intervenir et de porter assistance : s'agissant de l'intervention sur un lieu de trafic de stupéfiants, le brigadier-chef avait jugé qu'il n'était pas opportun d'intervenir pour prêter main forte à la police municipale de Sanary-sur-Mer, une enquête étant en cours, alors qu'en outre, les effectifs du commissariat étaient insuffisants pour intervenir ; en ce qui concerne l'absence d'intervention au domicile d'un administré, celui-ci était connu pour ses appels fantaisistes ;
. il n'a pas porté atteinte au crédit et au renom de la police nationale par la participation à un repas autorisé par le brigadier-chef et que lui-même n'a pas organisé ; lui reprocher des odeurs perceptibles par les usagers n'est pas sérieux ; les moments de convivialité sont désormais encouragés ; un simple repas pris entre collègues au début de la nouvelle année au cours duquel tous les agents en poste continuent à vaquer à leurs obligations professionnelles ne peut porter atteinte au crédit ou au renom de la police nationale ;
. il n'a pas fait preuve de négligence en laissant quelques instants le poste à l'accueil vacant ;
. si, par extraordinaire, la Cour devait estimer qu'il a commis un manquement professionnel, la sanction prononcée à son encontre serait manifestement disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que, dépourvue de tout moyen d'appel, cette requête présente des moyens identiques à ceux soulevés en première instance et qu'il se réfère donc pour y répondre aux écritures qu'il a produites devant le tribunal administratif de Toulon.
Par une ordonnance du 31 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2022, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Hoffmann, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 12 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours, alors que, gardien de la paix, il était affecté au commissariat de Sanary-sur-Mer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 12 avril 2021 et la légalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 31 janvier 2019 :
En ce qui concerne le moyen tiré du manquement à l'obligation d'impartialité :
2. Contrairement à ce que soutient M. A..., la lecture des rapports du chef de la circonscription de Sanary-sur-Mer et de son adjoint n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser un manquement à l'obligation d'impartialité et il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers auraient manifesté une animosité particulière à l'égard de l'appelant ou fait preuve de partialité à l'encontre de ce dernier. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la sanction infligée à M. A... :
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'Etat, Assemblée, 13 novembre 2013, n° 347704, A).
S'agissant de la matérialité des faits reprochés à M. A... et de leur qualification de fautes disciplinaires :
4. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".
5. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir (Conseil d'Etat, Section, 16 juillet 2014, n° 355201, A).
6. D'une part, M. A... persiste à soutenir en appel que la constatation des faits qui lui sont reprochés reposerait, en méconnaissance des dispositions des articles L. 252-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, sur des extraits de vidéosurveillance auxquels il aurait dû avoir accès pour pouvoir préparer sa défense et qui auraient dû être communiqués aux membres du conseil de discipline appelé à se prononcer sur une proposition de sanction à son encontre. Il ajoute que l'autorité disciplinaire ne peut utiliser de tels extraits à l'encontre de ses agents, sans les en avoir informés préalablement et que le principe de loyauté a été méconnu dès lors que des aveux lui ont été soutirés sur la base desdits extraits. Toutefois, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, de tels moyens sont inopérants à l'encontre de l'arrêté contesté du 31 janvier 2019 dès lors qu'il ne ressort pas davantage des pièces versées au dossier d'appel que de celles produites en première instance que le ministre de l'intérieur se serait fondé sur ces extraits pour prononcer la sanction litigieuse à l'encontre de M. A....
7. D'autre part, il ressort de l'arrêté contesté du 31 janvier 2019 que, pour prononcer la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que, le dimanche 7 janvier 2018, à l'occasion d'une vacation de 12 heures 50 à 21 heures 11, M. A... a participé à un repas organisé au commissariat de Sanary-sur-Mer, sans autorisation hiérarchique et au mépris des instructions en vigueur et des règles de sécurité en la matière, le poste de police étant resté vacant et la porte de communication entre l'accueil et le reste du service étant restée ouverte, laissant une forte odeur de viande grillée se propager jusqu'à l'accueil où des plaignants attendaient d'être reçus. Le ministre de l'intérieur relève également que, durant la majeure partie de cette vacation, et alors que M. A... était chef de poste, les missions opérationnelles de sécurisation et de prévention de la délinquance n'ont pas toutes été assurées, notamment après 17 heures, l'appelant ayant alors prétexté l'absence de patrouille de police-secours disponible pour ne pas prêter assistance à la police municipale de Sanary-sur-Mer qui souhaitait contrôler des individus suspectés de trafic de stupéfiants. Le ministre de l'intérieur fait enfin grief à M. A... d'avoir cautionné les mentions inexactes inscrites sur la main courante informatisée du service, d'avoir omis d'inscrire et de vérifier sur le registre d'accueil les noms des plaignants reçus et de ne pas avoir averti le chef de brigade et les équipages des consignes préfectorales de sécurisation des festivités organisées à Bandol entre 17 heures et 20 heures, cette mission n'ayant ainsi pas été exécutée. Il ressort des pièces du dossier que, le 7 février 2018, lors de son audition par le commandant de police, membre du bureau discipline et déontologie, M. A... a reconnu la matérialité de ces faits et, par son argumentation ci-dessus résumée dans les visas du présent arrêt, il ne la conteste pas sérieusement devant la Cour. Or, contrairement à ce que soutient l'appelant, ces faits constituent des manquements à ses devoirs d'exemplarité, d'obéissance, de loyauté, d'intervenir et de porter assistance, de se consacrer pleinement à l'exercice de son activité, de discernement et de conscience professionnelle par négligence. Par suite, et alors qu'ils ont, en outre, porté atteinte au crédit et au renom de la police nationale vis-à-vis tant des usagers que de la municipalité de Sanary-sur-Mer, ces faits sont de nature à justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire.
S'agissant de la proportionnalité de la sanction infligée à M. A... :
8. Aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe :
/ - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ;
/ - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".
9. Eu égard à la nature et à la gravité des manquements commis sur une seule journée par M. A... qui exerçait alors les fonctions de chef de poste, et nonobstant la circonstance qu'il justifie de bons états de service, sans antécédent disciplinaire, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché son arrêté contesté du 31 janvier 2019 d'une erreur d'appréciation en infligeant à l'appelant la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
S'agissant du moyen tiré du détournement de pouvoir :
10. En admettant que M. A... ait entendu se prévaloir d'un tel détournement de pouvoir, celui-ci n'est pas établi au vu des pièces du dossier. Ce moyen doit, dès lors, être également écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. A... soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.
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No 21MA02271
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