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03/02/2023 | FRANCE | N°22MA01378

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 03 février 2023, 22MA01378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200638 du 25 avril 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, sous le n° 22MA01378, M. D...

, représenté par Me Lagardère, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200638 du 25 avril 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, sous le n° 22MA01378, M. D..., représenté par Me Lagardère, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2022 du tribunal administratif de B... en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'annuler la décision du 3 mars 2022 portant obligation de quitter le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil s'engageant expressément à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait concernant sa minorité.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 2 septembre 2022.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité ivoirienne, serait, selon ses allégations, né le 2 janvier 2005 et entré en France le 29 juin 2021. Il a fait l'objet, à compter du 8 septembre 2021, d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des Alpes de Haute-Provence puis du Var. Par un jugement du 24 février 2022, le tribunal pour enfants de B... a dit qu'il n'y avait pas lieu d'instituer une mesure de protection à son égard. Interpellé à la suite d'un contrôle d'identité, le préfet du Var a pris à son encontre un arrêté du 3 mars 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. M. D... relève appel du jugement attaqué par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 mars 2022.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par décision du 2 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente requête d'appel. Dès lors, les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle dans cette instance sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

5. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doive nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

8. En premier lieu il ressort de la décision contestée que le préfet du Var a estimé que si le requérant se déclare être mineur, l'enquête effectuée à la suite du dépôt de la prise en charge de l'aide sociale à l'enfance (ASE) témoigne de signes en faveur de sa majorité et qu'il en est de même dans le jugement du tribunal pour enfants de B... du 24 février 2022 remettant en cause la minorité déclarée par l'intéressé. En particulier, ce jugement prononce un non-lieu à la mesure de protection aux motifs que le certificat de nationalité ivoirienne produit par M. D... comporte plusieurs incohérences dès lors que le prénom de la mère varie de Victoire à Victorine sur la copie intégrale et sur l'extrait d'acte de naissance et que la date de naissance du père est différente, soit le 24 et le 29 décembre 1974, entre le certificat de nationalité et la copie intégrale. Par ailleurs, selon le jugement précité, le certificat de nationalité ivoirien se rapporte à une carte d'identité de son père n° C0038482378 du 18 mars 2016, alors que M. D... leur a fourni une carte d'identité de son père n° C0113090048 du 10 mars 2016. Le rapport d'évaluation rédigé le 27 mai 2020 du département des Hautes-Alpes mentionne à propos d'un certain " M. E... ", né le 7 décembre 2005 de Traye Bi Irie Lucien et de Célestine, que les éléments recueillis ne permettent pas de se positionner en faveur de sa minorité. De même, un rapport du 10 juin 2021 d'évaluation sociale de l'association L'Espilido située à Nîmes, concernant toujours " M. E... ", né le 7 décembre 2005 de Traye Bi Irié Lucien et de Cécile Lou Bonan, conclu à l'absence de minorité de l'intéressé. Si le requérant soutient que cette identité est celle d'un individu ayant un parcours totalement différent du sien, il ressort d'une lettre du département du Var du 7 octobre 2021 adressée au juge des enfants de B... que M. D... A... s'est présenté, le 18 mai 2021 et le 3 juin 2021, dans les services du département des Hautes-Alpes et du département du Gard, sous l'identité de " E..., né le 7 décembre 2005 ".

9. En deuxième lieu, pour contester cette appréciation portée par le préfet du Var sur sa minorité, M. D... produit une copie intégrale d'acte de naissance établie le 5 janvier 2022, un certificat de nationalité du 10 janvier 2022 et un extrait d'acte de naissance du 5 janvier 2022, ces trois documents mentionnant le nom D... A..., né le 2 janvier 2005 à Béhiouléra de Traye Bi Yougoné Apollinaire, né le 29 décembre 1974 et de Irie Lou Tra Victorine, née le 10 novembre 1974. Si l'appelant soutient qu'il a déposé l'original de la copie intégrale de son acte de naissance à la police aux frontières le 27 janvier 2022, il ressort du jugement du tribunal pour enfants de B... mentionné au point 8 que cette copie intégrale est en tout point identique à celle analysée par la police aux frontières et donc entachée des mêmes incohérences que le certificat de nationalité en ce qu'il est également mentionné le prénom Victorine de la mère et une date de naissance du père fixée au 29 décembre 1974. La circonstance que M. D... aurait formé un appel à l'encontre du jugement du tribunal pour enfants de B... du 24 février 2022 est sans incidence.

10. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement reprocher au préfet de le désigner dans la décision contestée comme étant " Traye Bi Irie A... " qui ne serait pas son identité dès lors que cette décision mentionne à son égard la formule " X se disant Traye Bi Irie A... ". Il ressort en outre du procès-verbal établi le 3 mars 2022 par l'officier de police judiciaire de la direction de la police aux frontières de B... dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'il a déclaré se nommer " A... Traye Bi Irie ", ce qui est un nom encore différent de celui mentionné dans les documents d'état civil mentionné au point 9 dont il se prévaut.

11. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, le préfet du Var n'avait pas à procéder à des vérifications auprès des autorités ivoiriennes afin de vérifier le caractère authentique de l'acte d'état civil produit par l'intéressé.

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 à 11, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige serait entachée d'une erreur de fait concernant la minorité de M. D....

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées pour M. D... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Carole Lagardère et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2023.

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N° 22MA01378

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01378
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : LAGARDERE CAROLE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-03;22ma01378 ?
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