Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2104392 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de cette interdiction excède un an et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021 sous le n° 21MA04307, M. C..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 en tant qu'il porte refus de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il justifie de motifs exceptionnels ouvrant droit à son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu la circulaire du 28 novembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021 sous le n° 21MA04308, M. C..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle ;
2°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond, visés ci-dessus, présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis, pour ces deux instances, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant gabonais, né le 22 décembre 1991, est entré en France le 22 septembre 2012 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Il a été mis en possession de plusieurs titres de séjour en cette qualité jusqu'au 31 octobre 2015, puis a bénéficié de titres de séjour en qualité de salarié jusqu'au 9 mars 2018. Le préfet, après un avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi, n'a pas fait droit à la demande de renouvellement du requérant et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français, le 27 décembre 2018. Le 2 juillet 2020, M. C... a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français en tant que la durée de cette interdiction excède un an. L'intéressé relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Il demande, par requête distincte, le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21MA04307 et 21MA04308 sont dirigées contre le même jugement et le même arrêté préfectoral, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 21MA04307 :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... justifie de son séjour habituel en France depuis septembre 2012. Jusqu'en octobre 2015, il a été titulaire de titres de séjour en qualité d'étudiant et a obtenu un brevet de technicien supérieur " Négociation et relations client ". Il a bénéficié ensuite de titres de séjour en qualité de salarié jusqu'en 2018. M. C... a notamment occupé un emploi de barman de mars 2018 à avril 2019, puis de juin à août 2020. Par ailleurs, il produit des pièces justifiant de sa résidence en France et notamment des quittances de loyer, des avis d'impôt de taxe d'habitation, établis à la même adresse, au titre des années 2016 à 2020, des extraits de relevés de compte chèque BNP Paribas d'octobre 2020 à avril 2021 présentant des opérations bancaires. En outre, ses deux sœurs résident régulièrement en France, il entretient depuis plusieurs mois une relation amoureuse avec une ressortissante française et il est investi dans l'association des Scouts de France. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France, alors même qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Gabon, en refusant à M. C... le titre de séjour sollicité et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, alors en vigueur. Il en résulte que ces décisions doivent être annulées.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à l'intéressé un titre de séjour revêtu de la mention " vie privée et familiale ", mesure qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de prendre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Sur la requête n° 21MA04308 :
En ce qui concerne la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
7. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de 17 décembre 2021. Par suite, ses conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.
En ce qui concerne les conclusions à fin de sursis à exécution :
8. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement présentées par M. C..., dans sa requête enregistrée sous le n° 21MA04308, sont donc devenues sans objet.
Sur les frais liés aux instances :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Gilbert au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 30 septembre 2021 et sur les conclusions à fin d'admission, à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle présentées dans la requête n° 21MA04308.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 septembre 2021 en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 avril 2021 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre au séjour M. C... et l'a obligé à quitter le territoire français est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me Gibert, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.
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N° 21MA04307, 21MA04308