Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur a demandé au tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, d'une part, de prononcer la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à la charge des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur au titre des années 2018 et 2019, et, d'autre part, de condamner l'Etat au remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2018 mise à la charge des contribuables, majorée des intérêts moratoires au taux de 0,20 % par mois, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, ainsi que la Métropole Nice Côte d'Azur au remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2019 mise à la charge des contribuables, majorée, le cas échéant, des intérêts moratoires au taux de 0,20 % par mois.
Par un jugement n° 2004634 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me Pelloux, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2004634 du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal ne pouvait régulièrement lui opposer l'absence de réclamation préalable ;
- elle n'a pas été invitée à régulariser sa demande ;
- l'administration a prononcé le dégrèvement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2017 à la suite de réclamations de contribuables, reconnaissant ainsi l'illégalité de cette taxe d'un montant similaire au titre des années 2018 et 2019 ;
- l'augmentation des dépenses de fonctionnement afférentes à la gestion des ordures ménagères à compter de l'année 2018 est établie et n'est pas justifiée ;
- la taxe d'enlèvement des ordures ménagères en litige prend illégalement en charge des dépenses d'administration générale ;
- les délibérations des 5 avril 2018 et 24 septembre 2018 du conseil métropolitain de la Métropole Nice Côte d'Azur ayant fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2018 et 2019, qui est manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses exposées pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères, sont ainsi entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la délibération qui a considéré l'excédent de recettes constaté en 2018 sur le budget annexe de gestion des déchets ménagers comme libre d'affectation est illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande pour irrecevabilité ;
- les moyens invoqués par l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur ne sont pas fondés ;
- dans l'hypothèse où l'action serait jugée recevable, seuls les contribuables qui ont déposé une réclamation individuelle dans les conditions prévues à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales peuvent bénéficier du droit invoqué ;
- dans l'hypothèse où un droit serait reconnu à l'ensemble des contribuables, les effets de la reconnaissance de droit doivent être modulés dans le temps.
Par une ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de M. A..., inspecteur divisionnaire représentant le ministre.
Considérant ce qui suit :
1. L'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à la charge des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur au titre des années 2018 et 2019 et, d'autre part, la condamnation de l'Etat au remboursement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2018 mise à la charge des contribuables, majorée des intérêts moratoires au taux de 0,20 % par mois, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, ainsi que de la Métropole Nice Côte d'Azur au remboursement de la de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2019 mise à la charge des contribuables, majorée des mêmes intérêts. Elle relève appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité, en l'absence de réclamation préalable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt (...) Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 77-12-4 de ce code : " (...) la décision attaquée est la décision de rejet explicite ou implicite opposée par l'autorité compétente à la réclamation préalable formée par le demandeur à l'action. Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité compétente sur la réclamation préalable vaut décision de rejet (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'une action en reconnaissance de droits doit, à peine d'irrecevabilité, être dirigée contre un refus opposé à l'association régulièrement déclarée ou au syndicat professionnel régulièrement constitué qui, en vertu des dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, sont seuls compétents pour introduire une telle action.
3. En premier lieu, l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur, dont il n'est pas contesté qu'elle est une association régulièrement déclarée agissant en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt et dont l'objet statutaire comporte la défense de cet intérêt, soutient que, les dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, issues de l'article 93 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, instituent l'action en reconnaissance de droits au stade juridictionnel et non pas à celui de la réclamation préalable. Elle en conclut que l'article R. 77-12-4 du même code, issu de l'article 8 du décret n° 2017-888 du 6 mai 2017, est illégal et doit être écarté. Toutefois, ce décret se borne à préciser les conditions d'application des dispositions législatives relatives à l'action en reconnaissance de droits. Il entrait dans la compétence du pouvoir réglementaire de fixer les règles applicables à la procédure contentieuse devant les juridictions administratives, les règles relatives à la réclamation préalable n'étant pas détachables de cette procédure. Dans ces conditions, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur soutient que, dès lors que des contribuables de la Métropole de Nice Côte d'Azur ont déposé des réclamations contentieuses aux fins de contester la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre des années 2018 et 2019, rejetées par l'administration par des décisions du 8 septembre 2020, elle était recevable à engager une action collective en reconnaissance de droits, le contentieux étant lié au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Toutefois, aux termes mêmes de l'article R. 77-12-4 de ce code, c'est le demandeur à l'action, association régulièrement déclarée ou syndicat professionnel régulièrement constitué, qui doit former une réclamation préalable. Le " demandeur à l'action " ne saurait ainsi être entendu comme l'ensemble des contribuables aux intérêts desquels la requérante intervient. Par ailleurs, c'est la réclamation préalable qu'il incombe à l'auteur d'une action en reconnaissance de droits de former auprès de l'autorité compétente qui permet de lier le contentieux, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée étant alors interrompus. Ainsi, la circonstance que des contribuables ont déposé des réclamations individuelles qui ont été rejetées n'a pas pour effet de rendre recevable l'action en reconnaissance de droits engagée sans réclamation préalable par l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur.
5. En troisième lieu, l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur soutient que dès lors que l'article R. 197-1 du livre des procédures fiscales prévoit que les réclamations en matière fiscale doivent être individuelles, elle ne pouvait présenter une action collective pour le compte des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur au stade de la réclamation préalable. Toutefois, selon l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, " L'action collective est présentée, instruite et jugée selon les dispositions du présent code, sous réserve du présent chapitre ". Ainsi, les dispositions règlementaires de l'article R. 197-1 du livre des procédures fiscales, relatives aux litiges fiscaux tendant en règle générale à la décharge d'une imposition individuelle, ne sont pas applicables. Le moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".
7. Il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser et qu'il doit être procédé à cette invitation par lettre remise contre signature ou par tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi par ailleurs que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé. Il résulte de l'instruction que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation préalable était opposée dans le mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Nice le 15 avril 2021, mis à disposition et reçu par l'avocat de l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur le même jour, qui a d'ailleurs présenté un mémoire en réplique enregistré le 20 avril 2021 dans lequel elle contestait être tenue de déposer une réclamation préalable. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en rejetant la demande sans invitation à régulariser par un jugement pris après audience publique, après avoir accueilli la fin de non-recevoir soulevée en défense.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des prétentions de l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande pour irrecevabilité. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement ainsi que de décharge et de condamnation assortie des intérêts moratoires susvisées doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense des contribuables de la Métropole Nice Côte d'Azur et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la Métropole Nice Côte d'Azur et à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.
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N° 21MA03521