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24/01/2023 | FRANCE | N°21MA03047

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 24 janvier 2023, 21MA03047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice :

- d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la société Enedis sur sa demande du 23 février 2018 tendant à ce qu'il soit mis fin à l'emprise irrégulière constituée par l'implantation d'un poteau électrique sur sa propriété, sise 32 route de Pégomas, à Grasse, sur la parcelle cadastrée section CI n° 203 ;

- d'enjoindre à la société Enedis de procéder, à ses frais et risques, à l'enlèvement

de cet ouvrage et à la remise en état des lieux, dans un délai d'un mois à compter de la notificatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice :

- d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la société Enedis sur sa demande du 23 février 2018 tendant à ce qu'il soit mis fin à l'emprise irrégulière constituée par l'implantation d'un poteau électrique sur sa propriété, sise 32 route de Pégomas, à Grasse, sur la parcelle cadastrée section CI n° 203 ;

- d'enjoindre à la société Enedis de procéder, à ses frais et risques, à l'enlèvement de cet ouvrage et à la remise en état des lieux, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

- de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette emprise irrégulière ;

- de rejeter les conclusions à fin d'homologation de l'accord de médiation présentées par la société Enedis ;

- de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802801 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, enjoint à la société Enedis de procéder au déplacement de ce poteau électrique, dans un délai de six mois à compter de la notification de ce jugement et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, a condamné cette société à verser à M. A... une somme de 1 500 euros en réparation de l'atteinte portée à son droit de propriété et, enfin, a mis à la charge de ladite société la somme de 1 500 euros à verser à ce dernier, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés, sous le n° 21MA03047, les 28 juillet 2021 et 1er avril 2022, la société Enedis, représentée par Me Spano, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 8 juin 2021 ;

2°) de rejeter les demandes " reconventionnelles " présentées par M. A....

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Nice a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits de l'espèce dès lors qu'elle démontre que l'atteinte portée à l'intérêt général excède manifestement celle portée à la propriété de M. A... en cas de déplacement du poteau électrique litigieux ;

- le tribunal administratif de Nice n'a pas tenu compte des pièces qu'elle a régulièrement versées aux débats et qui détaillent les travaux extrêmement coûteux à réaliser afin de déplacer cet ouvrage, ni des autorisations requises sur les parcelles cadastrées nos 402, 403, 158 et 480 ; or, à ce jour, certains des propriétaires de ces parcelles ont refusé de signer des conventions de servitude, d'autres ne lui ont pas répondu ; elle se retrouve donc dans une impasse technique en l'état d'un ouvrage implanté depuis plus de soixante ans, sans qu'aucune réclamation n'ait été formulée avant 2017, qui est établi en limite de propriété, et qui était conforme avant la construction d'un bassin d'eau non enterré, devenu une piscine ; en l'état, contrairement à la motivation du jugement attaqué, et alors qu'elle est investie d'une mission de service public et est soumise à une obligation légale de continuité dans la délivrance de l'électricité aux consommateurs, elle établit qu'il est impossible de procéder à ce déplacement, sauf à rompre la desserte en électricité d'au moins deux propriétés ;

- contrairement à ce que soutient M. A... dans son mémoire en défense, son moyen n'est pas inopérant car il a été porté à la connaissance des premiers juges avant l'audience.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2022, M. A..., représenté par Me Grech, conclut :

- au rejet de la requête ;

- " à titre reconventionnel " :

. à ce que l'injonction de déplacement du poteau litigieux soit assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

. à ce que la société Enedis soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'atteinte à son droit de propriété et la somme de 4 000 euros en raison de son préjudice moral ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la Cour devra confirmer le jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Nice le 8 juin 2021 :

. le moyen invoqué par la société Enedis et tiré de l'impossibilité technique de procéder au déplacement compte tenu du refus des riverains de régulariser des conventions de servitude est inopérant dès lors que la société Enedis ne l'avait pas fait valoir elle-même en première instance, alors qu'elle était en mesure de le faire ;

. ce moyen est, en tout état de cause, infondé alors que la société Enedis persiste à invoquer des obstacles techniques ou juridiques au déplacement de l'ouvrage en cause, sans apporter d'éléments justificatifs ;

- à titre reconventionnel :

. si le tribunal administratif de Nice a reconnu son préjudice né de l'atteinte à sa propriété en lui allouant une somme de 1 500 euros, près d'une année s'est écoulée entre ce jugement et l'arrêt à intervenir ; ce prolongement de l'atteinte à son droit de propriété implique que ce poste de préjudice soit réactualisé et ainsi porté à la somme de 3 000 euros ; faute d'entretien du poteau litigieux, il a pu constater depuis plusieurs mois une importante dégradation, ainsi que celle de la ligne électrique qu'il supporte, ce qui rend l'ouvrage passant au-dessus de la piscine encore plus dangereux ; il en résulte également un préjudice d'agrément et un trouble dans ses conditions d'habitation, les occupants ne pouvant notamment faire usage de la piscine dans des conditions normales ou faire réaliser des travaux de réfection de la toiture ;

. il subit depuis des années la stratégie d'inaction de la société Enedis, ce qui est constitutif d'un préjudice moral dont la réparation devra se traduire par l'allocation d'une somme de 4 000 euros.

Par une ordonnance du 4 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2022, à 12 heures.

II. Par une requête, enregistrée, sous le n° 21MA03048, le 28 juillet 2021, la société Enedis, représentée par Me Spano, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Nice du 8 juin 2021, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative.

Elle soutient avoir développé, au soutien de son appel, des moyens sérieux d'annulation de ce jugement, dont l'exécution aurait, en outre, des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Grech, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le moyen invoqué par la société Enedis tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne paraît pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le rejet des demandes qu'il a présentées, au sens des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 4 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 avril 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces des deux dossiers.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Delas, substituant Me Spano, représentant la société Enedis et de Me Grech, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire, depuis l'année 2009, d'une parcelle cadastrée section CI n° 203, sise 32 route de Pégomas, à Grasse. Par un courrier du 23 février 2018, M. A... a demandé à la société Enedis de déplacer le poteau supportant une ligne électrique qui a été installé sur cette parcelle et de lui verser une somme de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la présence de celui-ci sur sa propriété. Par un jugement du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a principalement enjoint à la société Enedis de procéder au déplacement de ce poteau, dans un délai de six mois à compter de la notification de ce jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard. Il a également condamné la société Enedis à verser à M. A... une somme de 1 500 euros en réparation de l'atteinte portée à son droit de propriété. Dans l'instance enregistrée sous le n° 21MA03047, la société Enedis relève appel de ce jugement tandis que, dans celle enregistrée sous le n° 21MA03048, elle en sollicite le sursis à l'exécution. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la Cour, dans le dossier enregistré sous le n° 21MA03047, à ce que l'astreinte qui assortit l'injonction ainsi prononcée en première instance soit portée à 500 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à ce que la société Enedis soit condamnée à lui verser une somme portée à 3 000 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'atteinte à son droit de propriété ainsi que la somme de 4 000 euros, au titre de son préjudice moral.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées sont présentées par la même société appelante et sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête au fond enregistrée sous le n° 21MA03047 :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général (Conseil d'Etat, 29 novembre 2019, n° 410689, A).

En ce qui concerne l'existence d'une emprise irrégulière par l'installation du poteau litigieux :

4. Aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie, reprenant les dispositions du premier et du deuxième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et dont la conformité à la Constitution a été jugée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-518 QPC du 2 février 2016 : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative (...) ". Selon l'article L. 323-4 du même code, reprenant les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " (...) La déclaration d'utilité publique confère (...) au concessionnaire le droit : 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments ; / 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus (...) ". L'article 1er du décret susvisé du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique énonce que : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. / Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu'elle intervienne en prévision de la déclaration d'utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l'absence de déclaration d'utilité publique, par application de l'article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée. " Il résulte de ces dispositions que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, codifié aux articles L. 323-3 et suivants du code de l'énergie, peuvent être instituées par une convention passée entre le concessionnaire d'un service de distribution d'énergie et le propriétaire de la parcelle concernée.

5. Il résulte de l'instruction que le poteau supportant une ligne électrique dont M. A... demande le déplacement est situé sur la parcelle cadastrée section CI n° 203 dont il est le propriétaire depuis l'année 2009. Il n'est pas contesté que ce poteau a été installé en 1961 sans qu'aucune convention de servitude autorisant cette implantation n'ait été conclue avec les propriétaires successifs de cette parcelle. La circonstance que M. A... ne s'est pas plaint avant l'année 2017 de la présence de cet ouvrage ne peut valoir acceptation de l'emprise ainsi constituée. Dans ces conditions, et en l'absence de déclaration d'utilité publique ou d'une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par les dispositions susvisées de l'article 1er du décret du 6 octobre 1967, le poteau est irrégulièrement implanté sur le terrain de l'intimé.

En ce qui concerne la régularisation de l'implantation du poteau litigieux :

6. Il résulte de l'instruction qu'une régularisation de l'implantation du poteau litigieux n'apparaît pas envisageable à la date du présent arrêt dès lors que, d'une part, suite à l'échec du processus de médiation initié par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, les perspectives d'un accord amiable entre les parties sont inexistantes et, d'autre part, que la société Enedis ne démontre, ni même n'allègue qu'elle aurait engagé une procédure visant à l'institution de la servitude d'utilité publique prévue par les dispositions précitées des articles L. 323-3 et L. 323-4 du code de l'énergie.

En ce qui concerne l'injonction de déplacement du poteau litigieux :

7. Il résulte de l'instruction que la présence des câbles de la ligne électrique supportée par le poteau litigieux constitue un danger pour la sécurité de M. A... dès lors que ces câbles ne sont pas situés à la hauteur réglementaire de sécurité par rapport à la piscine qu'ils surplombent. Si la société Enedis soutient que cette situation s'explique par les travaux réalisés par le précédent propriétaire de la parcelle cadastrée section CI n° 203, lesquels ont consisté en la transformation du bassin d'eau existant en une piscine, cette circonstance n'a pas d'incidence sur l'appréciation de la dangerosité ainsi révélée et l'intimé verse, au demeurant, aux débats l'autorisation d'urbanisme afférente qui a été délivrée par le maire de Grasse par un arrêté du 6 juillet 1994. Alors que ce poteau ne supporte pas le branchement particulier à la maison d'habitation appartenant à M. A..., il résulte également de l'instruction que ces câbles électriques alimentent seulement deux parcelles limitrophes, celles cadastrées section CI nos 403 et 480. Or, il n'est pas sérieusement contesté qu'en cas de déplacement du poteau litigieux grevant la propriété de M. A..., des travaux de raccordement de ces deux parcelles seraient réalisables, et ce d'autant qu'il existe notamment une servitude de canalisation enterrée sur le chemin des Alouettes qui les dessert toutes deux. D'ailleurs, au cours du processus de médiation initié par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, un accord avait été initialement trouvé en ce sens par M. A... et la société Enedis. Si l'appelante se prévaut devant la Cour, tout d'abord, du coût engendré par la réalisation de tels travaux qu'elle chiffre elle-même à la somme totale de 20 335,55 euros, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, un tel coût ne paraît pas excessif. La société Enedis fait ensuite état, dans le cadre de la réalisation de ces mêmes travaux, de la difficulté d'obtenir l'accord des propriétaires voisins pour l'implantation des installations destinées à alimenter en électricité ces deux parcelles cadastrées section CI nos 403 et 480. Il résulte cependant de l'instruction que, parmi les trois propriétés qui pourraient être grevées par ces installations figurent précisément ces deux parcelles. Par ailleurs, si le propriétaire de la parcelle cadastrée section CI n° 403 a manifesté son opposition au projet proposé par la société Enedis, il n'est en tout état de cause pas établi qu'une solution alternative ne pourrait pas être trouvée alors que les limites Ouest tant de la parcelle cadastrée section CI n° 403 que de celle cadastrée section CI n° 480 sont directement situées en limite du chemin des Alouettes. Dans ces conditions, et alors que la société Enedis ne justifie pas d'un risque d'interruption du service public ou de tout autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle à une modification de l'implantation de cet ouvrage, le déplacement du poteau litigieux ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général, eu égard aux inconvénients de sa présence pour M. A....

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nice lui a enjoint de procéder au déplacement du poteau supportant une ligne électrique qui est situé sur la parcelle cadastrée section CI n° 203 appartenant à M. A....

En ce qui concerne l'indemnisation des conséquences dommageables résultant de cette emprise irrégulière :

9. D'une part, eu égard à ce qui vient d'être dit et alors qu'elle ne discute pas du quantum de la somme accordée à l'intimé par les premiers juges, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à M. A... une somme de 1 500 euros, en réparation de l'atteinte à son droit de propriété constitué par la présence de ce poteau sans droit, ni titre.

10. D'autre part, si, comme il vient d'être rappelé, par leur jugement attaqué du 8 juin 2021, les premiers juges ont condamné la société Enedis à verser à M. A... la somme de 1 500 euros, en réparation de l'atteinte à son droit de propriété, ils ont rejeté ses conclusions tendant à obtenir la réparation de son préjudice moral et des troubles qu'il alléguait avoir subis dans ses conditions d'existence du fait de la présence du poteau de distribution électrique, après avoir relevé que l'intimé en avait eu connaissance lorsqu'il avait acquis son bien en 2009, que la maison qu'il habite ainsi que la piscine étaient déjà construites et qu'il ne justifiait pas de démarches en vue de l'enlèvement de ce poteau avant l'année 2017, soit huit années après avoir acquis sa propriété. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la Cour, d'une part, de porter cette somme à 3 000 euros et de lui allouer celle de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Toutefois, et alors qu'il ne peut se borner, à cet égard, à se prévaloir du seul écoulement du temps depuis l'introduction de la présente requête, M. A... n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau susceptible de faire regarder comme erronée l'appréciation ainsi portée par les premiers juges aux points 9 et 10 de leur jugement attaqué et qu'il convient d'adopter. Il suit de là que ces conclusions doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'astreinte :

11. Le présent arrêt rejette l'appel interjeté par la société Enedis à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 juin 2021 qui a accueilli les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... et les a assorties d'une astreinte de 100 euros par jour de retard. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de porter cette astreinte à 500 euros par jour de retard. Les conclusions afférentes présentées par l'intimé doivent donc également être rejetées.

Sur la requête à fin de sursis à exécution enregistrée sous le n° 21MA03048 :

12. La Cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur la requête de la société Enedis, enregistrée sous le n° 21MA03047, tendant à l'annulation du jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Nice le 8 juin 2021, les conclusions de sa requête, enregistrée sous le n° 21MA03048, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 2 000 euros à verser à M. A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Enedis enregistrée sous le n° 21MA03047 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Enedis enregistrée sous le n° 21MA03048 tendant au sursis à l'exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Nice le 8 juin 2021.

Article 3 : La société Enedis versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enedis et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

2

Nos 21MA03047, 21MA03048

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03047
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Liberté individuelle - propriété privée et état des personnes - Propriété - Emprise irrégulière.

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés - Voie de fait et emprise irrégulière.

Energie - Lignes électriques.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SPANO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-24;21ma03047 ?
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