Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 octobre 2020 et 5 juillet 2022, sous le n° 20MA03941, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), représentée par Me Victoria demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2020 du préfet de la Haute-Corse accordant à la société Corsica Verde 3 un permis de construire un parc éolien situé au lieu-dit B... sur le territoire de la commune d'Olmi-Cappella, ainsi que les décisions implicite et expresse des 22 août et 2 septembre 2020 rejetant son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la SAS Corsica Verde 3 la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles R. 423-56 du code de l'urbanisme, L. 4424-39 et R. 4424-33 du code général des collectivités territoriales, en l'absence de saisine de l'Assemblée de Corse ;
- à supposer que cette consultation ait eu lieu, elle a été effectuée dans des conditions irrégulières en violation de l'article R. 423-56 du code de l'urbanisme ;
- le préfet de la Haute-Corse n'a pas soumis le permis de construire en litige à la participation du public prévue par l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement ;
- le projet aurait dû faire l'objet d'une évaluation environnementale au sens des articles L. 122-1 et suivants du code de l'environnement et conformément aux objectifs fixés par la directive n° 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;
- le projet aurait dû faire également l'objet d'une enquête publique, conformément aux dispositions de l'article R. 123-1 du code de l'environnement et dans les conditions fixées par l'article R. 423-57 du code de l'urbanisme ;
- si la Cour devait juger que le projet n'était pas soumis à évaluation environnementale, les dispositions de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement sont applicables en l'espèce, par l'effet de l'article L. 103-1 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ;
- il n'est pas justifié que l'évaluation des incidences Natura 2000 prescrite par arrêté du préfet de la Haute-Corse du 9 juillet 2019 préalablement à l'autorisation du projet en litige ait été jointe au dossier de demande de permis de construire, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-16 c) du code de l'urbanisme ;
- l'évaluation des incidences Natura 2000 réalisée pour le compte du pétitionnaire est insuffisante et méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;
- le projet en litige est identifié par le CEREMA parmi les projets éoliens en cours de développement qui figurent sur des secteurs à éviter, en raison du risque pour la conservation des espèces rares ou menacées de rapaces de Corse ;
- il viole les dispositions des articles R. 111-26 du code de l'urbanisme, L. 122-1-1 et R. 122-13 du code de l'environnement ;
- il est contraire aux dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme au regard de son impact sur le paysage montagnard ;
- il viole les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors qu'il porter atteinte aux paysages naturels emblématiques et identitaires de la Corse ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de l'impact fort du projet en litige sur les espèces animales patrimoniales, protégées, rares ou menacées et l'atteinte aux paysages caractéristiques de la montagne Corse.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 4 mai et 26 août 2022, la société par action simplifiée (SAS) Corsica Verde 3, représentée par Me Muscatelli, conclut au rejet de la requête de la Ligue pour la protection des oiseaux et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la Ligue pour la protection des oiseaux ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de la Ligue pour la protection des oiseaux.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la Ligue pour la protection des oiseaux ne sont pas fondés.
Par une lettre du 2 décembre 2022, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de surseoir a` statuer en vue de la régularisation des vices tirés de :
- l'absence d'évaluation environnementale en raison de l'inconventionnalité´ de l'article R. 122-2 du code de l'environnement au regard de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;
- l'absence d'enquête publique ;
- l'insuffisance de l'évaluation des incidences Natura 2000 qui n'analyse pas les incidences du projet sur le Gypaète barbu et, le cas échéant, la méconnaissance du VII de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;
- la méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme s'agissant du Porte-Queue corse et la Noctuelle des Peucédans.
Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit des observations à la lettre du 2 décembre 2022.
Par un mémoire, enregistré le 27 décembre 2022, la LPO a produit des observations à la lettre du 2 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la directive n° 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979 ;
- la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 modifiée par la directive n° 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Victoria, représentant la Ligue pour la protection des oiseaux.
Considérant ce qui suit :
1. La société Corsica Verde 3 a déposé, le 7 juin 2019, une déclaration initiale d'une installation classée relevant du régime de la déclaration et, le 13 juin 2019, une demande de permis de construire pour l'édification et l'exploitation d'un parc éolien composé de dix-sept aérogénérateurs et un poste de livraison au lieu-dit B... sur le territoire de la commune d'Olmi-Cappella. Par une décision implicite du 9 mars 2020, le préfet de la Haute-Corse a rejeté cette demande. Par un arrêté du 17 mars 2020, le préfet a retiré sa décision du 9 mars 2020 et a accordé l'autorisation d'urbanisme sollicitée. Par un recours gracieux du 22 juin 2020, la LPO a demandé au préfet de retirer cet arrêté. Ce recours a été rejeté par une décision implicite le 22 août 2020. Le 2 septembre 2020, le préfet de la Haute-Corse a rejeté expressément le recours gracieux précité. La LPO demande à la Cour l'annulation de cet arrêté du 17 mars 2020 et des décisions implicite et expresse des 22 août et 2 septembre 2020 rejetant son recours gracieux.
Sur la légalité du permis de construire en litige :
En ce qui concerne l'absence de consultation de l'Assemblée de Corse :
2. Aux termes de l'article L. 4424-39 du code général des collectivités territoriales : " Dans le respect des dispositions du plan de la nation, la collectivité territoriale de Corse : / 1° Elabore et met en oeuvre le programme de prospection, d'exploitation et de valorisation des ressources énergétiques locales de Corse, qui porte sur (...) l'énergie éolienne (...) et qui comporte également des mesures destinées à favoriser les économies d'énergie ; / 1° bis Est préalablement consultée sur tout projet d'implantation d'un ouvrage de production utilisant les ressources locales énergétiques mentionnées au 1°. Cette consultation prend la forme d'une délibération de l'Assemblée de Corse, sur proposition du conseil exécutif de Corse ; (...) ". L'article R. 4424-33 du même code dispose que : " La consultation de l'Assemblée de Corse mentionnée au 1° bis de l'article L. 4424-39 est effectuée dans les conditions prévues à l'article R. 423-56 du code de l'urbanisme. ". Et l'article R. 423-59 du code de l'urbanisme dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 752-4, L. 752-14 et L. 752-17 du code de commerce et des exceptions prévues aux articles R423-60 à R423-71-1, les collectivités territoriales, services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable ". Selon l'article R. 423-56 du code de l'urbanisme : " Lorsque la demande porte sur un projet d'implantation en Corse d'un ouvrage de production utilisant (...), l'énergie éolienne (...), le service chargé de l'instruction adresse un exemplaire du dossier de la demande au conseil exécutif, en vue de la saisine de l'Assemblée de Corse, conformément au 1° bis de l'article L. 4424-39 du code général des collectivités territoriales. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 27 juin 2019, le préfet de la Haute-Corse a saisi l'Assemblée de Corse sur le projet de parc en litige. Si ce courrier est adressé à " l'Assemblée de Corse / ouvrage de production d'énergie en Corse " au lieu du conseil exécutif de cette assemblée tel que prévu par les dispositions de R. 423-56 du code de l'urbanisme, cette circonstance est restée sans incidence sur la légalité des décisions attaquées dès lors que cette demande d'avis était suffisamment précise sur son objet pour qu'elle soit adressée au service compétent de l'Assemblée de Corse dont, en tout état de cause, l'avis était réputé favorable au terme d'un délai d'un mois en application de l'article R. 423-59 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, le préfet n'a pas à justifier de la notification de courrier, ce dernier n'étant pas obligatoirement adressé accompagné d'un accusé de réception.
En ce qui concerne l'absence d'évaluation environnementale :
4. La transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle. Pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.
5. Aux termes du 1. de l'article 2 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dont le délai de transposition a expiré le 16 mai 2017 : " Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leur incidence sur l'environnement. Ces projets sont définis à l'article 4. ". Le 2. de l'article 4 de la directive dispose que : " (...) pour les projets énumérés à l'annexe II, les Etats membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation (...). Les Etats membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'Etat membre. Les Etats membres peuvent décider d'appliquer les deux procédures visées aux points a) et b) ". Aux termes du 3. du même article : " Pour l'examen au cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l'annexe III. (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. ". L'annexe III de la directive définit les " critères visant à déterminer si les projets figurant à l'annexe II devraient faire l'objet d'une évaluation des incidences sur l'environnement ", à savoir " 1. Caractéristique des projets (...) considérées notamment par rapport : a) à la dimension (...) ; b) au cumul avec d'autres projets existants et/ou approuvés ; c) à l'utilisation des ressources naturelles (...) ; (...) / 2. Localisation des projets / La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte : (...) b) la richesse relative, la disponibilité (...) des ressources naturelles de la zone (...) ; c) la capacité de charge de l'environnement naturel (...) / 3. Types et caractéristiques de l'impact potentiel / Les incidences notables probables qu'un projet pourrait avoir sur l'environnement doivent être considérées (...) en tenant compte de : a) l'ampleur et l'entendue spatiale de l'impact (...) ; b) la nature de l'impact ; (...) e) la probabilité de l'impact ; (...) ". L'article R. 122-2 du code précité dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté prévoit que : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ".
6. Il résulte des termes de la directive, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, que l'instauration, par les dispositions nationales, d'un seuil en-deçà duquel une catégorie de projets est exemptée d'évaluation environnementale n'est compatible avec les objectifs de cette directive que si les projets en cause, compte tenu, d'une part, de leurs caractéristiques, en particulier leur nature et leurs dimensions, d'autre part, de leur localisation, notamment la sensibilité environnementale des zones géographiques qu'ils sont susceptibles d'affecter, et, enfin, de leurs impacts potentiels, ne sont pas susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine.
7. Les dispositions de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement assujettissent les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs comprenant uniquement des aérogénérateurs dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est inférieure à 50 m et au moins un aérogénérateur dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 12 m, lorsque la puissance totale installée est inférieure à 20 MW au régime de la déclaration, de telles installations étant exemptées d'évaluation environnementale, sans que soit prise en compte la localisation de cette installation. Le critère de la localisation du projet s'apprécie notamment au regard de la qualité et de la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone concernée.
8. En l'espèce, le projet de parc éolien en litige étant composé de dix-sept aérogénérateurs d'une hauteur de 43,95 m chacun et représentant une puissance totale de 15,3 MW, il relève ainsi du régime de la déclaration prévue par l'article L. 512-8 du code de l'environnement. Toutefois, ce projet se situe dans une zone de forte sensibilité environnementale, plus particulièrement dans le périmètre du parc naturel régional de Corse à proximité de quatre sites Natura 2000, la ZSC - Rivière et vallée du Fango (FR9400577), située à 100 m au Sud-Est du projet et traversée par la piste d'accès, la ZPS - Cirque de Bonifatu (FR9412003), située à 13 km au Sud-Est du projet, la ZPS - Golfe de Porto et presqu'île de Scandola (FR9410023), située à 4,5 km à l'ouest du projet et la ZPS - Forêts territoriales de Corse (FR9410113), située à 7,7 km au Sud-Est dudit projet. Ces ZPS abritent, par ailleurs, des espèces protégées vulnérables d'intérêt communautaire comme le Gypaète barbu sensible à l'éolien sur laquelle le projet est susceptible d'avoir des incidences importantes en raison du faible nombre de population de l'espèce. En outre, le rapport du centre d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) inclut le site d'implantation du projet parmi les secteurs où le développement des parcs éoliens est à éviter en raison du risque d'impact sur les espèces de rapaces nicheuses en Corse telles que le Gypaète barbu, l'Aigle royal, le Milan royal et l'Autour des Palombes. Par suite, eu égard à sa localisation et à son importance, le projet porté par la société Corsica Verde 3 devait faire l'objet d'une évaluation environnementale par application de la directive du 31 décembre 2011. Les dispositions de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, qui, en tant qu'elles se fondent exclusivement sur la nature et la dimension du projet sans prendre en compte sa localisation pour exclure toute évaluation environnementale, sont contraires aux dispositions précises et inconditionnelles de cette directive et doivent être en l'espèce écartées.
En ce qui concerne l'absence d'enquête publique et de consultation du public en violation des articles L. 123-2 et L. 123-19-2 du code de l'environnement :
9. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. (...) ". Selon l'article L. 123-2 du même code : " I. - Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 à l'exception : (...) / des projets de caractère temporaire ou de faible importance dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat ; / des demandes de permis de construire et de permis d'aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. Les dossiers de demande pour ces permis font l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 ; (...) ". L'article L. 123-19-2 du code précité dispose que : " I.- Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. Les décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent une décision appartenant à une telle catégorie ne sont pas non plus soumises aux dispositions du présent article. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. (...) ".
10. En premier lieu, le projet de parc éolien en litige devant faire l'objet d'une évaluation environnementale, ainsi qu'il vient d'être dit au point 8, il devait dès lors être soumis à une enquête publique en application de l'article L. 123-2 du code de l'environnement.
11. En second lieu, si la LPO soutient que le projet de parc éolien de B... doit faire l'objet d'une consultation du public, l'enquête publique mentionnée au point 10, a pour objet d'assurer l'information et la participation du public.
En ce qui concerne l'absence de motivation de l'arrêté attaqué :
12. L'article L. 424-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision autorise un projet soumis à évaluation environnementale, elle comprend en annexe un document comportant les éléments mentionnés au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement. " Aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date des décisions contestées : " I.- L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. / La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement dans sa version en vigueur jusqu'au 1er juin 2012 : " I.-Sous réserve des dispositions du II et du III ci-dessous, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le ministre chargé de l'environnement : / 1° Pour les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements pour lesquels la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est prise par décret ou par un ministre ainsi que, sauf disposition réglementaire particulière, si cette décision relève d'une autorité indépendante ; / 2° Pour tout projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, lorsque ce projet fait l'objet d'une étude d'impact dont il décide de se saisir en application du 5° du II de l'article L. 122-3. / II. - L'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable pour les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements qui donnent lieu à une décision du ministre chargé de l'environnement ou à un décret pris sur son rapport ainsi que pour les projets qui sont élaborés par les services déconcentrés dans les domaines relevant des attributions du même ministre ou sous la maîtrise d'ouvrage d'établissements publics relevant de sa tutelle. Pour l'application du présent alinéa, est pris en compte l'ensemble des attributions du ministre chargé de l'environnement telles qu'elles résultent des textes en vigueur à la date à laquelle l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement est saisie. /III.-Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé ou, lorsque le projet est situé sur plusieurs régions, le préfet coordonnateur désigné par le Premier ministre. Dans ce dernier cas, le préfet coordonnateur consulte, avant de rendre son avis, les autres préfets de région concernés par le projet. / IV.- Les autorités administratives de l'Etat compétentes en matière d'environnement mentionnées ci-dessus rendent leur avis après avoir consulté, au titre de leurs attributions dans le domaine de l'environnement, les préfets des départements sur le territoire desquels est situé le projet, ainsi que, le cas échéant, le préfet maritime au titre des compétences en matière de protection de l'environnement qu'il tient du décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'action de l'Etat en mer ".
13. Ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la décision qui serait une condition de sa légalité. Par ailleurs, la LPO ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement dès lors qu'elles ont été abrogées par décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 et ne prévoyaient pas que la décision de l'autorité compétente devait être motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement.
En ce qui concerne l'absence de l'évaluation des incidences Natura 2000 au dossier de demande de permis de construire :
14. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) / c) Le dossier d'évaluation des incidences du projet sur un site Natura 2000 prévu à l'article R. 414-23 du code de l'environnement, dans le cas où le projet doit faire l'objet d'une telle évaluation en application de l'article L. 414-4 de ce code. Toutefois, lorsque le dossier de demande comporte une étude d'impact, cette étude tient lieu de dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 si elle satisfait aux prescriptions de l'article R. 414-23 du code de l'environnement, conformément aux dispositions prévues à l'article R. 414-22 de ce code ; (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que la société Corsica Verde 3 a déposé, le 7 juin 2019, une déclaration initiale d'une installation classée relevant du régime de la déclaration. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet de la Haute-Corse a prescrit la production d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur les espèces d'intérêt communautaire susceptibles d'être impactées par la construction et l'exploitation du parc éolien de B.... Le 9 octobre 2019, la société pétitionnaire a déposé des compléments à sa demande de permis de construire dont l'évaluation Natura 2000. Par courrier du 27 novembre 2019, le préfet de la Haute-Corse a sollicité du pétitionnaire qu'il complète cette évaluation, ce qu'il a fait par un dépôt complémentaire enregistré le 6 février 2020. Par suite, le moyen tiré de la violation du c) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme manque en fait et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le caractère insuffisant de l'évaluation des incidences Natura 2000 et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 414-4 du code de l'environnement :
16. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après "Évaluation des incidences Natura 2000" : / (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout (...) projet (...) si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. / (...) VII. - Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge (...) du bénéficiaire du (...) projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, (...). La Commission européenne en est tenue informée. / VIII. - Lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, l'accord mentionné au VII ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l'environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur. "
17. Ces dispositions transposent en droit français celles de l'article 6 de la directive n° 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage (directive " Habitats ") et de son article 7, qui en étend l'application aux sites désignés par l'article 4 de la directive n° 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, remplacée par la directive N) 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive " Oiseaux ").
18. Il résulte des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, éclairées par l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne aux dispositions de la directive européenne qu'elles transposent, que l'autorisation d'un projet entrant dans leur champ d'application ne peut être accordée qu'à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés tous les aspects dudit projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d'autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site Natura 2000 concerné, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, aient acquis la certitude qu'il est dépourvu d'effets préjudiciables sur les objectifs de conservation du site. Il en est ainsi lorsqu'il ne subsiste aucun doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à l'absence de tels effets.
19. Aux termes de l'article R. 414-23 du même code : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi, (...) s'il s'agit (...) d'un projet (...), par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire (...). / Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / (...) II. - Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que (...) le projet (...) peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l'autorité chargée d'approuver le document de planification, le maître d'ouvrage, le pétitionnaire ou l'organisateur, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / III. - S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que le (...) projet (...) peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation (...), sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. / IV. - Lorsque, malgré les mesures prévues au III, des effets significatifs dommageables subsistent sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier d'évaluation expose, en outre : / 1° La description des solutions alternatives envisageables, les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution que celle retenue et les éléments qui permettent de justifier (...) la réalisation (...) du projet (...), dans les conditions prévues aux VII et VIII de l'article L. 414-4 ; / 2° La description des mesures envisagées pour compenser les effets dommageables que les mesures prévues au III ci-dessus ne peuvent supprimer. Les mesures compensatoires permettent une compensation efficace et proportionnée au regard de l'atteinte portée aux objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et du maintien de la cohérence globale du réseau Natura 2000. (...) ; / 3° L'estimation des dépenses correspondantes et les modalités de prise en charge des mesures compensatoires (...). "
S'agissant de l'absence d'évaluation des incidences sur le Gypaète barbu :
20. En premier lieu, selon l'annexe de l'arrêté du 4 juillet 2018 modifiant la liste des espèces d'oiseaux justifiant la désignation de sites Natura 2000 situés en région Corse, le Gypaète barbu est répertorié au titre de la ZPS FR9410107 " Haute vallée d'Asco, forêt de Tartagine et aiguilles de Popolasca ", ainsi que dans la ZPS FR 9410113 " Forêts territoriales de Corse ". Toutefois, l'évaluation des incidences Natura 2000 du projet en litige ne procède pas à l'analyse des incidences du projet sur cette espèce alors que cette même évaluation a relevé que le Gypaète barbu était présent dans l'air d'étude rapprochée en période de " transit/migration/hivernage " et qu'il présentait un enjeu écologique très fort. Par ailleurs, le rapport du CEREMA produit par la LPO indique que cette espèce est en danger critique d'extinction en Corse (liste rouge UICN - 5 couples connus), classé " en danger " au niveau national et faisant l'objet d'un plan national d'action (PNA). Il mentionne que les Gypaètes ont une hauteur de vol qui les met régulièrement en risque de collision et que les juvéniles et immatures volent en grande majorité à une altitude inférieure à 200 m au-dessus du sol, les plaçant ainsi régulièrement dans la zone de danger de rotation de pales d'éoliennes. Le risque de collision en cas de développement de projets éoliens dans leur domaine vital est donc largement confirmé. Ce rapport indique également que l'implantation du projet de parc éolien en cause se trouve en limite du domaine vital du Gypaète barbu où celui-ci a le cœur de son activité et dans le domaine vital où l'espèce passe 95 % de son temps, ainsi que dans la zone de sensibilité des 15 kilomètres autour des nids charniers. L'étude d'impact du projet relève aussi l'incursion de jeunes vers le secteur d'Olmi-Capella et estime que l'évaluation du risque de collision est fort. Elle en conclut que tout cas de mortalité serait de nature à remettre en cause la présence de l'espèce sur le territoire corse. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évaluation des incidences Natura 2000 aurait procédé à l'analyse de l'incidence du projet sur Gypaète barbu alors qu'elle constate que cette espèce est présente dans l'air d'étude rapprochée en période de " transit/migration/hivernage " et est liée à un enjeu écologique très fort. Cette évaluation est dès lors entachée d'insuffisance au sens des dispositions précitées du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement laquelle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise.
21. En second lieu, l'évaluation des incidences Natura 2000 du projet prévoit une mesure MR4 consistant à équiper les éoliennes d'un dispositif Safewind repris par les prescriptions de l'arrêté contesté. Toutefois, une étude du CNRS réalisée en juin 2021 estime que malgré leur mise en place sur certains parcs, des mortalités par collision sont toujours constatées et que ces systèmes de détection-réaction sont considérés comme un moyen de réduction de la mortalité et non d'évitement. Un tel dispositif ne permet pas ainsi d'exclure le risque de collision avec des éoliennes. Par suite, une telle mesure n'est pas susceptible de réduire à un niveau acceptable les risques élevés d'atteinte à cette espèce eu égard à la gravité de la menace d'extinction qui pèse sur elle. Dans ces conditions, il subsiste un doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à la possibilité que le parc projeté, en cas de surmortalité annuelle de plusieurs individus de Gypaète barbu provoquée par des collisions avec les éoliennes, ait des effets significatifs dommageables sur la bonne conservation de cette espèce présente dans la zone du projet. Il en résulte également que le préfet de Haute-Corse ne pouvait autoriser le projet litigieux, à titre dérogatoire, qu'après avoir vérifié qu'étaient remplies les conditions prévues par le VII de l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Par suite, l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de cet article L. 414-4 du code de l'environnement.
S'agissant de l'Aigle royal, du Milan royal et de l'Autour des Palombes :
22. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet se trouve à proximité de plusieurs zones de protection spéciales, FR94120007 Vallée du Regino, FR9410113 Forêts territoriales de Corse et FR9410107 Haute vallée d'Asco, forêt de Tartagine et aiguilles de Popolasca, désignées notamment pour la conservation de l'Aigle royal, du Milan royal et de l'Autour des Palombes. L'examen de l'évaluation des incidences Natura 2000 du projet en litige montre que les incidences du projet sur la perte d'habitat en phase d'exploitation de l'Aigle royal, du Milan royal et de l'Autour des Palombes ont bien été évaluées. Si cette évaluation conclut que le projet n'est à l'origine d'aucune perte d'habitat susceptible de remettre en cause le bon accomplissement du cycle biologique des espèces alors que l'un de ses tableaux indique, pour ces trois espèces, un niveau d'incidence qui reste fort après application des mesures proposées, cette contradiction n'a cependant pas privé les intéressés d'une garantie ni exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'autorité administrative dès lors que l'incidence forte est relevée par le tableau précité.
23. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les risques de collisions sont bien analysés par l'évaluation des incidences Natura 2000 et évalués comme fort pour l'Aigle royal, le Milan royal et l'Autour des Palombes. En outre, la LPO n'établit pas que le projet de parc éolien en cause impliquera certainement une réorganisation spatiale des couples d'Occhiatana et de San Colombanu mais aussi des couples périphériques par effet de domino, ni la présence d'aigles erratiques dans la zone d'implantation du projet. Par suite, la société Corsica Verde 3 n'avait pas à entreprendre une étude des incidences sur cette population. Dès lors, cette évaluation n'est pas entachée d'insuffisance sur ce point.
24. En troisième lieu, l'évaluation des incidences Natura 2000 indique que le niveau d'incidence potentiel sur le risque de collision est fort pour l'Autour des Palombes, l'Aigle royal ainsi que pour le Milan royal. Par ailleurs, le tableau des impacts résiduels relève que le risque de mortalité d'individus par collision après application des mesures MR1 et MR4, reste " faible à moyen " pour l'Aigle royal dont deux couples nicheurs sont proches du site d'implantation, faible pour le Milan royal, et moyen pour l'Autour des Palombes. Les mesures MR1 et MR4 consistent, respectivement, en un entretien régulier par fauchage en vue de maintenir un couvert végétal pauvre aux pieds des éoliennes afin de ne pas créer des réserves à insectes et à la mise en place sur chaque éolienne d'un système de détection Safewind bénéficiant de fonction de dissuasion acoustique et de régulation du rotor. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 21, ce système ne permet pas d'exclure le risque de collision avec des éoliennes. Par suite, il subsiste un doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à la possibilité que le parc projeté, en cas de surmortalité annuelle de plusieurs individus provoquée par des collisions avec les éoliennes, ait des effets significatifs dommageables sur la bonne conservation des populations de ces espèces. Il en résulte également que le préfet de la Haute-Corse ne pouvait autoriser le projet litigieux, à titre dérogatoire, qu'après avoir vérifié qu'étaient remplies les conditions prévues par le VII de l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Par suite, l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.
S'agissant de l'absence d'analyse des effets cumulés du projet avec les autres parcs éoliens de Corse :
25. Il ne ressort pas de l'évaluation des incidences Natura 2000 que les effets cumulés avec les autres parcs éoliens de Corse auraient été analysés alors qu'il ressort d'une carte produite au dossier par la LPO et figurant dans le rapport du CEREMA que plusieurs parcs seraient en projets avancés ou existants comme ceux notamment de Bocca Di l'Azzone et de Calenzana, les plus proches du parc en litige. Ainsi, cette omission a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'autorité administrative.
S'agissant de l'absence de mention des noms des auteurs de l'évaluation des incidences Natura 2000 :
26. Si la LPO soutient qu'il n'est pas indiqué le nom des auteurs de l'évaluation des incidences Natura 2000, une telle information n'est pas exigée par les dispositions de l'article R. 414-3 du code de l'environnement. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme :
27. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. ". Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. (...) II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : 1° Le principe de précaution, (...) 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ;(...) / III. - L'objectif de développement durable, tel qu'indiqué au II est recherché, de façon concomitante et cohérente, grâce aux cinq engagements suivants (...) 2° La préservation de la biodiversité, des milieux, des ressources ainsi que la sauvegarde des services qu'ils fournissent et des usages qui s'y rattachent ; (...) ".
28. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être. Eu égard à la marge d'appréciation que ces dispositions laissent à l'autorité administrative, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, d'apprécier si elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en autorisant la construction projetée, le cas échéant assortie de prescriptions spéciales.
S'agissant du Porte-Queue de Corse et de la Noctuelle du Peucédan :
29. Il ressort de l'étude d'impact du projet et de l'évaluation des incidences Natura 2000 que le Porte-Queue de Corse et la Noctuelle du Peucédan sont des espèces protégées déterminante de la ZNIEFF de Corse et inscrites sur la liste rouge nationale comme espèces vulnérables. Or selon ces deux études, ces espèces de papillons ont été observées sur l'ensemble du site d'implantation du projet en litige. Cette étude précise que l'enjeu de conservation sur l'aire d'étude rapprochée est modéré à fort pour le Porte-Queue de Corse et fort pour la Noctuelle du Peucédan. Les landes à genêt de Salzmann constituent l'habitat de ces deux espèces dont les cartes des habitats naturels et flores identifiés sur le site, indiquent qu'elles sont présentes. L'étude d'impact mentionne que la présence de ces deux espèces protégées sur le site entraîne un enjeu écologique fort et des contraintes réglementaires. Toutefois, l'évaluation des incidences Natura 2000 prévoit une mesure MR1 de réduction des impacts pendant l'exploitation de gestion des plateformes et pieds d'éoliennes dont l'objectif est de ne pas créer de réserves à insectes qui constitueraient un attrait pour les chauves-souris et oiseaux insectivores au pied des éoliennes ce qui augmenterait le risque de collision. Ainsi, afin de limiter l'attractivité du parc éolien, le couvert végétal en pieds d'éoliennes sera maintenu pauvre via un entretien régulier par fauchage. De même, l'arrêté contesté prévoit une zone de débroussaillement qui doit être appliquée conformément à l'arrêté de débroussaillement autour de chacune des éoliennes et plus généralement de chacun des équipements, des pistes et plateformes du projet avec une largeur débroussaillée de 50 mètres minimum qui risque d'impacter ces deux espèces sans toutefois prévoir de prescriptions spéciales en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme relatives à leur protection.
S'agissant de l'absence de prescription concernant l'Oedipode tyrrhénienne et les espèces de reptiles et d'amphibiens :
30. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Oedipode Tyrrhénienne a été traitée dans l'étude d'impact du projet en cause laquelle mentionne qu'il s'agit d'une espèce menacée à surveiller en liste rouge nationale des Orthoptères mais n'est cependant pas protégée. Son enjeu de conservation locale est donc faible. Par suite, l'arrêté contesté n'avait pas à prévoir de prescriptions particulières concernant cette espèce en application de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme.
31. En second lieu, si la LPO soutient que l'arrêté attaqué ne contient pas de prescriptions particulières relatives aux espèces de reptiles et d'amphibiens san préciser de quelle espèce il s'agit, elle ne met pas la Cour à même d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.
S'agissant des rapaces patrimoniaux :
32. En l'espèce, l'arrêté contesté prévoit en son article 7 que les travaux de gros œuvre, concernant l'accès, les terrassements et les fondations ainsi que les travaux d'élagages des espaces arbusifs doivent être réalisés entre le 1er août et le 31 décembre, en dehors des périodes de sensibilité de l'avifaune protégée et que tout rémanent de coupe doit être ôté de l'emprise des travaux avant le 1er janvier afin d'éviter que certaines espèces d'oiseaux n'y trouvent un habitat favorable à leur reproduction. En outre, un expert écologue doit être associé aux travaux durant la période de reproduction afin de s'assurer de l'absence d'espèces nicheuses au sein de l'emprise du projet. En cas de nidification avérée, des mesures d'évitement devront être mises en place pour la sauvegarde des espèces. La LPO qui ne critique pas ces prescriptions n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme concernant les rapaces patrimoniaux.
En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 122-1-1 et R. 122-13 du code de l'environnement :
33. L'article L. 122-1-1 du code de l'environnement dispose dans sa version en vigueur à la date des décisions attaquées que : " I.- L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. / La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-13 du même code : " I. - Les mesures compensatoires mentionnées au I de l'article L. 122-1-1 ont pour objet d'apporter une contrepartie aux incidences négatives notables, directes ou indirectes, du projet sur l'environnement qui n'ont pu être évitées ou suffisamment réduites. Elles sont mises en œuvre en priorité sur le site affecté ou à proximité de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne. Elles doivent permettre de conserver globalement et, si possible, d'améliorer la qualité environnementale des milieux. (...) ".
34. La LPO ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-13 du code de l'environnement, prises pour l'application de l'article L. 122-1-1 du même code, concernant une autorisation environnementale et non applicables à la procédure de délivrance du permis de construire attaqué. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 28, il n'appartient pas à l'autorité administrative d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner.
En ce qui concerne la violation des dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme :
35. Aux termes de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. "
36. En premier lieu, la LPO soutient que les décisions en litige ne permettent pas de préserver l'environnement montagnard du site impactant les espèces protégées qui le fréquentent, notamment le Porte-Queue corse, la Noctuelle des Peucédans, les rapaces patrimoniaux de Corse, notamment l'Aigle royal, le Milan royal ou le Gypaète barbu. Toutefois, les dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme concernent les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard et non les espèces protégées. Ainsi ce moyen doit être écarté comme inopérant.
37. En second lieu, en se bornant à se prévaloir de l'avis défavorable du 9 mars 2017 du conseil scientifique du parc naturel régional de Corse concernant le projet en litige au motif qu'avec des éoliennes de près de 75 m de haut, le projet d'Olmi-Capella sera très probablement visible du Monte Cintu et de deux photomontages montrant des vues éloignées des éoliennes, la LPO ne démontre pas que le parc éolien de B... porterait une atteinte aux paysages emblématiques et identitaires de la Corse depuis le littoral jusqu'au sommet du massif du Cintu. Il s'en suit que ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la violation des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :
38. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
39. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.
40. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de l'étude d'impact que le secteur du projet de parc éolien en litige est localisé autour de B... et Bocca di u Prunu sur le territoire de la commune d'Olmi-Cappela dans la vallée de Giussani. La zone d'implantation correspond à deux crêtes, respectivement d'orientation est/ouest et nord- est/sud-ouest, qui culminent entre 760 et 930 mètres d'altitude. Ces crêtes présentent une végétation marquée par des incendies répétés, représentée essentiellement par des formations basses de fruticées et maquis ponctuées de zones ouvertes soumises à un pâturage extensif. Par ailleurs, la notice paysagère du projet précise que ce dernier se trouve dans l'ensemble paysager du Giussani constitué par un territoire de montagne comportant trois unités paysagères, la vallée de Tartagine qui présente un paysage rural et montagnard où le massif du Cintu en toile de fond est quasi systématiquement présent. La deuxième unité paysagère est constituée par les hautes vallées de Tartagine qui présentent également un paysage de montagne et forestier au pied des crêtes de Muvrella dans le massif du Cintu. La troisième unité paysagère est formée de paysages de montagne transformés par les nombreux incendies. Les sommets sont quasi totalement dénudés tandis que les vallons sont recolonisés par le maquis et la forêt. Par suite, le site ne présente pas de caractère remarquable au sens de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
41. En second lieu, le projet en litige porte sur l'édification d'un parc éolien composé de dix-sept aérogénérateurs d'une hauteur totale de 67 m en bout de pales et un poste de livraison. Sa notice paysagère mentionne que les villages et leurs pentes ne sont pas concernés par des vues et qu'ils sont abrités par les reliefs précédant la zone de projet. Selon cette notice, hormis quelques points de vue depuis les crêtes, l'unité paysagère est hors influence visuelle de la zone de projet. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet serait situé dans le périmètre des abords ou dans le champ de visibilité d'un monument historique ni dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou d'un site classé, comme le précise l'avis du 19 novembre 2019 de l'architecte des Bâtiments de France lequel relève également que le projet ne semble pas avoir d'impact visuel sur les villages de la Tartagine. Il est cependant perceptible depuis le village de Lama situé à 8,5 km des premières éoliennes. L'architecte des Bâtiments de France précise que ce village est reconnu pour ses qualités architecturales, urbaines et paysagères et par son site patrimonial remarquable. Il recommande que les aménagements soient étudiés de sorte de réduire au maximum les impacts visuels depuis le village de Lama de sorte que les cheminements doivent rester les plus naturels possible, les terrassements doivent être minimisés afin de ne pas créer de talus trop importants, les plateformes doivent être d'un ton moyen, proche de la couleur de la terre et la partie supérieures des pylônes et les pales ne doivent pas être blanches mais dans une tonalité de gris pâle. Dans le sens de ces recommandations, l'article 6 de l'arrêté en litige prévoit des prescriptions de nature à limiter l'impact paysager du parc éolien. Ainsi, les façades et les toitures du poste de livraison électrique doivent être habillées d'un bardage en bois ou teintées d'une couleur moyenne ou foncée et les aménagements doivent réduire au maximum les impacts visuels. Les cheminements et les plateformes de montagne doivent présenter l'aspect le plus naturel possible en conservant un ton moyen proche de la couleur de la terre. En outre, la couleur des éoliennes doit avoir les caractéristiques de la nuance se situant dans le domaine du gris. Dès lors, le projet de parc éolien en cause n'est pas susceptible de porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du site et des lieux avoisinants, ainsi qu'aux paysages naturels.
42. Eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 40 et 41, la LPO n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Corse a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire en litige.
En ce qui concerne la violation des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :
43. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " La densité de construction est définie par le rapport entre la surface de plancher de cette construction et la surface de terrain sur laquelle elle est ou doit être implantée. / La superficie des terrains cédés gratuitement en application de l'article R. 332-16 est prise en compte pour la définition de la densité de construction. ".
44. La LPO ne peut utilement soutenir que le projet en litige porte atteinte aux paysages naturels du site en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dès lors que ces dispositions portent sur la densité des constructions.
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :
45. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : (...) c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; (...) / 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; / 7° La lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie des ressources fossiles, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables (...)".
46. La LPO se prévaut des dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, qui visent à la préservation par les collectivités publiques de la qualité de l'air et à la lutte contre le changement climatique, à l'adaptation à ce changement ainsi qu'à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cet article, qui énumère des objectifs généraux, est inséré au chapitre Ier " Objectifs généraux " du titre préliminaire " principes généraux " du livre Ier de ce code " Règlementation urbaine ". Selon l'article L. 101-3 de ce code inséré dans le même chapitre, " la réglementation de l'urbanisme régit l'utilisation qui est faite du sol, en dehors des productions agricoles, notamment la localisation, la desserte, l'implantation et l'architecture des constructions ". L'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme mentionnée à l'article L. 101-2 concerne celle mentionnée au livre Ier, lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme qui, selon l'article L. 151-1 du même code, doit respecter " les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Le régime des autorisations d'urbanisme, dont les permis de construire, relève du livre IV du code de l'urbanisme. Les dispositions de l'article L. 101-2 doivent dès lors être interprétées comme imposant aux auteurs des seuls documents d'urbanisme, à l'exclusion des autorisations d'urbanisme, d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. Par suite, la LPO ne peut utilement soutenir que le permis de construire contesté méconnaît les objectifs énoncés par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme et serait, pour ce motif, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
47. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
48. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
49. Les vices affectant le permis de construire litigieux, relevés aux points 8, 10, 20, 21, 24, 25 et 29 du présent arrêt, apparaissant susceptibles d'être régularisés en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sans que la nature même du projet ne soit modifiée, sous réserve que l'évaluation des incidences Natura 2000 soit complétée concernant les effets du projet sur le Gypaète Barbu et les effets cumulés du projet avec les autres parcs éoliens, de la réalisation d'une évaluation environnementale et d'une enquête publique, du respect des conditions fixées au VII de l'article L. 414-4 du code de l'environnement permettant à l'autorité compétente de donner son accord au projet, en l'absence de solutions alternatives, pour des raisons impératives d'intérêt public majeur, assorti de mesures compensatoires afin de maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000 et enfin que le permis de construire modificatif soit assorti de prescriptions spéciales au titre de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme relatives à la protection du Porte-Queue de Corse et de la Noctuelle du Peucédan.
50. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer et de fixer à un an à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti au préfet de la Haute-Corse pour justifier de l'intervention des mesures de régularisation du permis en litige.
D É C I D E :
Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par la LPO jusqu'à l'expiration du délai d'un an fixé au point 50.
Article 2 : Le préfet de la Haute-Corse fournira à la Cour (greffe de la 7ème chambre), au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.
Article 3 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue pour la protection des oiseaux, à la SAS Corsica Verde 3 et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2023.
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N° 20MA03941
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