Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le maire de Cabriès ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. C... aux fins de procéder à la division de son terrain en deux lots en vue de construire, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux du 18 décembre 2017.
Par une ordonnance n° 1802666 du 9 novembre 2020, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une décision n° 448424 du 9 novembre 2021, enregistrée le 10 mai 2022 au greffe de la cour, le Conseil d'État statuant au contentieux a transmis à la cour de Marseille la requête présentée par M. D... et Mme B....
Par cette requête et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 6 janvier 2021 et le 31 mars 2021, et par un mémoire, enregistré au greffe de la cour le 6 juillet 2022, M. D... et Mme B..., représentés par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano puis par Me Caviglioli, demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 9 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Cabriès du 26 mai 2015 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cabriès la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il ne pouvait être régulièrement statué sur leur demande par ordonnance en l'absence d'invitation à régulariser celle-ci ;
- le premier juge a méconnu les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- étant voisins immédiats du projet, ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir pour l'application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme eu égard à la perte d'agrément et à la perte de valeur de leur bien qui résulteront de la réalisation du projet en relation avec les vues directes possibles sur leur jardin, l'augmentation du trafic automobile, les nuisances sonores, l'aggravation des risques en zone inondable, et au non-respect par le projet des dispositions impératives du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le maire de Cabriès aurait dû s'opposer à la déclaration en litige qui portait sur la création d'un lotissement de plus d'un lot, ce qu'interdit l'article NB1 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet, qui prévoit la création d'une voie de desserte commune aux deux lots créés, entrait en réalité dans le champ d'application du permis d'aménager.
Par des mémoires en défense, enregistrés, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 8 juillet 2021, et, au greffe de la cour, le 15 décembre 2022, M. F... C..., représenté par la SCP Bernard Hemery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer puis par Me Susini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requête a été communiquée à la commune de Cabriès qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Caviglioli, représentant M. D... et Mme B... et de Me Stuart, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 mai 2015, le maire de Cabriès ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. C... aux fins de procéder à la division de son terrain en deux lots en vue de construire. M. D... et Mme B... relèvent appel de l'ordonnance du 9 novembre 2020 par laquelle la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux du 18 décembre 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 222-1 citées au point 1 sont, tout d'abord, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, ensuite, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré.
4. Par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. D... et Mme B... comme manifestement irrecevable, au motif que ceux-ci ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en statuant ainsi sans avoir au préalable invité les requérants à régulariser leur requête en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme et sans les avoir informés des conséquences qu'emporterait un défaut de régularisation dans le délai imparti comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, elle a entaché cette ordonnance d'une irrégularité, quand bien même M. C... avait opposé la fin de non-recevoir correspondante dans son mémoire en défense. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... et Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la recevabilité de la demande de M. D... et Mme B... :
6. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision de non-opposition à déclaration préalable, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
7. M. D... et Mme B... sont propriétaires à Cabriès d'une maison à usage d'habitation au 846 route de la Césarde, de l'autre côté de laquelle se trouve, mais plus au sud, à une vingtaine de mètres, le terrain d'assiette du projet litigieux. Eu égard à cette configuration des lieux, à la présence d'un chemin desservant la propriété des requérants et débouchant sur cette route et à l'existence d'une haie dense et de grande hauteur entourant cette propriété, M. D... et Mme B... ne peuvent être regardés comme voisins immédiats pour l'application des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
8. Les requérants font valoir que le projet est susceptible d'être à l'origine d'une perte d'agrément et d'une perte de valeur de leur bien du fait des vues directes possibles depuis le projet sur leur jardin, de l'augmentation du trafic automobile, des nuisances sonores, de l'aggravation des risques en zone inondable résultant de ce projet et du non-respect par le projet des dispositions impératives du règlement du plan local d'urbanisme. Compte tenu de l'importante végétation entourant leur propriété, les troubles de jouissance relatifs aux vues possibles sont dépourvus de réalité, ainsi que l'établissent les photographies produites par M. C..., alors au demeurant que la décision en litige concerne une non opposition à une déclaration de division foncière qui ne précise ni les conditions d'implantation des constructions à édifier, ni leurs caractéristiques architecturales. Dans la mesure où il ressort des pièces du dossier que le secteur dans lequel se situe le projet et la propriété des requérants comporte déjà des habitations individuelles, le projet de création de deux lots ne peut être regardé comme susceptible d'accroître sensiblement la circulation routière sur la route de la Césarde, qui ne dessert pas uniquement ce quartier. Il en va de même des nuisances sonores qui en résulteraient. M. D... et Mme B... n'apportent pas d'éléments de nature à étayer leurs allégations selon lesquelles le projet d'aménagement lui-même, par ses caractéristiques propres, pourrait accroitre le risque d'inondation de leur fonds. Ils ne peuvent utilement se prévaloir sur ce point de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme pour alléguer que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Dans ces conditions, les atteintes dont les requérants se prévalent pour l'application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ne sont pas susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien et ne leur permettent donc pas de justifier d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2015. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en ce sens par M. C... doit être accueillie. La demande de M. D... et Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cabriès qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... et Mme B... une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 9 novembre 2020 est annulée.
Article 2 : La demande de M. D... et Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 3 : M. D... et Mme B... verseront à M. C... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme E... B..., à M. F... C... et à la commune de Cabriès.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
N° 22MA01346 2
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