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19/01/2023 | FRANCE | N°21MA03717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 janvier 2023, 21MA03717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Peychavar a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 6 août 2018 par laquelle le maire d'Ollioules a retiré la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont elle est devenue titulaire.

Par un jugement n° 1803319 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 août et 29 décembre 2021, la

commune d'Ollioules, représentée par la SELARL LLC et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Peychavar a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 6 août 2018 par laquelle le maire d'Ollioules a retiré la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont elle est devenue titulaire.

Par un jugement n° 1803319 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 août et 29 décembre 2021, la commune d'Ollioules, représentée par la SELARL LLC et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la SCI Peychavar ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Peychavar la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société pétitionnaire a, dans le cadre de la procédure contradictoire mise en œuvre, bénéficié d'un délai suffisant pour présenter ses éventuelles observations relatives à la mesure de retrait envisagée ;

- en tout état de cause, c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure contradictoire dès lors que le maire était en situation de compétence liée pour retirer la décision tacite de non-opposition dont la SCI Peychavar était devenue titulaire ;

- le motif tiré de ce que le projet litigieux méconnaît l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme est fondé ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité compétente.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, la SCI Peychavar, représentée par Me Gaulmin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Ollioules au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune d'Ollioules ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Reghin, représentant la commune d'Ollioules.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Peychavar a déposé, le 7 juin 2018, une déclaration préalable en vue, d'une part, de la création de " restanques en pierres sèches " ainsi que de " clôtures et de portails d'accès " et, d'autre part, de la réalisation d'un aménagement paysager de la parcelle cadastrée section BD n° 8 située sur le territoire de la commune d'Ollioules. Une décision tacite de non-opposition à cette déclaration préalable est née le 7 juillet suivant, à l'expiration du délai d'instruction. Par un arrêté du 6 août 2018, le maire d'Ollioules a implicitement retiré cette décision tacite et s'est expressément opposé à cette déclaration préalable. La commune d'Ollioules relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon, faisant droit à la demande de la SCI Peychavar, a annulé cette décision de retrait.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une décision d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

3. Pour annuler la décision de retrait en litige, les premiers juges ont estimé, d'une part, que cette mesure de retrait a été prise au terme d'une procédure contradictoire entachée d'irrégularité et que la SCI Peychavar avait été effectivement privée d'une garantie et, d'autre part, que le motif, énoncé dans l'arrêté du 6 août 2018, tiré de la méconnaissance de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme est entaché d'illégalité.

4. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire (...), tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions (...) ".

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 121-2 de ce code prévoit que : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Selon l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent (...) une décision créatrice de droits (...) ".

6. La décision portant retrait d'une décision de non-opposition à déclaration préalable est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite et en principe, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire de cette autorisation d'urbanisme d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du même code constitue une garantie pour le titulaire d'une décision de non-opposition que cette autorité entend retirer. La décision de retrait est illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le bénéficiaire a été effectivement privé de cette garantie.

7. D'une part, lorsque le titulaire d'une autorisation d'urbanisme est informé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de ce que le retrait de cette autorisation est envisagé et qu'il retire le pli dans le délai de quinze jours, prévu par l'article R. 1-1-6 du code des postes et des communications électroniques, le juge doit apprécier si le délai d'observation dont bénéficie le titulaire de l'autorisation est suffisant en faisant partir ce délai de la date de retrait du pli et non de sa date de présentation.

8. D'autre part, lorsqu'une décision doit être précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions citées ci-dessus du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative compétente ne peut, en l'absence notamment d'une situation d'urgence, prendre régulièrement cette décision avant l'expiration du délai qu'elle a elle-même imparti à la personne intéressée pour présenter ses observations.

9. Il ressort des pièces du dossier que le pli contenant le courrier du 18 juillet 2018 par lequel le maire d'Ollioules a informé la SCI Peychavar de l'engagement de la procédure contradictoire préalable au retrait envisagé de l'autorisation d'urbanisme tacite née le 7 juillet précédent, a été présenté le 20 juillet 2018 et retiré le 1er août suivant par la société pétitionnaire. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le délai d'observation d'une semaine mentionné dans ce courrier était suffisant pour mettre la société pétitionnaire à même de présenter ses observations. Toutefois, ce délai ayant commencé à courir le 1er août 2018, il devait expirer le 8 août suivant. La décision de retrait en litige a été prise le 6 août 2018, date à laquelle la SCI Peychavar n'avait pas encore présenté d'observations écrites ou orales. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas même allégué par la commune d'Ollioules, que la décision de retrait en litige serait intervenue dans un cas d'urgence de nature à dispenser le maire d'Ollioules de l'obligation de respecter la procédure contradictoire dont il avait lui-même fixé le terme. Dans ces conditions, la SCI Peychavar, qui n'a pas disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations, est fondée à soutenir que la décision de retrait en litige est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière. Il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que la SCI Peychavar a été effectivement privée d'une garantie.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : / a) De leur très faible importance (...) ". L'article R. 421-18 du même code dispose que : " Les travaux, installations et aménagements autres que ceux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme à l'exception : / a) De ceux, mentionnés aux articles R. 421-19 à R. 421-22, qui sont soumis à permis d'aménager ; / b) De ceux, mentionnés aux articles R. 421-23 à R. 421-25, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ". Selon l'article R. 421-23 de ce code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) / f) A moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ".

11. Le 2.1 de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Ollioules prévoit que sont notamment autorisés, à condition qu'ils ne compromettent pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site, les " affouillements et exhaussements du sol rendus nécessaires par l'exploitation agricole ".

12. Le maire d'Ollioules a en substance retenu, dans l'arrêté contesté, que le terrain d'assiette du projet litigieux a déjà donné lieu à une modification du terrain naturel qui, étant sans lien avec une activité ou une exploitation agricole, méconnaît les dispositions de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Les premiers juges ont censuré à juste titre cet unique motif énoncé dans l'arrêté contesté en estimant qu'il était entaché d'une erreur de droit dès lors que la circonstance que les travaux de modification du terrain naturel avaient déjà eu lieu ne faisait pas en elle-même obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée.

13. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la notice descriptive et des plans joints au dossier de déclaration préalable, que le projet litigieux entraîne une modification du terrain naturel et que des travaux d'affouillement et d'exhaussement sont nécessaires à l'aménagement projeté du terrain. La SCI Peychavar soutient, à juste titre, que ces travaux n'étaient pas soumis, eu égard à leur consistance, à déclaration préalable en application des dispositions du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, quand bien même les exhaussements et affouillements en cause ne respecteraient pas les exigences des dispositions de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme, le maire d'Ollioules ne pouvait légalement s'opposer à ces travaux non soumis à déclaration préalable en application du f) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme et divisibles des autres travaux déclarés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Ollioules n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à la demande de la SCI Peychavar.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI Peychavar qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Ollioules la somme de 2 000 euros à verser à la SCI Peychavar sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Ollioules est rejetée.

Article 2 : La commune d'Ollioules versera la somme de 2 000 euros à la SCI Peychavar au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ollioules et à la société civile immobilière Peychavar.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

2

N° 21MA03717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03717
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits.

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits - Conditions du retrait - Cas particuliers - Retrait des autorisations tacites.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : GAULMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-19;21ma03717 ?
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