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19/01/2023 | FRANCE | N°21MA01062

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 janvier 2023, 21MA01062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions du 8 juin 2018 par lesquelles le maire de Sanary-sur-Mer s'est opposé à leurs déclarations préalables déposées le 23 mars 2018 pour la fermeture de la terrasse de leur appartement respectif situé au premier étage de la résidence " Villa Galli " au 49 rue Guy Môquet sur le territoire communal et de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à leur verser chacun la somme de 5 000 euros en réparation de son

préjudice moral.

Par des jugements n° 1803090 et 1803091 du 2 février 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions du 8 juin 2018 par lesquelles le maire de Sanary-sur-Mer s'est opposé à leurs déclarations préalables déposées le 23 mars 2018 pour la fermeture de la terrasse de leur appartement respectif situé au premier étage de la résidence " Villa Galli " au 49 rue Guy Môquet sur le territoire communal et de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à leur verser chacun la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par des jugements n° 1803090 et 1803091 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé les arrêtés attaqués, enjoint à la commune de Sanary-sur-Mer de délivrer aux demandeurs une décision de non opposition à déclaration préalable et rejeté les conclusions indemnitaires des intéressés.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête n° 21MA01062 enregistrée le 1er mars 2021 et un mémoire enregistré le 9 juin 2021, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par Me d'Albenas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 février 2021 en tant qu'il a annulé la décision du 8 juin 2018 et enjoint au maire de Sanary-sur-Mer de prendre une décision de non-opposition à déclaration préalable sur le projet de M. E..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes de M. E... ;

3°) de mettre à la charge du défendeur la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et les dispositions de l'article UA 11 du plan local d'urbanisme en tant qu'il ne respecte pas la teinte dominante des façades de la résidence Villa Galli et porte atteinte à l'unité architecturale du site et à la composition et à la volumétrie architecturale de la résidence ;

- M. E... n'est pas fondé à mettre en cause la responsabilité de la

commune de Sanary-sur-Mer qui est étrangère en l'absence de faute.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2021, M. C... E..., représenté par Me Mathieu, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à lui payer une somme de

5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Sanary-sur-Mer sont infondés ;

- il est obligé de procéder à des travaux d'isolation de son appartement et à exposer des frais de procédure car la commune de Sanary-sur-Mer n'est pas en mesure de mettre fin aux troubles persistants à l'ordre public qu'il subit depuis de nombreuses années ;

- il subit un trouble de jouissance dont il est fondé à demander réparation.

Les deux mémoires enregistrés postérieurement à la clôture d'instruction le 3 janvier 2023 pour la commune de Sanary-sur-Mer, et celui enregistré pour M. E... le 4 janvier 2023 n'ont pas été communiqués.

II - Par une requête n° 21MA01064 enregistrée le 1er mars 2021 et un mémoire enregistré le 9 juin 2021, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par Me d'Albenas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 février 2021 en tant qu'il a annulé la décision du 8 juin 2018 et enjoint au maire de Sanary-sur-Mer de prendre une décision de non-opposition à déclaration préalable sur le projet de Mme B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et condamné la commune de Sanary-sur-Mer à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) rejeter les demandes de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de la défenderesse la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et les dispositions de l'article UA 11 du plan local d'urbanisme en tant qu'il ne respecte pas la teinte dominante des façades de la résidence Villa Galli et porte atteinte à l'unité architecturale du site et à la composition et à la volumétrie architecturale de la résidence ;

- Mme B... n'est pas fondée à mettre en cause la responsabilité de la

commune de Sanary-sur-Mer qui est étrangère en l'absence de faute.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2021, Mme A... B..., représentée par Me Mathieu, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à lui payer une somme de

5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Sanary-sur-Mer sont infondés ;

- elle est obligée de procéder à des travaux d'isolation de son appartement et à exposer des frais de procédure car la commune de Sanary-sur-Mer n'est pas en mesure de mettre fin aux troubles persistants à l'ordre public qu'elle subit depuis de nombreuses années ;

- elle subit un trouble de jouissance dont elle est fondée à demander réparation.

Les mémoires enregistrés postérieurement à clôture d'instruction le 3 et 4 janvier 2023, respectivement pour la commune de Sanary-sur-Mer et Mme B... n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me Chatron représentant la commune de Sanary-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Les affaires enregistrées sous les n° 21MA01062 et 21MA01064 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

2. M. E... et Mme B... sont propriétaires chacun d'un appartement situé au premier étage de la copropriété de la résidence " Villa Galli " située rue Guy Môquet et rue André Tassy, sur une parcelle cadastrée section AP n° 876 sise dans le centre-ville de Sanary-sur-Mer. Ils se plaignent depuis plusieurs années des nuisances engendrées par les incivilités de personnes se rassemblant au pied de leur logement, dans une cour intérieure ouverte à la circulation publique. Ils ont chacun déposé le 23 mars 2018 une déclaration préalable afin de clore leur terrasse par une véranda après avoir obtenu le 13 avril 2017 l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires, laquelle a tenu compte de la localisation de l'ouverture au premier étage et d'un risque d'intrusion. Par des décisions du 8 juin 2018, le maire de Sanary-sur-Mer s'est opposé à leur déclaration préalable au motif que " le projet, par son aspect architectural remet en cause l'harmonie architecturale du bâtiment existant et est de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants, centre ancien de la commune (article R. 111-4 du code de l'urbanisme) ". La commune de Sanary-sur-Mer relève appel de deux jugements du tribunal administratif de Toulon du 2 février 2021 en tant qu'ils ont annulé les décisions du 8 juin 2018. M. E... et Mme B... demandent quant à eux l'annulation de ces jugements en tant qu'ils ont rejeté leurs conclusions indemnitaires.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques " et aux termes de l'article R. 111-27 du même code : "Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes des dispositions de 11.1 de l'article UA 11 du plan local d'urbanisme de Sanary-sur-Mer : " les constructions doivent présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux compatible avec la tenue générale de l'agglomération, les constructions et l'harmonie du paysage ou des perspectives ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si le maire de Sanary-sur-Mer a visé par erreur l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme dans la décision attaquée, il a entendu en réalité opposer au pétitionnaire les dispositions de l'article R. 111-27 du même code, également applicables sur le territoire communal, comme cela ressort clairement de l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le support de cette décision.

5. Les dispositions de l'article R. 111-27 précité permettent de rejeter ou d'assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain. Elles peuvent s'appliquer à des travaux qui affectent l'aspect du bâtiment lui-même sur lequel ils sont exécutés, notamment lorsque, ce bâtiment contribuant au caractère monumental d'une perspective, il est porté atteinte à celle-ci ou lorsque le bâtiment constitue un élément clef du site protégé ou du paysage urbain intéressé.

6. ll ressort des pièces du dossier que l'immeuble dénommé Villa Galli sur lequel portent les projets de M. E... et Mme B... comporte une douzaine de logements et fait partie d'un ensemble plus vaste avec un deuxième immeuble accolé de 34 logements, qui ferment sur deux côtés une place ouverte à la circulation publique formée avec le théâtre Galli. Ils sont classés dans le plan local d'urbanisme en secteur UAb, correspondant aux premières extensions denses autour du centre ancien et qualifié dans le plan local d'urbanisme comme " une zone d'habitat continu d'une grande qualité architecturale comprenant des services centraux et activités ". Les deux immeubles, qui donnent sur la rue Guy Moquet et la rue Tassy présentent une certaine unité architecturale caractérisée par un rez-de-chaussée formé par des ouvertures en plein cintre, surmontées de trois étages présentant des alternances régulières entre pans fermés et terrasses ouvertes. Les projets en litige de M. E... et Mme B... visent à fermer leur terrasse située sur la façade intérieure Est donnant sur la place ouverte à la circulation publique de la résidence Villa Galli, par des baies vitrées constituées de quatre ou cinq ventaux coulissants en aluminium thermo-laqué blanc satiné, d'une hauteur de 1,43 mètres, emportant création d'une surface de plancher déclarée respectivement de 11,82 m² et 16 m². Si la commune soutient que la teinte dominante de la façade de couleur crème n'est pas respectée par le projet, il ressort des pièces du dossier que la couleur blanche des menuiseries choisie pour fermer les terrasses correspond à la couleur des ouvrants et ferrures existants de l'immeuble en litige et de l'immeuble contigu. Si la commune soutient ensuite que la fermeture des terrasses porte atteinte à la composition et à la volumétrie architecturale de la résidence, la fermeture de deux terrasses ne concerne que le premier étage d'une des façades de la cour intérieure, réalisée de manière symétrique, et ne peut être regardée comme portant atteinte à l'unité architecturale du lieu. Au demeurant, la copropriété de l'immeuble l'a expressément autorisée pour ce seul étage et cette seule façade. Par suite, le maire de la commune de Sanary-sur-Mer ne pouvait estimer sans commettre d'erreur d'appréciation que les projets de M. E... et Mme B... portaient atteinte à l'harmonie architecturale du bâtiment au regard des lieux avoisinant en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et des dispositions 11.1 de l'article UA 11 du plan local d'urbanisme communal.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions d'opposition à déclaration préalable de M. E... et Mme B..., a enjoint au maire de Sanary-sur-Mer de prendre des décisions de non-opposition et a mis à sa charge les frais liés aux litiges.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulon, les préjudices moraux allégués par M. E... et Mme B... ne trouvent pas leur cause directe dans l'illégalité fautive du refus d'autorisation d'urbanisme mais ont une origine distincte, résultant de la carence alléguée de la puissance publique dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police générale. En l'absence de lien de causalité direct, et en tout état de cause, M. E... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. E... et Mme B..., qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, les sommes demandées par la commune de Sanary-sur-Mer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. E... et Mme B....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Sanary-sur-mer est rejetée.

Article 2 : Les demandes indemnitaires de M. E... et Mme B... sont rejetées.

Article 3 : La commune de Sanary-sur-mer versera à M. E... et Mme B... chacun une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C... E..., Mme A... B... et à la commune de Sanary-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2023.

2

Nos 21MA01062, 21MA01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01062
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MATHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-19;21ma01062 ?
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