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19/01/2023 | FRANCE | N°20MA04386

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 19 janvier 2023, 20MA04386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le certificat d'urbanisme, délivré le 9 octobre 2017 par le maire de Rians, déclarant non réalisable l'opération envisagée consistant en l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé dans le quartier Saint-Esprit, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre.

Par un jugement n° 1800662 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 novembre 2020 et l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le certificat d'urbanisme, délivré le 9 octobre 2017 par le maire de Rians, déclarant non réalisable l'opération envisagée consistant en l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé dans le quartier Saint-Esprit, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre.

Par un jugement n° 1800662 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 novembre 2020 et le 18 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Kieffer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 octobre 2020 ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif délivré le 9 octobre 2017 par le maire de Rians et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre ;

3°) d'enjoindre au maire de Rians de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de certificat d'urbanisme opérationnel ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Rians la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est illégal ;

- le motif fondé sur l'article L. 111-3 du même code est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- la référence au plan local d'urbanisme alors en cours d'élaboration est erronée, le projet de plan n'étant pas opposable aux pétitionnaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2021, la commune de Rians, représentée par la SELARL LLC et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par lettres du 20 décembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer d'office une injonction de délivrance du certificat d'urbanisme positif sollicité et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations, enregistrées le 22 décembre 2022, ont été présentées par Mme C..., en réponse à cette information, et ont été communiquées le même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me Kieffer, représentant Mme C..., et celles de Me Reghin, représentant la commune de Rians.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Rians a, le 9 octobre 2017, délivré au nom de la commune un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération envisagée, notamment par Mme C..., consistant en l'édification d'une maison individuelle sur une parcelle cadastrée section BN n° 185 située dans le quartier Saint-Esprit. Mme C... relève appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme négatif et de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre.

Sur la légalité des décisions en litige :

2. Il résulte des dispositions du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme que, lorsque la demande précise la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, le certificat d'urbanisme doit notamment indiquer " si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à (...) la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

4. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la sécurité publique justifient la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

5. Pour délivrer le certificat d'urbanisme négatif en litige sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire de Rians a estimé que la défense extérieure contre l'incendie du projet n'est pas assurée, compte tenu de la capacité et du débit insuffisants du poteau d'incendie le plus proche du terrain d'assiette, et que le projet " est de nature à augmenter le nombre de personnes exposées au risque d'incendie et à porter atteinte à la sécurité des personnes ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette de l'opération envisagée, qui n'est ni boisé ni situé à proximité immédiate de boisements et qui jouxte des parcelles bâties, serait exposé à un risque d'incendie d'une intensité particulière. Il n'est pas davantage démontré que l'édification d'une construction sur ce terrain serait susceptible d'augmenter le nombre de personnes exposées au risque d'incendie. Par ailleurs, le terrain en cause est desservi par une voie de circulation. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal de constat établi le 13 novembre 2020 et produit par Mme C..., qu'un poteau d'incendie est situé à un peu plus de 130 mètres du terrain d'assiette. Au vu du courriel du directeur des services techniques de la commune de Rians, adressé à l'intéressée le 20 octobre 2020, ce poteau d'incendie présente " un débit et une pression normalisés ". La commune de Rians n'établit ni même n'allègue que les caractéristiques du poteau d'incendie en cause auraient été modifiées postérieurement à l'édiction du certificat d'urbanisme en litige. Dans ces conditions, en retenant le motif énoncé au point précédent, le maire de Rians a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions implantées en dehors des " parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du même code, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune.

8. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre une partie urbanisée de la commune, il est notamment tenu compte de la géographie des lieux, de la desserte par des voies d'accès, de la proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune, du nombre et de la densité des constructions projetées, du sens du développement de l'urbanisation, ainsi que de l'existence de coupures d'urbanisation, qu'elles soient naturelles ou artificielles.

9. Pour délivrer le certificat d'urbanisme négatif en litige, le maire de Rians, après avoir précisé qu'il était envisagé de classer la parcelle en zone à urbaniser du plan local d'urbanisme alors en cours d'élaboration, a aussi estimé que le projet n'est pas situé dans une partie urbanisée de la commune au sens de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

10. D'une part, si le maire de Rians s'est référé au règlement du plan local d'urbanisme alors en cours d'élaboration, il n'a en revanche retenu aucun motif fondé sur la méconnaissance des dispositions de ce règlement qui était inopposable à la date du certificat d'urbanisme en litige.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette de l'opération envisagée est bordée à l'est par un terrain bâti, s'inscrivant lui-même dans un environnement urbanisé, et au nord par un chemin au-delà duquel plusieurs constructions sont édifiées. La parcelle non bâtie en cause, qui présente une superficie d'un peu moins de 3 900 mètres carrés, est située à l'extrémité ouest d'un secteur traversé notamment par ce chemin et caractérisé par la présence d'un nombre et d'une densité significatifs de constructions, lesquelles sont implantées à proximité les unes des autres. Alors même qu'elle est dépourvue de construction, cette parcelle n'occupe pas un compartiment de terrain nettement différent de cette partie urbanisée de la commune de Rians. Au regard de la configuration des lieux, la réalisation de l'opération envisagée, consistant en l'édification d'une maison individuelle sur la parcelle litigieuse, qui est desservie par les réseaux ainsi que par une voie de circulation, n'aurait pas pour effet d'étendre cette partie urbanisée. Dans ces conditions, en retenant le motif énoncé au point 9, le maire de Rians a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement, le certificat d'urbanisme négatif en litige ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre.

Sur l'injonction d'office :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

14. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif de droit ou une circonstance de fait pourrait faire obstacle à la délivrance du certificat d'urbanisme opérationnel sollicité, notamment par Mme C..., le 18 septembre 2017. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au maire de Rians, agissant au nom de la commune, de délivrer le certificat d'urbanisme positif sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

15. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme C... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

16. D'autre part, selon le dernier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code ". En application du a) de l'article L. 422-1 auquel il est ainsi renvoyé, lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif. Dès lors, la caducité du plan d'occupation des sols de Rians et l'application consécutive du règlement national d'urbanisme n'ont pas eu d'incidence sur la compétence, en matière de délivrance des autorisations et certificats d'urbanisme, précédemment transférée à la commune. Le certificat d'urbanisme en litige a donc été délivré au nom de celle-ci par le maire de Rians. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Rians la somme de 2 000 euros à verser à Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : Le certificat d'urbanisme négatif délivré le 9 octobre 2017 par le maire de Rians et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Rians de délivrer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat d'urbanisme déclarant réalisable l'opération envisagée notamment par Mme C....

Article 4 : La commune de Rians versera une somme de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune de Rians.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

2

N° 20MA04386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04386
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Règlement national d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-19;20ma04386 ?
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