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10/01/2023 | FRANCE | N°21MA00447

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 10 janvier 2023, 21MA00447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le maire de Marseille lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1810514 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire,

enregistrés les 2 février et 29 mars 2021, M. C..., représenté par Me Leturcq, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le maire de Marseille lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1810514 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 29 mars 2021, M. C..., représenté par Me Leturcq, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 décembre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du maire de Marseille du 18 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés par le maire de Marseille n'est pas établie et le tribunal administratif de Marseille a donc dénaturé les pièces du dossier ; en fondant sa décision de lui infliger un blâme sur de simples allégations non étayées par des éléments probants, la commune de Marseille a commis une appréciation inexacte des faits ;

- sa mutation d'office sur le poste de surveillant de parcs et jardins doit être qualifiée de sanction déguisée et la règle " Non bis in idem " a donc été méconnue ; en excluant l'existence même d'une sanction déguisée par la présence d'un intérêt du service, le tribunal administratif de Marseille a méconnu la portée son appréciation ;

- la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée et le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement attaqué d'une erreur d'appréciation ;

- il a été porté atteinte à son droit à exercer son mandat syndical reconnu par l'article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- contrairement à ce qu'affirme la commune de Marseille, il n'a pas invoqué de moyen tenant à la régularité du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2021, la commune de Marseille, représentée par Me Puigrenier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la Cour, qui n'est pas juge de cassation, n'a pas à connaître de la " dénaturation des pièces du dossier " alléguée par M. C... ;

- l'appelant ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du principe " Non bis in idem " à l'encontre de l'arrêté contesté en ce qu'il est le premier acte édicté, et est donc antérieur à la décision portant changement de son affectation et, en tout état de cause, cette seconde décision ne constitue pas une sanction déguisée ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et, au besoin, par la voie de la substitution de motifs, la Cour devra confirmer que les griefs reprochés à M. C... et fondant la sanction disciplinaire de blâme contestée sont avérés.

Un courrier du 16 septembre 2022, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de

l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Ravestein, substituant Me Leturcq, représentant M. C..., et de Me Andine, substituant Me Puigrenier, représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Agent territorial du patrimoine principal de 2ème classe, au sein des services de la commune de Marseille, M. C... occupait le poste, depuis le 1er février 2015, de surveillant du cimetière des Vaudrans et exerçait par ailleurs des responsabilités syndicales. Par un arrêté du 18 octobre 2018, le maire de Marseille lui a infligé un blâme. M. C... relève appel du jugement du 7 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Marseille du 18 octobre 2018 :

2. Statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation.

3. D'une, part, aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. D'autre part, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

5. En l'espèce, pour infliger un blâme à M. C..., le maire de Marseille s'est fondé sur deux notes rédigées par la directrice des opérations funéraires de cette commune les 24 mai et 7 septembre 2018, pour reprocher à ce dernier d'avoir manqué, d'une part, à son devoir d'obéissance, en ne respectant pas les directives et les consignes de travail, notamment les 16 et 22 mai 2018, en matière de récupération, en refusant systématiquement d'appliquer les règles et en ne cessant pas de se déplacer sur l'ensemble des cimetières en dehors de ses autorisations syndicales et, d'autre part, à son devoir de réserve, en divulguant de fausses informations auprès de ses collègues de travail, notamment le 16 mai 2018, au sujet de la question des jours de récupération.

6. Le tribunal administratif de Marseille, après avoir jugé fondés les moyens de

M. C... dirigés contre les griefs tenant aux faits de non-respect des consignes de travail et de divulgation de fausses informations à ses collègues les 16 et 22 mai 2018, en considérant que la matérialité des faits ainsi reprochés n'était pas établie, a, en revanche, écarté les moyens de

M. C... contestant les griefs tenant aux circonstances que l'intéressé aurait refusé, en ce qui le concerne, la mise en œuvre de la réforme des rythmes de travail initiée par la commune intimée et se serait obstiné à se prévaloir du précédent système de récupération des jours fériés travaillés, et qu'il se serait déplacé dans les autres cimetières en dehors des autorisations syndicales accordées par l'administration. Il a alors jugé que le maire de Marseille aurait pris la même décision s'il s'était seulement fondé sur ces deux derniers griefs.

7. Toutefois, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal, et en particulier de la réponse donnée par M. C... le 26 juillet 2018 au courrier du 9 juillet 2018 par lequel le maire de Marseille l'informait de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, que, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, M. C... n'a pas admis la matérialité de ces derniers griefs mais l'a toujours contestée. Par ailleurs, les faits tels que rapportés par la directrice des opérations funéraires dans ses deux notes citées au point 5

ci-dessus, qui n'établissent ni que M. C... aurait personnellement manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique, ni qu'il aurait refusé de remplir ses obligations en matière de temps de travail, ne sont corroborées par aucune autre pièce versée aux débats. A supposer que l'appelant, titulaire d'un mandat syndical, ait émis des critiques sur le projet communal de réforme des rythmes de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que celles-ci auraient excédé le cadre normal du débat syndical. Enfin, à l'exception du rappel à l'ordre de la directrice des opérations funéraires adressé M. C... le 24 mai 2018, soit concomitamment à la note par laquelle cette dernière demandait également le prononcé d'une sanction disciplinaire à son encontre, la commune de Marseille ne produit aucun document ou élément par lequel il aurait été interdit à l'intéressé, en temps utile, de se déplacer dans d'autres cimetières que celui des Vaudrans au sein duquel il était affecté, en dehors de ses autorisations syndicales.

8. Il s'ensuit que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter ses conclusions à fin d'annulation, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le maire de Marseille pouvait fonder sa sanction sur les circonstances énoncées au point précédent. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les moyens critiquant la légalité des autres motifs de la décision en litige.

9. S'agissant de la journée du 16 mai 2018, dès lors que la commune de Marseille reconnaît, dans ses écritures d'appel, que M. C... était alors en repos, son maire n'a pu légalement reprocher à ce dernier, pour lui infliger la sanction en litige, de s'être entretenu ce jour-là avec l'adjoint au responsable des cimetières au sujet des heures de récupération, quand bien même il n'aurait pas été convié par ce dernier à le faire. En ce qui concerne la journée du 22 mai 2018, la directrice des opérations funéraires a reconnu, dans sa note du 7 septembre 2018, le caractère infondé du grief tenant à la diffusion de fausses informations, qu'elle avait pourtant formulé dans sa note du 24 mai 2018. Si, pour la première fois devant la Cour, la commune de Marseille produit un courriel du 16 juillet 2018 du responsable surveillance et sécurité de la direction des opérations funéraires, et deux attestations établies le 12 juillet 2018 par trois agents de cette direction, sans respecter les formes prescrites par l'article 202 du code de procédure civile, ces documents ne sont pas suffisamment précis et circonstanciés pour étayer l'un quelconque des motifs de la décision en litige. M. C... est donc fondé à soutenir que l'ensemble des motifs du blâme du 18 octobre 2018 est entaché d'erreurs de fait.

10. Certes, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. Mais si, en faisant valoir que l'emploi, dans l'arrêté litigieux, de l'adverbe

" notamment ", signifie que les faits reprochés à M. C... " n'étaient pas survenus seulement les 16 et 22 mai 2018, mais les 16 et 22 mai 2018 parmi d'autres dates ", la commune de Marseille demande une substitution de motifs, elle ne livre aucune précision utile sur la consistance ou la date de ces autres faits. Sa demande de substitution de motifs ne peut donc être accueillie.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. C..., que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le maire de Marseille lui a infligé un blâme. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

14. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Marseille et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par M. C....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1810514 du tribunal administratif de Marseille du 7 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le maire de Marseille a infligé à M. C... un blâme est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est annulé.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2022, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

2

No 21MA00447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00447
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-02 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : PUIGRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-10;21ma00447 ?
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