Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le directeur général des finances publiques a refusé sa titularisation et d'enjoindre à cette autorité de la titulariser ou de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de
6 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement n° 1804227 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de Mme D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2021, Mme C... D..., représentée par Me Darmon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804227 du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle le directeur général des finances publiques a refusé sa titularisation ;
3°) d'enjoindre au directeur général des finances publiques, à titre principal de la titulariser, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros au titre du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été en mesure de consulter au préalable son dossier ;
- elle caractérise un détournement de pouvoir et une discrimination à son encontre en raison de son état de santé ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des faits et d'une erreur de droit dans la mesure où les difficultés de santé qu'elle rencontre ne sauraient fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle ;
- le jugement est taisant et ne tire pas les conséquences de ses propres considérants ;
- aucune proportionnalité de la sanction n'a été prise en compte, alors que l'administration aurait pu renouveler son stage pour un an.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-979 du 28 août 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été engagée le 8 juin 2017, par contrat signé au nom du directeur général de la direction générale des finances publique en application du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, sur un emploi d'agent contractuel en vue d'exercer à compter du 12 juin 2017, pour une période d'un an, les fonctions confiées à un agent administratif des finances publiques. Par une décision du
10 juillet 2018, notifiée à l'intéressée le 28 juillet 2018, le directeur général de la direction générale des finances publiques a prononcé sa non-titularisation. Par un jugement du
16 décembre 2020, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Sur la régularité du jugement :
2. A supposer que, par son argumentation selon laquelle le jugement est taisant sur le fond, quant à de prétendues défaillances de l'administration, Mme D... ait entendu remettre en cause la motivation du jugement, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes du II de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat applicable au litige, les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, mentionnés au 1° de l'article L. 5212-13 du code du travail, " peuvent être recrutés en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du corps dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction ". Aux termes de l'article 4 du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, dans sa version applicable au litige : " Les candidats qui remplissent les conditions fixées aux articles
ci-dessus peuvent être recrutés par contrat pour la période prévue à l'article 27 de la loi du
11 janvier 1984 susvisée. / Le contrat précise expressément qu'il est établi en application de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. ". Et aux termes de l'article 8 de ce même décret : " A l'issue du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent par l'autorité disposant du pouvoir de nomination est effectuée au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien de celui-ci avec un jury organisé par l'administration chargée du recrutement. (...) III. Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes, le contrat n'est pas renouvelé, après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné. (...) / IV. Lorsque l'agent a suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel il a vocation à être titularisé, il subit les épreuves imposées aux fonctionnaires stagiaires du corps avant leur titularisation, dans les mêmes conditions, sous réserve des aménagements éventuels imposés par son handicap. / L'appréciation de son aptitude professionnelle est assurée par le jury désigné pour apprécier l'aptitude professionnelle des élèves de l'école, auquel est adjoint un représentant de l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination ainsi qu'une personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Cette appréciation est faite à la fin de sa scolarité. / Au vu de l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent, il lui est fait application soit du I, soit du II, soit du III du présent article. ".
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés par Mme D... de l'absence de motivation de la décision du directeur général des finances publiques et de la méconnaissance des droits de la défense en ne la mettant pas à même de prendre connaissance de son dossier, par adoption des motifs retenus à bon droit et avec suffisamment de précision par les premiers juges aux points 4 et 5 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler le contrat de Mme D..., le directeur général des finances publiques s'est fondé sur les motifs que, malgré un accompagnement attentif, l'intéressée n'est pas parvenue à atteindre le niveau d'autonomie attendu d'un agent administratif des finances publiques, ensuite qu'elle n'a pas tenu compte des consignes de son encadrement, en outre que la qualité et la quantité des travaux réalisés sont restées nettement perfectibles, et enfin qu'elle ne s'est pas conformée aux règles relatives au temps de travail, et ce, malgré plusieurs rappels, ainsi que cela a été explicitement relevé tant dans les différents points d'étape et courriers qui lui ont été adressés, que dans le rapport d'aptitude rédigé le 7 mai 2018. Si la requérante qui ne conteste pas ces éléments d'appréciation, soutient néanmoins que l'administration n'a pas pris en compte ses problèmes de santé, notamment sur le plan oculaire, elle ne produit aucune pièce médicale permettant de décrire avec précision la pathologie alléguée. S'il est constant qu'elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail au début de l'année 2018, et que, par un certificat du 29 janvier 2018, le médecin de prévention a préconisé qu'elle ne travaille pas plus de quatre heures par jour sur écran, il ressort des pièces du dossier qu'un aménagement du poste de travail lui a été proposé avec l'acquisition d'un matériel informatique spécifique, en l'occurrence un télé-agrandisseur, et que ses fonctions ont par ailleurs été diversifiées avec une affectation à mi-temps sur des tâches de tri du courrier ne nécessitant pas l'utilisation de l'outil informatique, et sur lesquelles elle n'a d'ailleurs pas été en mesure de donner satisfaction, en raison notamment de nombreuses arrivées tardives sur son lieu de travail. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de droit, ni méconnaître les dispositions citées au point 3, que le directeur général des finances publiques a pu considérer que Mme D... ne présentait pas des capacités professionnelles suffisantes, et que par suite, il a refusé de la titulariser.
6. En troisième lieu et d'une part, l'agent recruté au titre de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 25 août 1995, relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, se trouve pendant la durée de son contrat dans une situation probatoire et provisoire. Si ces dispositions lui accordent le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elles ne lui confèrent aucun droit à être titularisé.
7. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence de telles pratiques.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la décision en litige est exclusivement fondée sur l'inaptitude professionnelle de Mme D..., et que, pour ce motif, l'administration a pu légalement ne pas lui proposer le renouvellement de son contrat, conformément aux dispositions, citées au point 3, du III de l'article 8 du décret du 25 août 1995. Dès lors, la mesure en litige ne pouvant être regardée comme constitutive d'une sanction disciplinaire, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'un détournement de pouvoir, de ce qu'elle serait disproportionnée, et de ce qu'elle révèlerait l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé de l'intéressée, ne peuvent qu'être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2018 portant refus de titularisation, et au prononcé d'injonctions.
10. Si Mme D... présente de nouveau en appel des conclusions tendant à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du refus de la titulariser, elle ne conteste pas le motif du jugement qui, pour rejeter de telles prétentions, a retenu en son point 12 l'absence de demande préalable d'indemnisation présentée à l'administration, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Par suite, et en tout état de cause, les conclusions indemnitaires de l'intéressée ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Ses conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2022, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 10 janvier 2023.
Le rapporteur,
Signé
S. A...
Le président,
Signé
M. B...La greffière,
Signé
C. LAUDIGEOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21MA00424