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10/01/2023 | FRANCE | N°20MA02817

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 20MA02817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Seven Heavens a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel le maire d'Antibes a refusé de lui délivrer un permis de construire, valant permis de démolir, en vue de la reconstruction à l'identique d'une maison d'habitation et d'un transformateur sur une parcelle située chemin de la Mosquée.

Par un jugement n° 1703121 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

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Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 août 2020, le 25 juin 2021, les 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Seven Heavens a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel le maire d'Antibes a refusé de lui délivrer un permis de construire, valant permis de démolir, en vue de la reconstruction à l'identique d'une maison d'habitation et d'un transformateur sur une parcelle située chemin de la Mosquée.

Par un jugement n° 1703121 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 août 2020, le 25 juin 2021, les 26 et 28 avril 2022, puis le 9 août 2022, la société Seven Heavens, représentée par Me Lambert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Antibes du 22 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au maire d'Antibes de lui délivrer le permis sollicité dans le délai fixé par la cour et le cas échéant sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une " erreur manifeste de droit " ;

- le projet de reconstruction à l'identique pouvait être autorisé en application de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ;

- les autres motifs de refus sont illégaux.

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 février 2021, le 27 octobre 2021 et le 25 mai 2022, la commune d'Antibes, représentée par Me Orlandini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Seven Heavens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me Lambert, représentant la société Seven Heavens, et celles de Me Orlandini, représentant la commune d'Antibes.

Une note en délibéré présentée par la société Seven Heavens a été enregistrée le 15 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Seven Heavens a déposé, le 2 novembre 2016, une demande de permis de construire, valant permis de démolir, présentée comme tendant à la " reconstruction à l'identique " d'une maison d'habitation et d'un transformateur sur la parcelle cadastrée section CE n° 43, située au lieu-dit " A... " sur le territoire de la commune d'Antibes et classée en zone N du plan local d'urbanisme communal. Par un arrêté du 22 mai 2017, le maire d'Antibes a refusé de délivrer le permis ainsi sollicité. La société Seven Heavens relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles, compte tenu de l'ancienneté de la destruction hors sinistre du bâtiment dont la reconstruction à l'identique est prévue, le projet litigieux ne pouvait être autorisé sur le fondement de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Pour refuser de délivrer le permis sollicité par la société Seven Heavens, le maire d'Antibes a notamment estimé que le projet litigieux ne pouvait être autorisé sur le fondement de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme et qu'il n'était pas conforme au règlement de la zone N du plan local d'urbanisme communal.

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ". La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a modifié ces dispositions, ultérieurement reprises à l'article L. 111-15 du même code, pour prévoir que : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ".

5. Lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'un droit précédemment ouvert sans condition de délai, ce délai est immédiatement applicable mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Si, en adoptant les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 insérées à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, le législateur n'a pas entendu permettre aux propriétaires d'un bâtiment détruit par un sinistre de le reconstruire au-delà d'un délai raisonnable afin d'échapper à l'application des règles d'urbanisme devenues contraignantes, les modifications apportées à cet article par la loi du 12 mai 2009 ont notamment eu pour objet de créer expressément un délai ayant pour effet d'instituer une prescription extinctive du droit, initialement conféré par la loi du 13 décembre 2000 aux propriétaires d'un bâtiment détruit par un sinistre, de le reconstruire à l'identique. Il en résulte que le délai qu'elle instaure n'a commencé à courir, dans tous les autres cas de destruction d'un bâtiment par un sinistre, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009.

6. D'autre part, l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, issu de l'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme, dispose que : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ". Ces dispositions, qui n'ont pas modifié le délai institué par la loi du 12 mai 2009, reprennent en substance les dispositions antérieurement applicables de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de cette loi qui a limité à dix ans l'ancienneté de la destruction du bâtiment dont la reconstruction à l'identique peut être autorisée.

7. Il résulte de ces dispositions que la reconstruction à l'identique d'un bâtiment régulièrement édifié ne peut être autorisée que lorsque ce bâtiment a été détruit ou démoli depuis moins de dix ans. Dans l'hypothèse où le bâtiment n'a pas été détruit par un sinistre, ce délai de dix ans, institué par la loi du 12 mai 2009 modifiant l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et aujourd'hui repris à l'article L. 111-15 du même code, commence à courir à compter de la destruction ou de la démolition du bâtiment.

8. Il ressort des pièces du dossier que la destruction de l'ensemble bâti concerné par la demande de permis de construire de la société Seven Heavens ne résulte pas d'un sinistre et que les dernières constructions édifiées sur le terrain d'assiette du projet ont été démolies au cours de l'année 2002. Dans ces conditions, le bâtiment d'habitation mentionné dans cette demande de permis déposée le 2 novembre 2016 ayant été détruit ou démoli plus de dix ans auparavant, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que sa reconstruction à l'identique ne pouvait être autorisée sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, lesquelles n'ont pas institué un nouveau délai de prescription d'un droit précédemment ouvert sans condition de délai.

9. En second lieu, le terrain d'assiette du projet est classé en partie en secteur NL et, pour la partie restante, en secteur Na de la zone N du plan local d'urbanisme d'Antibes. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les constructions projetées ne sont pas conformes aux dispositions du règlement de la zone N de ce plan local d'urbanisme.

10. Il résulte de l'instruction que le maire d'Antibes aurait pris la même décision en retenant uniquement les motifs évoqués ci-dessus. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur la légalité des autres motifs fondant la décision de refus de permis de construire en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Seven Heavens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la société Seven Heavens ne peuvent, compte tenu du rejet de ses conclusions à fin d'annulation, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Antibes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Seven Heavens la somme qu'elle demande sur ce fondement. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Seven Heavens la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Antibes et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Seven Heavens est rejetée.

Article 2 : La société Seven Heavens versera la somme de 2 000 euros à la commune d'Antibes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Seven Heavens et à la commune d'Antibes.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

2

N° 20MA02817

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02817
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Modalités d`application des règles générales d`urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-10;20ma02817 ?
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