Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2101240 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2021, sous le n° 21MA04605, M. C..., représenté par Me Rossler, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil à condition que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) des Alpes-Maritimes a participé à l'établissement de l'avis du collège de médecins en violation de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis des médecins de l'OFII ne fait pas mention de la durée prévisible des soins ;
- il ne fait état d'aucun élément de procédure ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 511-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 et le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 12 mai 1981 et de nationalité tunisienne, est entré en France le 18 octobre 2009 muni d'un visa D étudiant et a bénéficié d'un titre de séjour " étudiant " afin de poursuivre des études en informatique et gestion puis, à compter du 20 décembre 2012, d'un titre de séjour " étranger malade " valable jusqu'au 23 juin 2019 dont il a demandé le renouvellement le 6 mai 2019. Le préfet des Alpes-Maritimes lui a délivré, dans l'attente, des récépissés dont le dernier valable jusqu'au 7 mars 2021. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2021.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code précité : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...)". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. /Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente ". L'article 6 du même arrêté du 27 décembre 2016 dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. /Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. ". Et aux termes de l'article 7, " Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. Le demandeur en est informé. Le complément d'information peut être également demandé auprès du médecin de l'office ayant rédigé le rapport médical. Le demandeur en est informé. /Le collège peut convoquer le demandeur. (...). Le collège peut faire procéder à des examens complémentaires ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du 3 août 2020 porte la mention " après " en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant : (...) " et mentionne les noms des trois médecins, les docteurs G., D. et S. du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) composant le collège national mentionné à l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ressort du bordereau du même jour de l'OFII, que le rapport médical a été rédigé, le 14 juin 2020, par le docteur A.... Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'avis a été rendu non par le collège national des médecins de l'OFII mais par le service médical de l'OFII dans les Alpes-Maritimes qui a instruit sa demande.
5. En deuxième lieu, si M. C... soutient que l'avis du 3 août 2020 du collège des médecins de l'OFII est incomplet et, par suite, irrégulier, dès lors que les précisions relatives à la convocation pour examen et aux examens complémentaires menés au stade de l'élaboration du rapport puis de l'avis par les services de l'OFII, qualifiées " d'éléments de procédure " par les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, ne sont pas renseignées sur ce document, il résulte toutefois des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionnées aux points 2 et 3, que la faculté pour l'auteur du rapport médical préalable ou pour les membres du collège de procéder à une convocation du demandeur ainsi qu'à des vérifications complémentaires ne présente pas un caractère obligatoire. Dès lors, si le médecin instructeur ou le collège ne font pas usage de cette faculté, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé d'une garantie en n'ayant pas été convoqué et l'avis du collège n'a pas à comporter d'indication relative à de telles vérifications complémentaires. En outre, cet avis n'avait pas à mentionner la durée prévisible du traitement dès lors que le collège a estimé que le patient pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'origine de soins appropriés.
6. En troisième lieu, M. C... soutient qu'il n'a pas été en mesure de présenter son dossier médical, ce qui l'a privé d'une garantie. Toutefois, il a produit, en première instance, le certificat médical confidentiel à adresser à l'OFII renseigné le 9 mars 2020, par un médecin du centre cardio-thoracique de Monaco.
7. En quatrième lieu, il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le préfet des Alpes-Maritimes a non seulement pris en compte l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII mais apporte également des précisions sur la situation du requérant en mentionnant notamment que M. C... n'a fait état dans sa demande d'aucune impossibilité d'accéder de façon concrète à des soins appropriés dans son pays d'origine ni justifier de circonstances humanitaires exceptionnelles. Dès lors, l'autorité préfectorale, qui a procédé à un examen sérieux de la situation personnelle du requérant au regard de son état de santé, ne s'est pas estimée en situation de compétence liée.
8. En cinquième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
9. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. C... présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII, du 3 août 2020, indiquant que si l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une cardiopathie congénitale cyanogène, d'arythmie cardiaque, de séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC) et d'une insuffisance respiratoire sévère traitée par oxygénothérapie. Il bénéficie d'une carte d'invalidité à un taux de 80%. Le requérant produit un certificat médical d'un médecin tunisien établi le 20 mai 2022, postérieurement à l'arrêté contesté mentionnant que le manque de moyens hospitaliers à Médine, sa ville natale, et la surcharge des hôpitaux universitaires à Tunis ne permettent pas d'assurer le suivi des traitements de ses pathologies. Le requérant verse également au débat deux certificats d'un médecin homéopathe précisant que l'arrêt ou l'interruption momentanée des soins entraînera une aggravation rapide de son état, potentiellement un décès à brève échéance mais qu'il n'est pas de son ressort de décider si les pathologies de M. C... peuvent être prises en charge de manière effective en Tunisie et d'un médecin généraliste, du 2 mars 2021, selon lequel il est impératif qu'un suivi cardiologique, pneumologique, neurologique et de chirurgie cardiaque soit poursuivi, l'arrêt du traitement ou suivi entrainerait le décès du patient et que des soins ne peuvent être assurés en Tunisie. Les deux autres certificats des 15 mars et 12 mai 2022 de son pneumologue qui lui a diagnostiqué un syndrome d'apnée du sommeil sévère sont postérieurs à l'arrêté contesté. Toutefois, ces certificats qui, hormis l'oxygénothérapie, ne précisent pas le type de soins et de traitements qui pourraient ne pas exister en Tunisie ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par l'administration sur sa situation, qui dispose de données médicales précises et actualisées sur l'offre de soins disponible en Tunisie. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 février 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. C....
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Frédéric Rossler et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, où siégeaient :
- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 janvier 2023.
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N° 21MA04605
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