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06/01/2023 | FRANCE | N°20MA04688

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 janvier 2023, 20MA04688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Annot a rejeté leur demande du 27 février 2019 tendant à assurer l'entretien du C... des Gastres.

Par un jugement n° 1905664 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2020 et 28 septembre 2021, Mme D... et M. B

..., représentés par Me Zago, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Annot a rejeté leur demande du 27 février 2019 tendant à assurer l'entretien du C... des Gastres.

Par un jugement n° 1905664 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2020 et 28 septembre 2021, Mme D... et M. B..., représentés par Me Zago, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de leur demande ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Annot de procéder à la remise en état du C... des Gastres, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Annot la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une inexactitude matérielle des faits quant à la dénomination du C... des Gastres ;

- la qualification de C... rural est erronée ;

- le C... desservant leur propriété a été classé dans la voirie communale ;

- la commune d'Annot a manqué à son obligation d'entretien de ce C... qui est en mauvais état et permet difficilement le passage des véhicules.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2021, la commune d'Annot, représentée par Me Beauvillard, conclut au rejet de la requête de Mme D... et M. B... et demande à la Cour de mettre à leur charge solidaire la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... et M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Champeau, substituant Me Beauvillard, représentant la commune d'Annot.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... et M. B... sont propriétaires d'une ferme qu'ils exploitent sur la commune d'Annot. Par délibérations du 19 décembre 1959 et du 6 janvier 1961, le conseil municipal de la commune d'Annot a classé le C... des Gastres comme C... communal, ce classement ayant été maintenu par une délibération du 10 mars 1981 du conseil municipal. Par courrier du 27 février 2019, les requérants ont mis en demeure le maire de cette commune de remettre en état le C... desservant leur propriété qu'ils estiment être le C... des Gastres. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Mme D... et M. B... relèvent appel du jugement du 21 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune d'Annot a rejeté leur demande tendant à assurer l'entretien du " C... des Gastres ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal s'est fondé sur les articles L. 141-1, L. 141-3, L. 141-8 du code de la voirie routière, l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales et les articles L. 161-1, L. 161-3 et L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime. Il s'est ensuite appuyé, d'une part, sur le rapport du 13 janvier 2017 du géomètre expert qui a constaté que le C... des Gastres avait partiellement disparu, la liaison entre la route départementale 10 et le hameau des Gastres, desservant la propriété de Mme D... et M. B..., s'effectuant nécessairement par ce nouvel itinéraire, longeant à une certaine distance l'ancien C... communal et, d'autre part, sur le constat d'huissier du 7 novembre 2018 selon lequel les nombreuses dégradations affectant le C... dont les requérants demandent à la commune d'assurer l'entretien, porte nécessairement sur la seule voie carrossable desservant leur propriété, et non sur le C... communal des Gastres qui a fait l'objet d'un classement dans la voirie communale de la commune d'Annot par des délibérations de son conseil municipal. Les premiers juges ont ainsi suffisamment expliqué en quoi le C... classé en voie communale n'était pas celui qui dessert leur propriété. La circonstance que le tribunal aurait commis une inexactitude matérielle quant à la dénomination du C... relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, ce jugement n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-3 du même code : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal. Ce dernier est également compétent pour l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement des voies. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-8 du code précité : " Les dépenses d'entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes par l'article L. 221-2 du code des communes. ". Aux termes de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : (...) 20° Les dépenses d'entretien des voies communales ; (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". L'article L. 161-2 du même code dispose que : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du C... rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout C... affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement d'un tableau de classement de la voirie communale approuvé par deux délibérations des 19 décembre 1959 et 6 janvier 1961, que le C... des Gastres a été classé dans les voies communales sur une longueur de 384 m et une largeur de 7 m, puis par une délibération du 10 mars 1981, sur une largeur de 3 m et une longueur de 1 286 m. F..., il ressort d'un rapport du 13 janvier 2017 établi par un expert géomètre mandaté par la commune d'Annot et des plans parcellaires joints en annexes à ce rapport que le C... " cadastré " des Gastres a en partie disparu notamment en bordure du Coulomp et que l'emprise du C... actuel qui dessert la propriété de Mme D... et de M. B... emprunte sur la majeure partie de sa longueur un tracé différent de l'ancienne voie communale. L'expert a ajouté qu'afin de pouvoir statuer sur la nature du C... et faire face à un éventuel entretien, il serait nécessaire de retrouver la délibération de classement des voiries communales prise à la suite de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ainsi que l'enquête publique si elle a eu lieu. Il a aussi émis deux autres hypothèses consistant, d'une part, à classer le C... actuel en C... rural et, d'autre part, à la conclusion d'un accord amiable entre les propriétaires et la mise en place d'une servitude. Ainsi, il ne ressort pas de ce rapport, pas plus que des témoignages versés au débat par les requérants, qui se bornent à certifier que le C... des Gastres a été classé C... communal ou qui attestent avoir connu le C... des Gastres à l'emplacement actuel, que le C... existant desservant la propriété de Mme D... et de M. B... serait le C... des Gastres classé dans les voies communales, en l'absence de décision expresse de classement permettant de le confirmer. Il en va de même du courrier du 17 décembre 2013 du maire d'Annot qui mentionne que les parcelles sont desservies par une voie publique, le C... communal n° 9 dit " C... des Gastres " qui longe la propriété et du procès-verbal du 25 février 2002 de la réunion du conseil municipal, au cours de laquelle le maire de la commune d'Annot a proposé de déposer un dossier de demande de financements pour la réfection de la voirie communale, dont la n° 9 correspondant au C... des Gastres, lesquels ne donnent aucune précision sur l'emplacement exact de cette voie.

6. En deuxième lieu, pour retenir la présomption d'affectation à usage du public prévue par l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que " l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du C... rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale ", un seul des éléments indicatifs figurant à cet article suffit.

7. Il ressort du rapport de l'expert géomètre du 13 janvier 2017 selon lequel l'emprise du C... actuel est utilisée depuis plus de trente ans, voire au moins 50 à 60 ans d'après plusieurs témoignages et de ceux produits par Mme D... et M. B... que le C... existant desservant leur propriété est utilisé comme voie de passage. Ainsi, il est affecté à l'usage du public. Par suite et compte tenu de ce qui a été au point 5, le C... en litige constitue un C... rural en application des dispositions combinées des articles L. 161-1 à L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime et, jusqu'à preuve du contraire, appartient à la commune d'Annot ce que ne conteste pas cette dernière devant la Cour.

8. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les communes ne peuvent être tenues à l'entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. En outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d'entretien auxquelles la commune pourrait être soumise.

9. En l'espèce, le C... desservant la propriété des appelants étant un C... rural ainsi qu'il a été dit au point 7, la commune d'Annot n'est pas tenue de procéder à son entretien. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette commune aurait exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commune d'Annot.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... et M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme D... et M. B....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Annot qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D... et M. B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de Mme D... et de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Annot et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... et M. B... est rejetée.

Article 2 : Mme D... et M. B... verseront à la commune d'Annot une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... D..., à M. E... B... et à la commune d'Annot.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 janvier 2023.

2

N° 20MA04688

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04688
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-01 Voirie. - Régime juridique de la voirie. - Entretien de la voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : LLC et ASSOCIES LAWTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-06;20ma04688 ?
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