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06/01/2023 | FRANCE | N°20MA04473

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 06 janvier 2023, 20MA04473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande du 4 mai 2018 tendant à ce que soit pris en compte, dans les modalités de calcul de l'indemnité différentielle qu'il a perçue entre le 1er septembre 1983 et le 31 décembre 2006 en qualité de technicien d'études et de fabrications, puis de technicien supérieur d'études et de fabrications, un taux de prime de rendement à hauteur de 32 % et, par voie de cons

quence, de calculer l'indemnité compensatrice qui lui est attribuée depuis le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande du 4 mai 2018 tendant à ce que soit pris en compte, dans les modalités de calcul de l'indemnité différentielle qu'il a perçue entre le 1er septembre 1983 et le 31 décembre 2006 en qualité de technicien d'études et de fabrications, puis de technicien supérieur d'études et de fabrications, un taux de prime de rendement à hauteur de 32 % et, par voie de conséquence, de calculer l'indemnité compensatrice qui lui est attribuée depuis le 1er janvier 2007 sur la base de l'indemnité différentielle tenant compte de ce taux de 32 %.

Par un jugement n° 1802784 du 19 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a, à l'article 1er, annulé cette décision implicite en tant qu'elle lui a refusé le versement de la différence entre le montant de l'indemnité compensatrice qu'il a perçue et le montant de l'indemnité qu'il aurait dû percevoir, calculé sur la base de l'indemnité différentielle tenant compte d'un taux de 32 % pour la prime de rendement, au titre de la période non prescrite courant à compter du 1er janvier 2014 jusqu'à la date de cessation de versement de l'indemnité compensatrice, à l'article 2, enjoint à la ministre des armées de verser à M. A... la somme définie au point 11 du jugement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018 et à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 décembre 2020 et 7 décembre 2022, sous le n° 20MA04473, M. A..., représenté par Me Giraud, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 octobre 2020, seulement dans ses dispositions qui tiennent compte de la période prescrite antérieure au 1er janvier 2014 ;

2°) d'annuler la décision la décision implicite de rejet de sa demande du 4 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'administration, à titre principal, de lui verser les sommes correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue et celle qu'il aurait dû percevoir du 1er septembre 1983 au 31 décembre 2006, ainsi que celles correspondant à la différence entre l'indemnité compensatrice qu'il a perçue et celle qu'il aurait dû percevoir à compter du 1er janvier 2007, calculée sur la base de l'indemnité différentielle tenant compte d'un taux de 32 % au titre de la prime de rendement assorties des intérêts au taux légal et, à titre subsidiaire, de lui verser la différence entre le montant de l'indemnité compensatrice qu'il a perçue et le montant de l'indemnité qu'il aurait dû percevoir, calculée sur la base de l'indemnité différentielle tenant compte d'un taux de 32 % pour la prime de rendement au titre de la période à compter du 1er janvier 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, le tribunal a estimé à tort que les créances antérieures au 1er janvier 2014 étaient prescrites dès lors qu'il doit être considéré comme ignorant légitiment sa créance ;

- à titre subsidiaire, compte tenu de son recours administratif déposé le 1er juin 2018, il est fondé à demander le versement des créances dues à partir du 1er janvier 2014 ;

- il ne conteste pas le bien-fondé de l'appréciation portée par le tribunal quant à l'erreur de calcul opérée par la ministre des armées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 ;

- le décret n° 89-751 du 18 octobre 1989 ;

- la décision du 13 juin 1968 relative aux taux de la prime de rendement attribuée aux ouvriers du ministère des armées ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ;

- et les observations de Me Giraud, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ouvrier d'Etat, a été nommé dans le corps des techniciens d'études et de fabrications (TEF) à compter du 1er septembre 1983, puis dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications. A compter du 1er janvier 2007, il a été promu ingénieur d'études et de fabrications. Il a formé auprès de la ministre des armées un recours administratif, le 4 mai 2018 tendant à ce que soit pris en compte, dans les modalités de calcul de l'indemnité différentielle qu'il a perçue entre le 1er septembre 1983 et le 31 décembre 2006 en qualité de technicien d'études et de fabrications, puis de technicien supérieur d'études et de fabrications, un taux de prime de rendement à hauteur de 32 % et, par voie de conséquence, de calculer l'indemnité compensatrice qui lui est attribuée depuis le 1er janvier 2007 sur la base de l'indemnité différentielle tenant compte du taux de 32 %, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... doit être regardé comme relevant appel de l'article 3 du jugement du 19 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications : " Les techniciens d'études et de fabrications relevant du ministère des armées provenant du personnel ouvrier ou du personnel contractuel régi par le décret du 3 octobre 1949 perçoivent, le cas échéant, une indemnité différentielle ; cette indemnité est égale à la différence entre, d'une part, le salaire maximum de la profession ouvrière à laquelle appartenaient les anciens ouvriers ou le salaire réellement perçu par les anciens contractuels à la date de leur nomination et, d'autre part, la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaire. Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité forfaitaire dégressive accordée aux techniciens d'études et de fabrications en application du décret n° 56-1296 du 17 décembre 1956 susvisé. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 18 octobre 1989 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense : " Les techniciens supérieurs d'études et de fabrications provenant du personnel ouvrier sous statut du ministère de la défense, qui recevaient dans leur ancienne situation une rémunération globale supérieure à celle qui résulte de leur classement dans l'un des corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications, perçoivent une indemnité compensatrice dans les conditions fixées par le présent décret. ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Les dispositions du décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 demeurent applicables : 1° Aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications nommés au titre de l'article 15 du décret susvisé qui bénéficiaient de ces dispositions antérieurement à leur nomination dans un corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications ; 2° Aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications qui, antérieurement à leur nomination, avaient été admis dans les écoles techniques normales de la délégation générale pour l'armement à la suite des concours d'accès à ces écoles organisés au titre des années 1987 et 1988. " La décision n° 38846/MA/DPC/CRG du 13 juin 1968 relative au taux de la prime de rendement attribuée aux ouvriers du ministre des armées dispose que : " A compter du 1er avril 1968, les primes de rendement allouées aux ouvriers et aux techniciens à statut ouvrier des armées varient de 0 à 32 % du salaire du 1er échelon du groupe professionnel auquel ils appartiennent. La moyenne des primes ainsi accordées ne peut dépasser 16 % du salaire minimum de chaque groupe dans la région parisienne et 14 % en province. Cependant, ce dernier pourcentage sera porté à 15 % à compter du 1er octobre 1968 et à 16 % à compter du 1er avril 1969. (... )".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) ". Aux termes de son article 3 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui ne peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

4. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés, y compris lorsque le litige porte sur un prélèvement indu, à la condition qu'à cette date l'étendue de cette créance puisse être mesurée.

5. En premier lieu, M. A... soutient qu'il était dans l'ignorance légitime de sa créance envers l'Etat en raison de la lecture erronée de la réglementation par le ministre des armées. Toutefois, la détermination du montant et du mode de calcul de l'indemnité différentielle est définie par les dispositions de la décision du 13 juin 1968 du ministre de la défense et celles des décrets du 23 novembre 1962 et du 18 octobre 1989, textes règlementaires publiés au bulletin officiel des Armées et au Journal officiel de la République française. L'erreur commise par l'administration dans l'interprétation de ces textes n'était pas de nature à faire obstacle à ce que M. A..., qui avait la possibilité de consulter les dispositions règlementaires applicables alors même que certaines d'entre elles n'auraient fait l'objet à l'époque que d'une diffusion papier, dispose de tous les éléments nécessaires à l'analyse de sa situation. Les circonstances que l'administration aurait refusé de mettre en conformité la situation des agents de l'Etat avec les dispositions réglementaires susvisées, qu'un débat se serait instaurait dans les années 2000 sur le calcul de cette indemnité lequel serait d'une grande complexité ou que les juridictions auraient commencé à sanctionner le ministre des armées seulement à partir des années 2010 ne sont pas davantage de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant ignoré l'existence de sa créance. Il en va de même du fait que cette erreur était de nature à faire obstacle à ce qu'il ait accès à la " vérité juridique ", ainsi que de la publication d'un communiqué de la CFTC du 5 décembre 2017 faisant état d'une décision du Conseil d'Etat du 8 novembre 2017, portant sur le calcul de l'indemnité différentielle et annulant les décisions du ministre de la défense prise en la matière. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre des armées aurait dissimulé, aux agents concernés, l'évolution juridique du litige et commis un silence coupable. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir d'une faute de l'administration dans le cadre du présent litige. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au sens de l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la prescription quadriennale a été interrompue par la réclamation de M. A... du 4 mai 2018, dont l'administration a accusé réception le 7 mai suivant. Par suite, le tribunal a estimé à juste titre que la ministre des armées était seulement fondée à opposer la prescription quadriennale aux créances antérieures au 1er janvier 2014.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. A....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 janvier 2023.

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N° 20MA04473

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04473
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Soldes et avantages divers.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : GIRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-06;20ma04473 ?
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