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05/01/2023 | FRANCE | N°22MA01058

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 05 janvier 2023, 22MA01058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Oniron a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Gordes a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif, ensemble la décision du 26 février 2018 du maire rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.

Par un jugement n° 1801360 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA05200 du 8 février

2022, la Cour a, sur appel de la SCI Oniron, annulé ce jugement et cet arrêté, enjoint au ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Oniron a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Gordes a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif, ensemble la décision du 26 février 2018 du maire rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.

Par un jugement n° 1801360 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA05200 du 8 février 2022, la Cour a, sur appel de la SCI Oniron, annulé ce jugement et cet arrêté, enjoint au maire de Gordes de réexaminer la demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt et mis à la charge de la commune de Gordes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en tierce opposition, enregistrée le 11 avril 2022, la ministre de la transition écologique demande à la Cour :

1°) de déclarer non avenu cet arrêt de la Cour du 8 février 2022 ;

2°) de rejeter la requête de la SCI Oniron.

Elle soutient que :

- l'Etat, qui n'a pas été appelé à la cause alors que la décision attaquée a été prise sur avis conforme du préfet de Vaucluse, est recevable à former tierce opposition contre l'arrêt de la Cour du 8 février 2022 qui a statué sur la requête de la SCI Oniron ;

- cet arrêt est insuffisamment motivé au sujet des conditions de desserte et d'accès du terrain d'assiette et sur les caractéristiques des piscines permettant d'assurer la défense incendie au sens des dispositions du plan de prévention des incendies de forêt (PPRIF) des Monts de Vaucluse ;

- il résulte du titre 9 " Equipements de défense contre l'incendie " du règlement du PPRIF des Monts de Vaucluse et du règlement opérationnel des services départementaux d'incendie et de secours applicable, auquel le PPRIF renvoie, que le recours aux piscines ne peut être pris en compte au titre de la défense contre l'incendie ;

- eu égard à la situation du terrain d'assiette, à sa desserte et à l'absence de poteau incendie à proximité, ce terrain n'est pas défendable contre le risque d'incendie.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 septembre 2022 et le 17 octobre 2022, la SCI Oniron, représentée par Me Hequet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête en tierce opposition est irrecevable en ce qu'elle a été présentée au-delà du délai de deux mois prescrit par l'article R. 832-2 du code de justice administrative ;

- en outre, l'Etat était représenté en première instance et aurait pu l'être en appel par la voie d'une intervention ;

- la ministre ne justifie pas d'un droit lésé par l'arrêt auquel il forme tierce opposition ;

- il n'est pas établi que le signataire de la requête ait reçu délégation à cet effet ;

- le terrain d'assiette du projet litigieux n'est pas dépourvu de défense extérieure contre l'incendie au sens de l'article 9.1.2 du règlement du plan de prévention des risques de feux de forêt Monts de Vaucluse ouest ;

- le classement de sa propriété en zone rouge d'aléa feu de forêt fort à très fort par ce plan de prévention est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de procédure civile ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Hequet, représentant la SCI Oniron.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 janvier 2011, le maire de Gordes a délivré à la SCI Terra Domitia un permis de construire pour édifier une maison d'habitation d'une surface hors œuvre nette de 252 m² avec piscine, " pool house " et auvent pour voiture sur un terrain situé " Les Caquettes Sud ". Ce permis de construire lui ayant été transféré par arrêté du 10 mars 2014, la société civile immobilière (SCI) Oniron a déposé le 22 août 2017 un permis de construire modificatif en vue de diminuer l'altimétrie de la toiture du " pool house " et d'y intégrer le local technique de la piscine et d'augmenter en conséquence la surface de l'emprise au sol de 10 m². Par un arrêté du 6 novembre 2017, le maire de Gordes a refusé de délivrer ce permis de construire modificatif. Par un arrêt n° 19MA05200 du 8 février 2022, la Cour a, sur appel de la SCI Oniron, annulé le jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 novembre 2017, enjoint au maire de Gordes de réexaminer la demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt et mis à la charge de la commune de Gordes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La ministre de la transition écologique forme tierce opposition à cet arrêt.

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ". Il suit de là que M. Eric Sacher, premier conseiller du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, nommé par arrêté du Premier ministre, de la ministre de la transition écologique et solidaire et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales du 22 mai 2020, sous-directeur des affaires juridiques de l'environnement, de l'urbanisme et de l'habitat à la direction des affaires juridiques au secrétariat général, à l'administration centrale du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, pour une durée de trois ans, à compter du 8 juin 2020 publié au Journal officiel de la République française du 22 mai 2020, avait compétence pour former tierce opposition au nom du ministre de la transition écologique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la tierce opposition doit être écarté

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ". L'article R. 832-2 du même code dispose : " Celui à qui la décision a été notifiée ou signifiée dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ne peut former tierce opposition que dans le délai de deux mois à compter de cette notification ou signification. ".

4. Il ressort des pièces du dossier de la requête n° 19MA05200 que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités a reçu notification de l'arrêt du 8 février 2022 le 9 février suivant. En vertu de l'article 642 du code de procédure civile, un délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Ainsi, le délai franc de deux mois ouvert par l'article R. 832-2 du code de justice administrative pour exercer une tierce opposition contre cet arrêt, qui expirait normalement le dimanche 10 avril 2022, a été prorogé jusqu'au lundi 11 avril 2022 à 24 h. La fin de non-recevoir opposée par la SCI Oniron tirée de la tardiveté de la tierce opposition formée par le ministre de la transition écologique, qui a été enregistrée le 11 avril 2022, doit donc être écartée.

5. Aux termes, en outre, de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". L'annulation de la décision par laquelle le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, se conformant, en application de ces dispositions, comme l'a fait le maire de Gordes par son arrêté du 6 novembre 2017, à l'avis négatif du préfet, rejette la demande de permis ou s'oppose à la déclaration préalable, est susceptible de préjudicier aux intérêts dont le législateur a confié la défense au représentant de l'Etat en subordonnant la réalisation du projet à son accord. La requête de la SCI Oniron n'a pas été communiquée à l'Etat. Ainsi, et dès lors que la commune de Gordes ne peut être regardée comme l'ayant représenté, l'Etat n'a été ni appelé ni représenté à l'instance qui préjudicie à ses droits. Par suite, la tierce opposition de la ministre de la transition écologique étant recevable, il y a lieu de statuer à nouveau sur la requête de la SCI Oniron.

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

6. Il appartient à la Cour, après avoir admis la recevabilité d'une tierce-opposition, d'examiner à nouveau la requête ayant donné lieu à l'arrêt faisant l'objet de cette tierce-opposition. Par suite, les moyens soulevés relatifs à la régularité de cet arrêt ne peuvent être utilement soulevés.

7. En l'absence de document d'urbanisme, la commune de Gordes est soumise au règlement national d'urbanisme. Pour refuser le permis de construire modificatif sollicité, le maire de Gordes s'est fondé, en suivant l'avis conforme défavorable du préfet de Vaucluse du 11 septembre 2017, sur le motif tiré de ce que le projet, qui est situé en zone rouge du plan de prévention des risques de feux de forêts (PPRIF) du massif des Monts de Vaucluse ouest approuvé le 9 décembre 2015, ne respecte pas l'article 2.1 du règlement de ce plan, qui autorise dans cette zone les annexes non accolées au bâtiment d'habitation dans la limite de 30 m² de surface totale de plancher ou d'emprise au sol, alors que ce projet prévoit une extension de l'emprise au sol de 19,40 m² du pool house, d'une surface de 38,60 m² non accolé au bâtiment d'habitation.

8. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; (...) ".

9. Le règlement du PPRIF du massif des Monts de Vaucluse ouest définit la zone rouge, dans laquelle est classé le terrain d'assiette du projet en litige, comme constituée par des massifs forestiers et leurs lisières où l'aléa feu de forêt est fort à très fort, dans lesquels l'ampleur des phénomènes ne permet pas de défendre les unités foncières intéressées et dans laquelle le principe est d'interdire toutes constructions nouvelles et d'y limiter les aménagements.

10. Pour contester la légalité de l'arrêté attaqué du 6 novembre 2017, la société requérante soutient, par la voie de l'exception, que le classement de son terrain en zone rouge du plan de prévention des risques d'incendie de forêt est entaché d'illégalité. Il ressort notamment des mentions du rapport de présentation du PPRIF du massif des Monts de Vaucluse ouest que ce classement résulte pour l'essentiel de la superposition de la carte des aléas, de celle des enjeux et de celle des moyens de protection. Il indique ainsi que les secteurs en aléa moyen peuvent être inclus en zone rouge dans la mesure où leur position dans le massif les rend non défendables contre cet aléa. Le rapport de présentation considère néanmoins que les secteurs d'aléa moyen et en présence d'un " bâti diffus et groupé " sont classés en zone constructible B3 quel que soit le type d'urbanisation, à l'exception des établissements à risque, à l'exception de la zone inconstructible R pour les secteurs isolés en cœur de massif boisé.

11. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé, pour sa partie déboisée et supportant les constructions existantes, en secteur d'aléa moyen et fait face à un autre secteur classé identiquement de l'autre côté de la route départementale n° 177. Si la partie sud de la propriété de la SCI Oniron est boisée et classée en secteur d'aléa fort, la présence de ce boisement ne permet pas de regarder la partie construite comme un secteur isolé en cœur de massif boisé. Le secteur classé en aléa fort situé à l'est de l'autre côté du chemin des Caquettes comporte une urbanisation diffuse correspondant à un lotissement d'ailleurs classé en zone bleu, à proximité du centre du village de Gordes. La carte relative aux moyens de protection annexée au PPRIF localise un poteau incendie installé à 150 mètres des constructions existantes sur le terrain d'assiette et assurant un débit de 60 m3/h. Ce terrain est accessible directement par la route départementale 177 et non pas seulement par le chemin des Caquettes bordé de hauts murs et qui, selon le ministre, présente une largeur insuffisante. Cette route départementale est identifiée par la carte précitée au nombre de celles qui présentent une largeur suffisante de 5 m pour permettre l'accès aux véhicules de secours. En outre, bien que de telles installations ne puissent constituer que des moyens d'appoint, les propriétés avoisinantes ainsi que celle de la SCI Oniron disposent de nombreuses piscines. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le classement de sa parcelle en zone rouge, eu égard à la particularité de sa situation en zone d'aléa moyen du plan de prévention des risques d'incendie de forêt dans ce secteur, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Dès lors, le préfet de Vaucluse a méconnu l'article 2.1 du règlement du PPRIF en donnant un avis défavorable au projet en litige et le maire de Gordes s'est estimé à tort lié par cet avis illégal pour refuser de délivrer à la SCI Oniron le permis de construire modificatif qu'elle sollicitait.

13. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à demander que l'arrêt du 8 février 2022 soit déclaré non avenu et que la requête de la SCI Oniron soit rejetée.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Oniron et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La tierce opposition de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCI Oniron une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société civile immobilière Oniron et à la commune de Gordes.

Copie en sera adressée au Préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.

N° 22MA01058 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01058
Date de la décision : 05/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

54-08-04 Procédure. - Voies de recours. - Tierce-opposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : HEQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-05;22ma01058 ?
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