Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Domaine de Macarena a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2017 par lequel le maire de Coursegoules a refusé de lui délivrer au nom de l'Etat un permis de construire une carrière à chevaux, un manège, un hangar et une habitation sur un terrain situé " Le Méou ".
Par un jugement n° 1704480 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, l'EARL Domaine de Macarena, représentée par Me Chrestia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler cet arrêté du 15 septembre 2017 du maire de Coursegoules.
3°) d'enjoindre au maire de Coursegoules de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de lui délivrer un permis de construire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Coursegoules la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement attaqué ne vise pas les dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application ;
- il ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du même code ;
- les premiers juges se sont fondés sur une argumentation soulevée en défense alors même qu'ils ont considéré que la compétence de l'auteur du mémoire en défense pour signer celui-ci n'était pas justifiée ;
- l'arrêté attaqué doit être regardé comme retirant le permis tacite né en l'absence de décision expresse dans le délai d'instruction de trois mois, les dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme étant applicables au cas d'espèce ;
- ce retrait n'est pas intervenu dans le délai prescrit par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
- ce retrait est intervenu sans qu'ait été mise en oeuvre la procédure contradictoire qui s'imposait en vertu de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le motif de refus tiré de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'EARL Domaine de Macarena ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 juillet 2011, l'EARL " Domaine de Macarena " a déposé une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'une carrière à chevaux, d'un manège, d'un hangar et d'une habitation sur un terrain cadastré section C n° 102, situé " Le Méou ", sur le territoire de la commune de Coursegoules. Par un arrêté du 24 octobre 2011, le maire de Coursegoules a refusé au nom de l'Etat de délivrer le permis de construire sollicité. Par un arrêté du 31 janvier 2012, il a retiré cet arrêté et refusé à nouveau la délivrance du permis. Par un jugement du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Coursegoules de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. En exécution de ce jugement, le maire de Coursegoules a, par un arrêté du 15 septembre 2017, refusé, au nom de l'Etat, de délivrer le permis de construire. Par un arrêt du 21 mars 2019, la Cour a annulé le jugement du 1er décembre 2016 et rejeté la demande de l'EARL " Domaine de Macarena " présentée devant le tribunal administratif de Nice. L'EARL " Domaine de Macarena " relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué cite dans ses motifs divers articles du code de l'urbanisme et du code de justice administrative et vise ces codes. Il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative selon lesquelles " la décision contient les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ", que le jugement devait viser spécifiquement les articles des codes dont il fait application. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il ne répondrait pas aux exigences de forme fixées par l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.
3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement rendu par le tribunal administratif de Nice que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Elle respecte donc les prescriptions figurant en ce sens à l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
4. Pour écarter le moyen soulevé par l'EARL Domaine de Macarena tiré de ce que l'arrêté attaqué devait être regardé comme retirant le permis tacite né en l'absence de décision expresse dans le délai d'instruction de trois mois, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que la requérante n'avait pas confirmé sa demande de permis de construire à la suite de l'annulation, par le jugement du 1er décembre 2016, de l'arrêté du 31 janvier 2012 refusant la délivrance de ce permis. Cet élément avait été invoqué dans le mémoire en défense présenté pour le préfet des Alpes-Maritimes, qu'ils ont écarté des débats au motif que la compétence de l'auteur de ce mémoire n'était pas justifiée. Ce faisant, ils se sont cependant bornés à constater que les conditions fixées par les dispositions du code de l'urbanisme en vertu desquelles à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire tacite n'étaient pas remplies au cas d'espèce. Ils ne peuvent donc être regardés s'étant fondés sur un moyen relevé d'office qui n'était pas d'ordre public. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une telle irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 424-1 de ce code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire, ou qui a sursis à statuer sur une demande de permis de construire, impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de sa demande par l'intéressé. En vertu des dispositions précitées de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, la confirmation de la demande de permis de construire par l'intéressé fait courir un délai de trois mois, à l'expiration duquel le silence gardé par l'administration fait naître un permis de construire tacite.
7. Il est constant que, postérieurement au jugement du 1er décembre 2016, l'EARL Domaine de Macarena n'a pas confirmé sa demande de permis de construire initiale. Si la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande ou déclaration soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la demande présentée par le requérant, l'application de ces dispositions, dont l'objet est de permettre le réexamen de la demande initiale sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée, ne préjuge pas de celle des dispositions rappelées au point 5. Par ailleurs, la circonstance qu'aucune décision expresse n'a été notifiée à l'EARL Domaine de Macarena dans le délai de trois mois suivant le courrier du 26 janvier 2017 par lequel le maire de Coursegoules l'a seulement informée que, en exécution du jugement du 1er décembre 2016, notifié à la commune le 5 décembre suivant, la direction départementale des territoires de la mer, service désigné en l'espèce par l'article R. 423-16 du code de l'urbanisme, avait repris l'instruction de sa demande de permis de construire initiale, ne lui permet pas davantage de se prévaloir d'un permis tacite qui serait né le 26 avril 2017. La requérante ne peut utilement faire valoir que les termes de ce courrier lui auraient donné une espérance légitime de pouvoir se prévaloir d'un permis tacite.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'EARL Domaine de Macarena n'était titulaire d'aucun permis de construire tacite à la date du 15 septembre 2017 à laquelle a été pris le refus de permis attaqué. Sont, par suite, sans influence sur la légalité de la décision attaquée, les moyens tirés de ce que le prétendu retrait de ce permis tacite allégué ne serait pas intervenu dans le délai prescrit par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et aurait été pris sans qu'ait été mise en œuvre la procédure contradictoire qui s'imposait en vertu de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
9. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
10. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la création d'un manège sous forme de carrière à chevaux d'une surface de 177 m², d'un hangar de 43 m², d'un bâtiment d'habitation et de boxes répartis le long des cheminements créés. Le terrain d'assiette du projet est situé entre la route départementale D8 et une falaise dont la pente est forte et même très forte à son pied, au niveau de la carrière précitée, à la suite de travaux d'arasement effectués. La carte de qualification de l'aléa " mouvements de terrain " réalisée en mai 2006 dans le cadre de l'élaboration d'un plan d'occupation des sols communal classe le terrain d'assiette du projet, pour sa partie est, en zone d'aléa limité du risque de glissement de terrain et, en partie ouest, en zone d'aléa de grande ampleur d'éboulement. Une étude géologique et géotechnique datée du 9 janvier 2017, effectuée à la demande de la commune de Coursegoules, confirme l'exposition du terrain en litige à un important risque de chute de blocs, qui résulte à la fois de la fracturation et de l'altération de la roche, des agents atmosphériques et de la végétation arbustive et des travaux de terrassement effectués au pied de la falaise, sur une grande hauteur. L'EARL Domaine de Macarena ne saurait utilement contester la pertinence de cette étude pour apprécier l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en soutenant qu'il s'agit d'une étude préalable correspondant à une mission G1 alors que le maire de Coursegoules a considéré dans son arrêté attaqué que seule une étude de conception correspondant à une mission G2 permettrait " d'identifier de manière exhaustive les instabilités présentes à l'amont de la parcelle et de proposer des parades de protection ". Un avis du 27 juillet 2017 émanant du service de restauration des terrains de montagnes (RTM) de l'office national des forêts, consulté par la commune, décrit les constatations effectuées sur le site qui révèlent des signes de dislocation de la roche et la présence de blocs rocheux détachés de la falaise, dont certains à proximité ou sur la parcelle d'assiette du projet. Si l'EARL Domaine de Macarena soutient que sa demande comportait tous les documents requis par la règlementation, que ceux-ci ne faisaient apparaître aucun risque d'éboulement et qu'aucune chute de pierre ne se serait produite depuis 2011, les éléments précités démontrent l'existence d'un tel risque dont les causes persistent à la date de l'arrêté attaqué, en dépit du fait que de nouveaux travaux d'affouillement ne seraient pas prévus au niveau de la carrière à chevaux. L'exposition à ce risque de l'exploitant et ses employés mais également des tiers et des chevaux révèle une atteinte à la sécurité publique et est de nature à justifier le refus de délivrance de permis de construire attaqué. Par suite, et dans la mesure où le maire n'aurait pu accorder le permis en l'assortissant d'une prescription tendant à l'élaboration d'une étude ayant l'objet précité, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL Domaine de Macarena n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Coursegoules, qui n'a pas, en tout état de cause, la qualité de partie, la décision attaquée ayant été prise au nom de l'Etat, la somme que l'EARL Domaine de Macarena demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EARL Domaine de Macarena est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée Domaine de Macarena et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la commune de Coursegoules et au Préfet des Alpes-Maritimes
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.
N° 20MA02540 2
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